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Sur le vif - Page 130

  • Italie : merci, Ursula !

     
    Sur le vif - Dimanche 25.09.22 - 10.29h
     
     
    La déclaration totalement intempestive de la Présidente de la Commission européenne sur les élections italiennes est une maladresse majeure. Elle renforcera, dans les urnes, le camp national, souverainiste, celui qui monte en Italie, celui qui monte en Europe.
     
    A un peuple souverain qui s'apprête à choisir le destin de son pays, on ne fixe pas de règles supérieures. Le faire, c'est provoquer automatiquement une montée de la fierté nationale : "Ca n'est quand même Bruxelles qui va décider pour nous".
     
    Les propos de Mme von der Leyen sont ceux d'une Allemande de Saint-Empire. Une vision de l'Europe où les différents pays peuvent toujours déléguer à une échelon supérieur. C'est la vieille conception démocrate-chrétienne allemande, rhénane, celle d'un Kohl. A quoi s'ajoute un détail : les Allemands plaideront d'autant plus volontiers pour ce modèle impérial que le personnage principal, tout en haut, sera, par hasard, un.... Allemand. Ou une Allemande. Cette vieille querelle, appliquée à l'Italie, est celle des Guelfes et des Gibelins. Ne doutons pas que Mme von der Leyen ait lu Roméo et Juliette. La chansonnette, sous le balcon, elle la connaît.
     
    Mais le choix de l'Italie, cette fois, pourrait bien ne pas aller dans ce sens-là. La question nationale, pour la troisième fois depuis l'unité (Risorgimento, 1922, aujourd'hui) refait surface. Laissons les Italiens voter. Respectons la souveraineté de leur peuple citoyen. Et analysons les résultats, quand nous les aurons. Disons simplement une chose, avec fermeté : si, par hasard, l'option nationale devait l'emporter, il s'agirait de la respecter. Prendre acte de cette donne, en effet nouvelle depuis 77 ans (voire 79). Décrypter son importance réelle et symbolique dans l'Histoire de ce peuple, depuis son unité, fort récente comme on sait.
     
    Tout cela, oui. Et surtout : nous n'aurons en aucun cas à faire la leçon à un peuple d'Europe de ses choix démocratiques et souverains. Nous ferions mieux - mais c'est un peu plus difficile - d'essayer de comprendre. Pour cela, il faut ouvrir des livres d'Histoire.
     
    A tous les Italiens, toutes les Italiennes, quel que soit leur vote, je souhaite un bon dimanche électoral.
     
     
    Pascal Décaillet
     
  • L'atelier, toujours recommencé

     
    Sur le vif - Vendredi 23.09.22 - 20,00h
     
     
     
    Je ne supporte pas le mot « start-up ». Le fait qu’une entreprise commence son activité n’a aucun intérêt en soi.
     
    Qu’elle dure ! Qu’elle emporte, sur le long terme, la confiance de ses partenaires. Qu’elle se montre fiable, solvable, qu’elle honore ses engagements. Qu’elle soit appréciée pour sa rigueur, sa précision, la qualité de son travail.
     
    Tout cela, sur de longues années. Dans la créativité recommencée de l’atelier, et non le cliquetis des cocktails.
     
    Après, peut-être, on discutera.
     
     
    Pascal Décaillet

  • L'Italie, ses clans, ses ferments de dispersion

     
    Sur le vif - Vendredi 23.09.22 - 16.41h
     
     
    Après-demain, le peuple italien décidera souverainement du destin politique de son pays. Il le fera démocratiquement, selon le chemin des institutions, à l'issue d'une campagne électorale nourrie, dans laquelle tous ont pu s'exprimer.
     
    L'Italie est une grande nation européenne. Son Histoire, depuis près de trois mille ans, nous la connaissons tous, ses richesses culturelles, l'incomparable beauté de sa langue, avec sa variété dialectale. Ses peintres, ses cinéastes, ses poètes.
     
    Il est une question que je me pose depuis l'adolescence : l'Italie est-elle une grande nation politique ? La réponse n'est pas aisée. Le spectacle donné par ce pays, depuis 1946, est celui d'une extrême complexité parlementaire, face à des exécutifs faibles, furtifs. La puissance du politique, au sens large, apparaît bien fragile, bien précaire, face aux grandes familles, aux riches industriels, au pouvoir de l'Argent, aux ferments de dispersion des clans, des fiefs. La nation peine à s'affirmer. On a même l'impression qu'on "s'arrange" même plutôt bien sans elle.
     
    Pire : cette impuissance semble programmée par le système. En 1946, lorsqu'il a fallu donner au pays de nouvelles institutions, après 23 ans de fascisme, on a tout fait pour éviter l'émergence d'un nouvel homme fort. L'Italie s'est voulue républicaine, elle a voulu montrer au monde l'exemple des pouvoirs équilibrés, où nul destin providentiel ne parviendrait à ravir la totalité de la puissance.
     
    Elle a voulu cela, et elle y est si bien parvenue qu'elle a donné, en trois quarts de siècle, l'image d'un Etat où le politique peine désespérément à s'imposer. Et cela ne date pas de 1946 ! On peut même dire que le pouvoir fort, entre octobre 1922 et avril 1945 (ou juillet 1943, si on préfère), a plutôt été une exception, dans l'Histoire de cette nation si jeune, comme pays unitaire.
     
    Après-demain, les Italiens choisiront. Ils le feront en toute indépendance, en toute souveraineté. Leur choix, quel qu'il soit, devra être respecté. Le destin du peuple italien appartient aux Italiens, non aux intellectuels parisiens, ni aux moralistes. Leur rapport à l'immigration, à l'Etat, à la nation, à l'indépendance, tout cela, c'est leur affaire à eux. Et à eux-seuls.
     
    Pour ma part, je continuerai d'aimer ce pays. Il est complexe, pluriel, souvent déroutant. Il est le lieu de violentes forces antagonistes, où le politique est rarement gagnant. En août 1979, avec un ami, j'avais assisté au Palio de Sienne. Avec ses écuries rivales, ses "Contrade". Ses couleurs. Ses familles, ses clans de quartier qui se défiaient dans la joute. Il faisait une chaleur étouffante. Sur la Piazza del Campo, nous étions serrés comme des sardines. Dans le vacarme des chevaux, on ne voyait que la flamboyance des fanions. Et je crois que toute l'âme des Italies était là. Compliquée. Fragmentée. Familiale. Clanique. Picturale. Chromatique. Insaisissable. Irréductible à la vision unitaire d'un jacobin français.
     
    Pour l'amateur d'art, c'est fantastique. Pour celui qui veut attendre quelque chose d'une action publique lisible et cohérente, au niveau d'une nation, c'est parfois un peu plus difficile.
     
    A tous les Italiens, je dis mon amitié.
     
     
    Pascal Décaillet