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Sur le vif - Page 134

  • J'ai revu le Mépris. J'ai rêvé en rouge. J'ai vu la mer.

     
    Sur le vif - Mercredi 14.09.22 - 14.09h
     
     
    Bon, j'essaie quelques mots, parce que ça me tourne dans la tête depuis hier soir. Plus exactement, depuis une quarantaine d'années.
     
    Le Mépris. Pourquoi ce film, à chaque fois, me scotche. Pourquoi j'adhère. A chaque image. Chaque plan. Pourquoi il me travaille. Pourquoi il me touche à ce point.
     
    Quelques pistes, en vrac. Je ne vous refais pas le film, tout a été dit, les plus grands critiques ont décortiqué, tartiné. Je ne vous fais pas le coup de la déconstruction, même si là, pour une fois, il y a tant à dire.
     
    Quand je rêve, la nuit qui suit le film, je vois du rouge. Et un peu d'orange. Ce rouge indicible, celui d'une robe, ou peut-être un meuble, tiens on dirait le Bauhaus, je pense à Weimar, le Musée que j'ai visité avec mon épouse, il y a deux ans. Et tiens, puisqu'on parle d'Allemagne, il y a aussi Fritz Lang, l'un des plus grands cinéastes de l'Histoire, jouant son propre rôle, celui d'un réalisateur. Mieux : il y a aussi Jean-Luc Godard, l'un des plus grands cinéastes de l'Histoire, jouant... l'assistant de Fritz Lang. Ils montent l'Odyssée, on voit d'ailleurs passer Ulysse, personnage secondaire, sur la prodigieuse maison de Curzio Malaparte, à Capri.
     
    Mais je n'aime pas ce film parce qu'il se joue des codes. Je l'ai vu une vingtaine de fois, je ne cherche pas trop à comprendre, mais à prendre. Le réalisateur ne démontre pas, il montre. Il y a un fragment d'Héraclite, célébrissime pour les hellénistes, qui nous dit à peu près ça de la Pythie, celle de Delphes. Et tiens, puisqu'on parle de la Grèce, elle est partout, dans le film.
     
    C'est un film sur l'Italie. Et c'est un film EN Italie. Fronton d'un cinéma, pompe à essence, tiens du rouge là aussi, incomparable début des années 60. Tiens, mes premiers souvenirs en Italie, justement. Le pays des miracles.
     
    C'est un film sur le rouge. Je ne peux pas en dire plus. Mais le beauté de ce rouge, depuis quarante, ans, me travaille.
     
    Et puis... Et puis.... Et puis, il y a Bardot. Je ne trouve pas les mots pour qualifier la beauté, la justesse, l'intelligence avec lesquelles elle tient le rôle. Il m'est parfaitement égal, face à l'ampleur de cette réussite, de dégager ce qui vient de la direction de Godard, ce qui vient de Bardot elle-même, son instinct du personnage. Seul compte le résultat : en l'espèce, il est génial.
     
    Quand j'étais enfant, dans les années soixante, les gens, autour de moi, ricanaient en parlant de Bardot. Jamais compris pourquoi. Gamin amoureux des femmes, je la trouvais plutôt magnifique, je n'avais vu aucun de ses films.
     
    Je n'ai jamais ricané de Brigitte Bardot. Elle m'apparaît plutôt comme une très grande dame. En elle, je veux voir, et voir encore, Camille. L'épouse de Paul. La femme qui, doucement, se détache. La femme qui prend distance. La femme qui, déjà, s'en va. Dans la rupture de Camille et Paul, celle du Mépris, je veux voir la douleur, l'inéluctable, de toute rupture. Et jamais, je dis jamais, un réalisateur n'a aussi génialement fait repartir, chaque fois à la seconde près, oui la juste seconde, le thème de la magnifique musique de Georges Delerue, que Godard, dans le Mépris.
     
    C'est un film sur la musique. Le retour du thème. Il accompagne le processus de séparation chez Camille. Il soutient l'inéluctable. Il est au-delà des dialogues, ou plutôt en amont. Il y a quelque chose du Liebestod dans cette récurrence qui nous balance, comme la vague.
     
    C'est un film sur le mouvement. Piccoli, au sommet de son art, est celui qui bouge, traverse les pièces, passe d'un point à un autre. Bardot, immobile. Sobre, comme jamais. L'austérité romane, la présence d'une statuaire, et chaque réplique, juste et cinglante. Nous avons affaire, dans ce film-là, à une très grande actrice.
     
