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Et l'image est la fille de la voix

 
Sur le vif - Jeudi 15.09.22 - 15.02h
 
 
Je suis un homme de radio. Et un passionné de musique. Et je me rends compte, tout à coup, du rôle joué par mon hypersensibilité à l'élément auditif, dans ma folle attraction pour certains films de Godard. Le Mépris, le plus grand à mes yeux, mais pas mal d'autres, aussi. J'ai revu Prénom Carmen, hier soir.
 
Bien sûr, Godard donne à voir. Dans le Mépris, parmi les plus belles images de l'Histoire du cinéma. Chaque plan, un tableau, et pas seulement autour de la maison de Malaparte, à Capri, avec cet incomparable bleu de mer, au fond.
 
Il donne à voir, dans tous ses films, c'est un montreur d'images. Mais il donne aussi à entendre. La bande-son de ses films est une oeuvre en soi. Il a beaucoup été copié, notamment dans ces fameuses conversations dont l'auditeur (spectateur) ne perçoit qu'un vague murmure, un peu comme chez Tati. C'est même devenu un procédé, chez certains de ses épigones.
 
Et puis, il y a la voix off. La sienne, ou alors une voix qui lui ressemble. Un homme parle, derrière l'image, on se dit "Tiens, c'est Godard", pourquoi pas d'ailleurs, il apparaît bien dans certains de ses films, comme Hitchcock. On se dit, "Godard nous parle", mais souvent, c'est la voix d'un autre, on dirait du Godard.
 
Mais surtout, cette voix, originale ou semblable, est extraordinaire. Elle n'est pas une surimpression, sur l'image. Elle est, à mes oreilles d'homme de radio, de mélomane, le centre même de l'histoire. Et l'image est avec elle. Et l'image est fille de la voix. Et la voix engendre l'image, elle la materne, elle la façonne, elle l'élève jusqu'à nos sens. Et la voix se confond avec l'image. Et la voix devient image.
 
J'ignore absolument comment Godard travaillait. Et c'est dommage, car en toute chose, j'aime l'atelier. Mais ce montreur d'images est un montreur de voix. Et cette confluence, comme d'un fleuve dans la mer bleue, me trouble, oui, infiniment.
 
 
Pascal Décaillet

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