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Sur le vif - Page 1129

  • Elections à Neuchâtel : le temps des cerises

    Sur le vif - Dimanche 26.04.09 - 18.30h

    Fulvio Pelli, le président du parti libéral-radical suisse, est, depuis cet après-midi, un homme heureux. Avec trois membres de ce parti, sur cinq élus au Conseil d’Etat neuchâtelois, revoilà, ne serait-ce que l’espace d’un printemps, le mirage des belles années, celles où le grand vieux parti régnait en maître sur le pays. Après les années difficiles, après la mauvaise performance aux élections fédérales d’octobre 2007, le temps des cerises serait-il de retour ? Franchement, malgré l’éclat des apparences, il serait bien prématuré de l’affirmer.

    Les faits, d’abord. Aujourd'hui à Neuchâtel, la droite a reconquis la majorité au gouvernement. Il devra vive en cohabitation avec un parlement de gauche. Sont élus deux socialistes : Jean Studer (33.279 voix), ancien candidat au Conseil fédéral et véritable homme fort du canton, et Gisèle Ory (32.819), conseillère aux Etats. Puis, trois libéraux-radicaux : Frédéric Hainard (29.546), Claude Nicati (28.701), et Philippe Gnaegi (28.440). Un vrai gouvernement radical-socialiste, « radsoc », digne des très riches heures de la Troisième République française ! Une authentique composition de la belle époque, celle où l’UDC mangeait les pâquerettes et où les Verts, faute d’annoncer l’Apocalypse, n’avaient pas encore vécu leur Genèse.

    Les Verts : parlons-en ! Il doit l’être, Ueli Leuenberger, le très climatique président national du parti, conquistador en herbe du premier siège, un jour, au Conseil fédéral. Oui, il doit être, cet homme aussi aimable qu’avide d’expansion, vert de rage. Contre Fernand Cuche, conseiller d’Etat sortant de son parti, ex-icône de « la politique autrement », la politique plus douce, la politique par homéopathie, la politique à temps partiel. « La pluie est toujours bonne, vient de déclarer, non sans humour, cet homme affable et sympathique, parce qu’elle participe à la vie ». Belle prise de congé, d’un être attachant, mais qui ne parviendra pas à masquer l’ampleur d’un échec. Celui des Verts, pourtant bien placés au parlement. Mais surtout celui de l’homme. Qui déclare, désormais, vouloir retourner, au sens propre, sur ses terres.

    Au gouvernement, donc, des libéraux-radicaux, des socialistes. Punkt, Schluss. Les deux grandes forces, au fond, qui ont fait ce canton, lui ont donné ses plus grands hommes, un grand nombre de conseiller fédéraux. Comme si Neuchâtel s’en retournait à quelques fondamentaux historiques et philosophiques. A l’axe antagoniste, dialectique, qui a construit sa pensée et sa pratique politiques. Reste à voir comment ce Conseil d’Etat de droite vivra avec un parlement de gauche. A l’heure de la crise économique où des décisions fort douloureuses, hélas, ne manqueront pas d’être prises.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Arte : un Messie à lacérer les âmes

    Des hommes aux visages d’anges, des voix à lacérer les âmes, des vierges comme des filles de l’enfer, costards cravates, robes d’aujourd’hui. C’était hier soir, sur Arte. C’était le Messie, de Haendel. Vienne. Ensemble Matheus. Chœur Arnold Schoenberg. Si la télévision doit servir à quelque chose, c’est à ce genre de bonheur. Absolu.

    Le Messie, pour une fois avec une mise en scène. D’une intelligence époustouflante. Au service de l’oratorio, juste pour mettre en action ce qui doit l’être. Rien de trop, juste l’essentiel : les regards qui se croisent, un homme qui danse, une mortelle qui traduit en langage des sourds-muets l’aveuglante obscurité de la prophétie.

    Des hommes et des femmes d’aujourd’hui, devant un cercueil. Celui de qui ? Quelle peine ? Quelle douleur ? Quelle espérance ? Un Messie exhumé des entrailles de l’Histoire. Nul autre costume que celui de l’actualité. Le génie de Haendel. Et la bouleversante actualité de la souffrance des hommes. La chair incarcérée dans l’incertitude. Juste la voix pour dire la mort. L’affronter, peut-être. Mais la dire, oui. Au moins cela.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Moritz, Sa Majesté des Mouches

    J’ai toujours pensé qu’au-delà de l’au-delà, plus loin que l’Apocalypse, là où s’évapore l’ultime éther de l’univers, il y avait Moritz Leuenberger. D’ellipses en éclipses, ce Pierrot lunaire en errance semi-consciente sur le chemin terrestre se maintient en son règne, au demeurant interminable, par la seule grâce de bons mots qu’il décoche avec une célérité inversement proportionnelle à l’énergie qu’il investit en politique.

    De cet esprit en perpétuelles fiançailles avec l’irréel, nous savions déjà qu’il aimait l’art contemporain, les galeries zurichoises, les aphorismes de Lichtenberg, les sushis pour bobos, la poésie concrète. Mais nous ignorions encore les mouches.

    Oui, les mouches.

    Interrogé par l’Hebdo de cette semaine sur l’avenir du papier, en concurrence avec la toile, le Prince de l’Esquive a cette belle phrase : « Tant qu’on pourra écraser une mouche avec son journal, la presse imprimée existera. Avec l’internet, on n’a encore jamais réussi à supprimer une mouche ».

    Voilà qui nous rassure. A maints égards. D’abord, nous savons enfin à quoi le ministre occupe ses journées dans son bureau. Ensuite, nous découvrons avec bonheur que la presse peut avoir, à ses yeux, une forme d’utilité.

    Sous la clarté lunaire, juste l’ombre d’un doute : en connaissant toute l’étendue des ultimes outrages que les humains peuvent imaginer d’infliger à une mouche, une question, raide comme une pénétrante, nous traverse : se contente-t-il, au moins, de les tuer ?

    Si oui, plût aux dieux que ce fût le dernier de ses crimes.

     

    Pascal Décaillet