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Sur le vif - Page 1129

  • Docteur Eric, Mister Leyvraz

    Sur le vif  -  Mardi 09.12.08  -  12.45h

     

     

    Je fais partie, avec mon confrère Denis Etienne, de la Tribune de Genève, des quelques journalistes ayant émis des doutes sur l’opportunité d’exclure trois députés MCG de la séance du Grand Conseil genevois, vendredi dernier. A la lecture du communiqué que vient d’émettre, à l’instant, le président Eric Leyvraz, je maintiens ces doutes.

     

    Dans ce communiqué, Monsieur Leyvraz (au demeurant, l’un des hommes politiques les plus courtois de la République, et il est bien dommage que sa présidence commence ainsi), fonde sa décision d’exclusion sur les articles 90 et 91 de la loi portant règlement du Grand Conseil. Il analyse et décortique, presque cliniquement, les événements de la séance elle-même. Et ma foi, là, s’il n’y avait eu que ce discours, ce communiqué, on pourrait suivre l’argumentation présidentielle.

     

    Le problème, c’est qu’hier matin, sur le coup de 07.15h, ça n’est pas du tout cet argumentaire-là que M. Leyvraz nous a servi. Autant celui d’aujourd’hui est textuel, cadré sur l’événement, autant celui d’hier était contextuel. « Addition d’événements », « provocations depuis trois ans », « les nerfs à fleur de peau », toutes choses en appelant à l’ambiance politique générale, aux antécédents de M. Stauffer, défini comme le trublion de la République, l’homme qui avait besoin d’une bonne leçon, l’homme à calmer. En ce sens, l’exclusion peut être interprétée comme une décision relevant beaucoup plus du signal politique (juste en passant, celui d’un parti concurrent) que de la technique d’application du règlement.

     

    Deux interventions, deux discours. A côté de cela, je ne dirai pas le nombre de députés qui, en privé, partagent mes doutes, mais se gardent bien de les émettre au grand jour. Parce que M. Stauffer, c’est le pestiféré de l’histoire. Aussi, parce que l’UDC jouit, dans l’affaire, au moment où on parle de plus en plus de ponts électoraux entre l’Entente et elle en perspective de l’automne 2009, de l’aubaine d’apparaître comme le blanc mouton, porteur de paix et d’équilibre. J’ai dit « mouton » ?

     

    Pascal Décaillet

  • Yves Nidegger en clown blanc

    Sur le vif - Dimanche 07.12.08 - 19.40h

     

    Clown blanc, ou Monsieur Dimanche ? La capacité d’Yves Nidegger à se métamorphoser, en fonction des circonstances, vient de rebondir comme mille galets sur l’onde de la RSR, à l’instant. Commis d’office, pour cause de parti commun, à la défense du président du Grand Conseil genevois, Eric Leyvraz, notre avocat-politicien avait à justifier, face à l’ombrageux plébéien Eric Stauffer, la mesure d’exclusion de vendredi soir.

     

    On savait Nidegger entièrement voué, depuis des mois, à une entreprise de polissage de toute aspérité pouvant évoquer, dans sa personne, la sauvagerie qui colle aux basques de son parti, les gens sont si médisants, vous n’imaginez pas. Exercice réussi, là, sur le coup de 18.55h, au-delà de toute espérance : face au rugueux Stauffer, voici Nidegger le lissé. Face au populacier, voici l’élitaire exégète du règlement, le décrypteur. Face à la bête, primitivement prisonnière de son sentiment d’injustice, voici l’initié. Face à celui qui gronde, voici la musique du murmure. Très beau moment, à sortir dans les écoles de rhétorique.

     

    Quel est, en Suisse, le parti qui tonne et qui détonne, déboule dans les salons, défrise le bourgeois ? L’UDC, of course. Eh bien là, non, c’était le contraire : l’UDC avait trouvé plus dérangeant qu’elle, alors, tout en douceur, elle le renvoyait à la niche. Si Nidegger avait disposé, en cet instant, de quelques bouts de viande, à coup sûr, il les aurait lancés au sol, pour nourrir le fauve appétit de son contradicteur.

