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Sur le vif - Page 181

  • Face à la provocation du néant, l'Allemagne

     
    Sur le vif - Jeudi 30.06.22 - 10.07h
     
     
    La grande puissance, en Europe, c'est l'Allemagne. Il n'y en a pas d'autre. Tout est parti de la Guerre de Sept Ans (1756-1763), un siècle avant que l'Allemagne, en tant que nation unitaire, n'existe. Tout est parti de l'un des plus grands visionnaires de l'Histoire : le roi de Prusse Frédéric II (1740-1786).
     
    L'Histoire de la Prusse devrait être obligatoire dans les écoles : sans passer par elle, sa philosophie, son rapport au travail, à la notion de devoir, on ne comprend rien à la construction de l'idée de nation allemande, du philosophe Fichte (Reden an die deutsche Nation, Berlin, 1807) à la proclamation de l'Empire allemand dans la Galerie des glaces de Versailles, en 1871. J'ai expliqué tout cela en détail, dans les 32 premiers volets de ma Série en 144 épisodes sur l'Histoire de l'Allemagne, de 1522 à nos jours.
     
    Nous sommes en 2022. L'Allemagne est la quatrième puissance économique du monde, et de loin la première en Europe. Elle a certes des disparités sociales (surtout en Saxe, en Prusse et en Thuringe), mais globalement, le pays est stable. Nous ne sommes pas le 9 novembre 1918 ! Là aussi, il faut lire, lire, et lire encore. Celui qui ne s'est pas renseigné à fond sur la Révolution allemande (1918-1923), les combats entre Corps-francs et Spartakistes, ne peut rien comprendre à ce qui conduira, quinze ans plus tard, à l'avènement du Troisième Reich.
     
    Nous sommes en 2022, l'Allemagne domine. Elle est prospère, imaginative, capable de se réinventer. Depuis trente ans, par d'autres moyens que naguère mais sur les mêmes chemins, elle a colonisé l'économie de l'Europe centrale et orientale. Les directions opérationnelles des entreprises sont certes polonaises, hongroises, lituaniennes. Mais les capitaux sont allemands. Elle a intégré ses oppositions, par des gouvernements de coalition, au niveau fédéral et dans les Länder, que nous Suisses connaissons bien. Elle jouit d'une paix sociale certes relative, mais sans précédent depuis l'époque bismarckienne. Elle a l'estime de tous.
     
    On en oublierait presque un détail. L'Allemagne n'en finit pas de se réarmer. Dès qu'a éclaté la guerre Russie-Ukraine, elle a voté cent milliards pour son budget militaire. Au Nord, les chantiers navals nous préparent le plus impressionnant sous-marin du 21ème siècle. Les usines d'armement tournent à plein régime. C'est le programme le plus impressionnant depuis Albert Speer. Car l'Allemagne, on le sait peu, n'a jamais autant produit que pendant les toutes dernières années de guerre, alors qu'elle refluait sur les théâtres d'opérations d'Europe. En 1942 au contraire, alors qu'elle était à l'apogée de son expansion, la production était en pleine crise. C'est le remplacement de Todt par Speer qui a inversé la tendance. Avec, aussi incroyable que cela puisse paraître, une suite sur l'après-guerre, et le fameux miracle allemand. Il ne faut surtout pas croire que tout s'est arrêté en 1945. Certaines continuités, dans l'Histoire industrielle allemande, seraient même de nature à vous époustoufler.
     
    L'Allemagne se réarme, je suis l'affaire de très près depuis toujours, sans doute l'un des seuls en Suisse romande à m'y intéresser. Elle se réarme, et personne n'en parle. Ou presque. Il y a même des esprits d'envergure modeste pour s'en féliciter : "Formidable, ils pourront ainsi aider les gentils Ukrainiens". Dès qu'on instille une once, même infinitésimale, de morale dans la pesée des affaires stratégiques, on entre sur le chemin d'errance.
     
    L'Allemagne se réarme. C'est pour les générations à venir. Elle n'est pas pressée. Depuis Frédéric II, elle n'a cessé de prendre le temps. Elle a accumulé les succès. Face à ce mouvement lent, tectonique, de construction d'un espace solide dans la Mitteleuropa, le 8 mai 1945, au milieu d'un pays en cendres, occupé par quatre puissances étrangères, disparaissant même comme Etat pendant quatre ans, apparaît comme une défaite d'étape. Déjà, au milieu des décombres, les esprits les plus avancés pouvaient entrevoir le défi du néant à l'existence. Aujourd'hui, on connaît la réponse : par son énergie phénoménale, sa discipline, sa volonté de fer, l'Allemagne a imposé son existence à la provocation du néant.
     
