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Sur le vif - Page 1125

  • Jacques Antenen : « C’est pas nous, c’est eux ! »

     

    « C’est pas nous les responsables, c’est les autres ». C’est ainsi qu’on peut résumer la ligne argumentaire, dûment répétée et martelée, du commandant de la police vaudoise, Jacques Antenen, aujourd’hui dans l’émission La Soupe. En toile de fond, le drame de ce détenu mort à Bochuz, alors que sa cellule brûlait, et que personne ne lui venait en aide.

    Ligne de défense de M. Antenen : dans le canton de Vaud, la police dépend d’un Département (celui de Mme de Quattro), et les services pénitentiaires d’un autre (celui de M. Leuba). A entendre le chef de la police, ses services à lui  n’auraient rien à se reprocher. Et donc, ab negatione, il va falloir sérieusement s’intéresser à ceux qui officient à Bochuz.

    Tout cela est peut-être vrai. L’enquête le dira. Mais, pour un auditeur moyen, Vaudois ou non, averti ou non des séparations de pouvoirs, il y a un homme qui est mort alors qu’il aurait pu survivre. Dans ce contexte, l’insistance avec laquelle M. Antenen a tenu à laver d’avance ses troupes de tout soupçon, et donc la manière dont il a chargé les autres, est franchement un peu forte de café. Outre qu’elle ravive au grand public de sourdes rivalités, elle ne donne pas (et c’est étonnant de la part de cet homme de valeur) une très grande idée du service de l’Etat.

    On comprend qu’un chef de corps protège ses troupes. Mais alors en l’état, l’enquête étant en cours, et ne faisant sans doute que commencer, était-il opportun, au niveau gouvernemental, de laisser descendre dans l’arène un homme étalant au grand jour un climat de règlements de comptes entre services, et de patate chaude qu’on s’empresse de se passer ?

    On nous permettra, pour le moins, de nous poser la question.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Philippe Souaille et la nuit des grandes peurs

     

     

    Transformer en les détournant les propos d’un commentaire, diaboliser celui qui ne pense pas comme lui, sa faire passer soi-même pour l’homme des Lumières, le patient exégète de la clarté du monde, là ou l’autre ne charrierait que forces obscures, passions inavouables, si ce n’est une ancestralité confessionnelle qui aveuglerait sa conscience. Telle est la stratégie récurrente du blogueur Philippe Souaille. Il y aurait d’un côté le Compas et l’Equerre, le logos argumenté, la qualité dialectique du discours articulé (bref, lui-même, Philippe Souaille), et, en face, la honte rugissante de l’image, la nuit des grandes peurs, l’inavouable des primitifs.

     

    Dernier exemple en date : le thème de la frontière. Dans un édito publié lundi dans la Tribune de Genève, je pose, poliment et calmement, la question de « la corrélation entre le chiffre (record) du chômage à Genève et l’accès des frontaliers au marché de l’emploi. Cette question (ajouté-je), au moins, mérite qu’on l’étudie. Sans passion, sans rejet de l’autre. Il n’y a, dans cette démarche, rien de xénophobe ».

     

    Cette question (à laquelle je ne donne d’ailleurs pas de réponse, car je suis loin d’être un adversaire de la libre circulation), il se trouve que beaucoup de gens, à Genève, se la posent. En tout cas depuis la campagne de l’automne 2005. Peut-être ont-ils tort, mais pour le moins faudrait-il qu’en face, notamment du côté de François Longchamp, on leur réponde avec suffisamment de conviction pour apaiser leurs angoisses. Avec ces fameux « arguments », hérités de la pensée dialectique (qu’elle soit celle d’Aristote, des Lumières ou de Hegel), oui l’argument, plutôt que l’opprobre, le mépris, la diabolisation. Car dans ce second cas, on conforterait le sentiment qu’il y aurait les gens d’en haut, qui ont compris (et qui, comme une cléricature, n’auraient plus qu’à expliquer les bienfaits de la libre circulation à ceux d’en bas), et puis les autres, la masse informe qui serait une proie si facile pour les partis aux idées courtes.

     

    Cette manière d’envisager le débat n’est pas digne de la conception républicaine dont se réclame (à juste titre) Philippe Souaille. Le vrai débat, c’est d’affronter l’autre. Non pas en lui disant qu’il n’a rien compris, ni en lui brandissant en ostracisme ses adhésions spirituelles, mais en alignant des arguments. Car plus Philippe Souaille et les siens nous joueront la puissance des Lumières (dont je ne sache pas qu’ils soient les seuls dépositaires) face à l’archaïsme de la nuit, moins leurs idées, avec ce qu’elles ont d’intéressant, n’avanceront. Une histoire d’arroseur arrosé, en quelque sort. Ou d’éclaireur jeté dans la pénombre.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

  • François Longchamp et ses Bulletins de la Grande Armée

     

    Il n’est pas question ici de mettre en doute la bonne volonté de François Longchamp dans sa lutte contre le chômage à Genève. Ni non plus, encore qu’il convienne d’en discuter, la pertinence de ses choix politiques. Mais il y a un problème avec les chiffres. La manière de les présenter. L’impossibilité de reconnaître, en le disant clairement, avant toute chose, que Genève est lanterne rouge nationale.

    Alors, on prend le réel, et on lui tord un peu le cou : on inonde les communiqués – et chaque prise de parole officielle, dûment instillée à tout locuteur agréé, notamment les chefs de service – du fait que « le chômage progresse moins à Genève qu’en moyenne suisse ». C’est sans doute vrai. Mais reste que le chiffre absolu, celui qu’on retiendra au final, ce sont les 7,4% (selon Anne Emery-Torracinta ; 6,6% selon François Longchamp, nous ne trancherons pas dans ce différend) de lanterne rouge nationale.

    Alors, déni ou simple enjolivement ? Perfectionnisme de trop bon élève qu’insupporte, comme un miasme, l’idée même de mauvais résultat ? Difficile de ne pas voir, dans ce rapport aux chiffres, le savant travail de corsetage du discours par le président du Conseil d’Etat genevois et sa très efficace Garde noire. Bonaparte, c’est vrai, avait lui aussi, dès la campagne d’Italie, les célèbres « Bulletins de la Grande Armée », où nul rappel de propagande n’était laissé au hasard. Mais lui, au moins, jour après jour, remportait des victoires.

     

    Pascal Décaillet