     

    Ainsi, en quelques minutes, il a montré qui, dans ce coin de pays, pouvait à l’occasion être gouvernemental. Sans élever la voix. Comme chez Verlaine, s’il y avait eu un vieux parc solitaire et glacé, les deux ombres de ces hommes y auraient tout à l’heure passé.

     

    Pascal Décaillet

  • Brumaire ? – Non! Seulement le MCG…


     

    Sur le vif - Samedi 06.12.08 - 19.25h

     

    Non, Monsieur le Président du Grand Conseil, les trois hommes que vous avez exclus de votre séance hier soir ne sont pas des enfants, comme vous venez de le déclarer avec un paternalisme papillon à Forums (ce soir, 18.05h), ce sont des élus du peuple. Turbulents peut-être, pas très bien élevés, plutôt saucisse foraine que tisane de salon, hâbleurs, bretteurs, grassouillets dans la pesée des syllabes, tout cela j’en conviens. Mais ce sont des élus.

     

    Le contrat qui les amène dans l’enceinte que vous présidez leur vient, comme le vôtre, comme celui de Monsieur Brunier, directement du suffrage universel. Les empêcher de siéger est sans doute possible (je ne doute pas que le règlement ait prévu la chose), mais ne doit être décrété que dans des circonstances d’une extrême gravité. Très franchement, étiez-vous, hier soir, dans ce cas de figure ? Le colonel Tejero avait-il fait son entrée dans le sanctuaire ? Quelques improbables grognards brumairiens commençaient-ils à poindre dans les Pas perdus ? Lucien Bonaparte s’apprêtait-il à vous neutraliser ?

     

    Quid, au juste ? L’un des députés MCG s’en prend de façon un peu virile, certes inélégante, à un confrère de gauche, ou à l’épouse de ce dernier. Le ton monte, le verbe devient braise. Et alors ? N’est-ce pas dans l’essence des parlements que de laisser une certaine latitude aux échanges un peu vifs ? Le passionné d’Histoire que vous êtes a-t-il lu les comptes-rendus des débats sous la Troisième République ? Sous Panama, l’Affaire Dreyfus, Stavisky ? Traiter Monsieur Beer de bonnet d’âne ? La belle affaire ! Toute la presse genevoise, la veille encore, filait et dévidait l’animale métaphore, presque naturelle en cette période de l’Avent.

     

    Monsieur Leyvraz, le chef de file historique de votre parti, Christoph Blocher (que vous admirez), n’est-il pas précisément l’homme qui a su réhabiliter, quitte à se faire haïr, une certaine verdeur dans la prise de parole publique, un discours affectif et imagé, blessant par ci, lacérant par là, transperçant de flèches parfois. L’avez-vous déjà entendu, en zurichois, à L’Albisguetli ? MM Stauffer, Golay et Rappaz, en comparaison, c’est encore Madame de Sévigné, ou la Carte du Tendre, l’amour courtois, les génuflexions rosacées devant l’être aimé.

     

    Et puis quoi ? Un parlement doit-il n’être que pesées de laboratoires, rapports de minorité, motions d’ordre, juristeries consensuelles ? Où est-il écrit qu’il faille y parler dans le seul dessein d’y faire bailler aux corneilles ? Le monde de M. Stauffer et celui de M. Brunier sont, bel et bien, aux antipodes. Pourquoi cet antagonisme ne se traduirait-il pas par quelques éclats de voix, des attaques, des piques, des éclairs et des coups de tonnerre ? Imaginer qu’un texte lu dans l’enceinte ait pu être écrit par un autre, cela, franchement, relève-t-il du renvoi de séance ? A cette question, je réponds non.

     

    Vous avez eu, hier soir, Monsieur Leyvrat, la main trop lourde dans la sanction. Puissiez-vous au moins, par cohérence, appliquer le règlement avec la même rigueur lorsque les écarts viendront des partis des notables. Gauche caviar ou droite cassoulet, gauche Brunier ou centre dodu, plus assis que nos forains et nos mauvais garçons, davantage dans le système, champions toutes catégories dans l’art de se tenir par la barbichette sans esquisser le moindre rictus. Ah, les braves gens !

     

    Pascal Décaillet