     
    Pascal Décaillet

     

  • Ceux qui n'arrachent pas le bitume

     
    Sur le vif - Mardi 28.06.22 - 13.40h
     
     
    Marie-Claude Sawerschel, Marc Wuarin : deux excellents candidats au Conseil d'Etat. Deux têtes bien faites, bien pleines. Deux conceptions humanistes et ouvertes de l'action publique. Deux engagements pour l'environnement, fondés sur la Raison (Vernunft), et non sur une dérive sectaire, végétarienne par décret, arracheuse de bitume avec label de la Princesse. Il y a des jours où le gong de Philippulus, dans son éternité tristement recommencée, éreinte nos ouïes et lacère nos âmes.
     
    J'ignore absolument si leur parti, les Verts libéraux, dont le double adjectif aurait tout pour me déplaire, réussira sa percée, l'an prochain. Je ne suis ni Vert, ni libéral, je suis un vieux républicain, partisan d'un Etat fort, mais seulement dans les domaines régaliens. Je suis pour les classes moyennes, pour ceux qui bossent, qui se crèvent au boulot. Je suis pour une Suisse indépendante, souveraine. Au fond, je suis une vieille tête de lard radicale. Avec dans le tréfonds la tentation de la noirceur.
     
    J'ignore le destin politique des Verts libéraux. Mais je dis que cette famille nouvelle, riche de belles individualités, avec des gens cultivés, intéressants, a un rôle à jouer dans notre vie publique. Parmi d'autres. Mais sûrement pas moins que d'autres.
     
     
    Pascal Décaillet

  • D'urgence, le DIP doit être enlevé à la gauche !

     
    Sur le vif - Vendredi 24.06.22 - 09.50h
     
     
    Des sous, des sous, des sous. Chaque fois qu'on parle de l'Instruction publique à Genève, le seul et unique discours de la gauche est de larmoyer pour obtenir des "moyens".
     
    L'école va mal ? Il faut des sous ! Les connaissances ne se transmettent plus ? Des sous ! L'illettrisme gagne du terrain ? Des sous ! L'enseignement de l'Histoire, à part quelques profs magnifiques, ne donne plus aux élèves, depuis longtemps, l'indispensable approche synthétique, et diachronique, pour avoir une vision d'ensemble ? Des sous ! Les profs de géo ne jurent plus que par l'endoctrinement climatique ? Des sous ! Plus aucun élève, ou presque, n'est capable de lire un poème, à haute voix, avec l'amour de la métrique et de la prosodie, le sens du "e" muet, la passion musicale de la syllabe ? Des sous, des sous, encore des sous !
     
    Un secteur entier du DIP, s'occupant d'élèves en souffrance, dysfonctionne totalement depuis des années ? Des sous ! L'autorité politique élue a perdu tout contrôle sur cet Office ? Des sous ! Des choses très graves, méritant une Commission d'enquête, s'y sont produites, au détriment des élèves ? Des sous, des sous, encore des sous !
     
    On dirait qu'en matière de formation, la gauche a perdu tout sens de l'essentiel : la qualité, humaine et intellectuelle, de la transmission des connaissances. Pour elle, sans argent, sans ces éternels "postes supplémentaires", rien ne serait possible pour perpétuer ce miracle permanent du savoir partagé, celui dont parle Péguy, dans "L'Argent", Cahiers de la Quinzaine, 1913. Au fond, cette gauche-là ne s'intéresse pas au coeur de la question. Elle tournicote, comme les trompettistes autour de Jéricho, en hurlant : "Des sous, des sous, encore des sous !".
     
    Cet argent doit leur être refusé, et la droite a raison. Le DIP est déjà doté, en comparaison intercantonale, du budget le plus délirant du pays. Beaucoup trop de strates de contrôle, d'états-majors, de secrétaires généraux, de services de recherches, au détriment du front de l'enseignement. Ce dont le Département a le plus impérieux besoin, c'est le rétablissement de la confiance. Cette dernière, à tous les échelons, fait cruellement défaut. Le DIP est en état de décombres. Saluons les profs, les élèves, le personnel administratif et technique, les doyens et directeurs qui, malgré cette déroute généralisée de l'autorité politique, continuent, au jour le jour, de pratiquer au mieux cette incomparable rencontre humaine qui s'appelle la transmission des connaissances.
     
    En 2023, d'autres devront reprendre ce Département sinistré. Venant d'autres horizons. Ayant d'autres discours, d'autres horizons d'attente, d'autres approches intellectuelles et spirituelles, que la perpétuelle mendicité pour quémander des "moyens supplémentaires".
     
     
    Pascal Décaillet