    Le Mépris, Jean-Luc Godard, 1963. Il y a des gens qui n'aiment pas. Je fais partie, depuis quarante ans, de ceux qui aiment. Le mot est faible. J'ai revu le film hier soir, sur RTS 2. J'ai reçu le même choc qu'à vingt ans. J'ai rêvé en rouge. J'ai vu la mer.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • Hollywood, scène du shérif, acte V

     
    Sur le vif - Mardi 13.09.22 - 16.45h
     
     
    Le scénario doit ressembler à un récit hollywoodien. Être américain jusqu'aux entrailles du narratif, ou n'être pas. Comme dans les grands westerns, toujours la même trame : les passages obligés du drame, au sens grec d'action. D'ailleurs, quand on lance une scène, au tournage, on dit : "Action !".
     
    Le Pentagone a pour lui quelques grands esprits créatifs. Il fallait un scénario pour l'Irak. Un scénario pour la Serbie. Voici le scénario pour la Russie. La même histoire, comme la Mer de Paul Valéry : toujours recommencée.
     
    Il faut d'abord un prétexte pour l'entrée en action de l'Oncle Sam. Sinon, on dira qu'il agit par impérialisme, ce qui est évidemment une calomnie. Alors, un faut un grand méchant, un Saddam, un Milosevic, un Poutine.
     
    Un Olrik, quoi. Un Rastapopoulos. Le sale type de l'histoire.
     
    Ensuite, il faut l'amener à agresser. Il convient donc d'avoir un gentil faible à défendre. Nous les Américains, nous "l'Occident", nous n'allons tout de même pas laisser faire ? A toi, Bernard-Henri, première intervention, raconte-nous quelque chose sur le Débarquement de Normandie, action, moteur !
     
    Acte III, débloquer des fonds, par milliards, pour aider le gentil faible. Convaincre l'opinion publique américaine.
     
    Acte IV, il faut qu'il y ait, sans trop tarder, avant que cette opinion publique ne se fatigue, une "contre-offensive". Et elle doit, bien évidemment, être victorieuse. Bernard-Henri, ta deuxième irruption, le Chant des Héros.
     
    Acte V, bien souligner la discorde chez l'ennemi. Tout Général factieux sera le bienvenu. Le peuple ne supporte plus le tyran. Le régime est prêt à tomber. Bernard-Henri, tu nous racontes Brutus, Cassius, Marc-Antoine, les Ides de Mars ?
     
    Je vous passe la suite. Disons juste qu'il faut toujours un Acte XVIII, quelque part du côté de La Haye, avec une gentille justice internationale, de gentils juges, de gentils procureurs. Dont l'indépendance face au camp "occidental" est évidemment assurée. Promis, juré.
     
    Et le tour est joué.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Electricité : merci, les flambeurs !

     
    Sur le vif - Mardi 13.09.22 - 13.13h
     
     
    Mais qui a géré aussi mal nos grands distributeurs d'électricité, en Suisse, pour que le pays ait besoin de prendre dix milliards d'argent des contribuables, notre argent, pour venir en aide à ces géants qui, du temps de leur splendeur, nous narguaient de leur arrogance ?
     
    Dix milliard, votés en urgence ce matin par le Parlement ! Quatre milliards, offerts la semaine dernière à Axpo, par le Conseil fédéral ! Pour Swissair, pour les grandes banques, pour les géants électriques, on trouve immédiatement les milliards. Pour nos personnes âgées, jamais ! Le même Conseil fédéral vient de leur refuser l'indexation des rentes !
     
    Qui, ces dernières décennies, a géré ces grands fournisseurs d'électricité ? Qui a investi dans des fonds spéculatifs ? Quelle a été l'activité de contrôle, d'anticipation des risques, de la part du Conseil fédéral, du DETEC, de Mme Sommaruga ?
     
    Qu'en est-il de nos grands distributeurs, en Suisse romande ? Quel contrôle politique, dans les Cantons ? Certains d'entre eux, idéologisés à l'extrême, et à la fois bien souples face à la finance spéculative et aventureuse, n'ont-ils pas été laissés en roue libre ? Ne le sont-ils pas, aujourd'hui encore ?
     
    Citoyen et et contribuable, je veux bien que mes impôts viennent en aide aux personnes âgées, aux plus démunis. Mais pas qu'ils servent à éponger des erreurs de gestion, ou des errances financières, ou des prises de risques inconsidérés par des flambeurs. Cela, non, non et non !
     
     
    Pascal Décaillet