Commentaire publié dans GHI - Mercredi 10.12.25
Homme de droite, j’ai toujours admiré des figures de gauche. Mes bibliothèques, à part le champ immense que je consacre depuis plus d’un demi-siècle à Charles de Gaulle, contiennent davantage de biographies d’hommes de gauche que de leaders de droite. Et quasiment aucun représentant de la droite libérale. Willy Brandt, Pierre Mendès France, François Mitterrand, Léon Blum occupent en très bonne place mes rayons. Reste à savoir quelle gauche. Résolument, la gauche sociale ! Celle qui, depuis la Révolution française, a fait progressivement, avec patience, opiniâtreté, au fil des générations, avancer la cause des plus faibles économiquement. Les ouvriers bien sûr, allez visiter l’extraordinaire Musée de la Mine à Bochum (Ruhr, Rhénanie du Nord – Westphalie), et vous comprendrez tout. Mais aussi, les plus délaissés, les oubliés.
Homme de droite, je me bats pour le corps social du pays, sa cohésion, sa solidarité à l’interne. Le culte de la réussite individuelle, l’extase de nos journalistes économiques, ces trente dernières années, devant les grands patrons de la finance, ces magazines en papier glacé qui leur dédiaient leurs couvertures, tout cela me révulse. A mes yeux, la réussite d’un pays doit être collective, ou n’être pas. Je plaide avec passion, vous le savez, pour une droite nationale, patriote, populaire, attachée aux valeurs du pays, et en même temps soucieuse de cohésion sociale. L’un ne va pas sans l’autre : l’attention à l’autre, au compatriote, coule dans les veines de notre Histoire suisse, en tout cas depuis 1848. Celui qui n’envisage pas la patrie sans solidarité, ne m’intéresse pas. Celui qui n’envisage qu’une improbable solidarité planétaire, sans l’ancrer dans une patrie ni dans une nation, non plus. Bref, d’un côté le libéral ; de l’autre, le militant internationaliste.
Je parlais de Charles de Gaulle, l’homme qui m’habite le plus depuis l’enfance. Un homme de droite ? Pas du tout ! C’est lui, en 44-45, à la tête de l’extraordinaire Gouvernement provisoire de la Libération, qui nationalise le crédit, les houillères, les charbonnages, la Banque de France. Il crée la Sécurité sociale, et donne le droit de vote aux femmes. Il quitte le pouvoir le 20 janvier 1946, pour n’y revenir que douze ans et demi plus tard, en juin 1958. Nourri de penseurs sociaux, proches de l’Encyclique Rerum Novarum de Léon XIII (le Pape des ouvriers, 1891), il veut la cohésion sociale du pays. Il déteste le libéralisme. Pour autant, c’est un militaire, un patriote viscéral, un national à l’état pur, une figure d’autorité, toutes choses qu’on intègre (à tort) à la philosophie de droite.
Eh oui, les choses sont complexes. Consacrer sa vie à l’observation de la politique, c’est prendre acte de cette dimension de nuances, de rejet des idéologies prémâchées, des dogmes, qu’ils soient ceux de la fraternité planétaire ou ceux du capitalisme triomphant. Si vous ne comprenez pas cela, c’est dommage pour vous. Mais ça ne m’empêche pas de vous souhaiter une excellente semaine. A l’abri, à la fois, des boursicoteurs mondialisés, et de la gauche morale, en sandales.
Pascal Décaillet