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Sur le vif - Page 1126

  • L’ordre règne à Berne

    On attendait la révolution, ce fut finalement la bonne vieille concordance pépère, au rendez-vous. Polie, courtoise, lissée, fédérale. Austère, comme la gouvernante d’un pasteur luthérien, dans une ville minière de Prusse. En novembre. Bref, j’ai nommé Didier Burkhalter.

    Exit le challenger Schwaller, envoyé par Darbellay pour reconquérir le siège perdu, naguère, par Ruth Metzler. Exit le libéral « décomplexé » Lüscher. Place à la raison. Place à la mesure. Place au flot de langage qui jamais ne déborde. Endigué comme la troisième correction du Rhône. Jamais un mot trop haut. Jamais un mot trop fort. Place à Didier Burkhalter.

    Une fois de plus, le génie du système suisse a fonctionné : trois mois pour éliminer les meilleurs, trois mois pour gommer les aspérités, ratisser ce qui dépasse, couper toute excroissance de désir. Trois mois pour permettre à Fulvio Pelli de monter l’un des one-man-shows les plus saisissants de l’histoire politique de l’après-guerre : la mise en scène, digne des plus belles pages de Gabriele d’Annunzio, de son propre suicide politique. En technicolor. La reconquête de Fiume, mais à l’envers, où finalement Fiume dévore le conquérant.

    La démocratie chrétienne, qu’a-t-elle fait, dans ce théâtre-là ? S’est-elle contentée d’errer, comme une dame en noir, une veuve en folie, une douce sorcière aux yeux tremblants ? Non ! Dans son pari, elle a certes échoué, pour une simple question, toute bête au fond, toute physique, de masse critique, ce qui est apparu dès le deuxième tour du scrutin, hier à Berne. Mais la démocratie chrétienne suisse, menée par un chef étonnant de désir et d’invention, a montré, pour la première fois depuis le paléolithique, qu’elle était capable de relever des défis. D’attaquer. Se montrer impertinente, non-convenable, presque mal élevée. Surréaliste même, face à l’évidence de son infériorité numérique. Bref, dans ce combat-là, elle a fait autre chose que nous ennuyer. C’est déjà fort louable.

    Reste la seule question : ce combat doit être le dernier. L’ultime avatar du Sonderbund. La dernière distraction fratricide de la grande famille du centre droit en Suisse. Mêmes valeurs. Même représentation du monde. Même rejet, à la fois, de la gauche et de la droite qui veut exclure. Alors, fini les crêpages de chignons ! Terminado ! The end ! Il y aura bien sûr des cicatrices, comme dans toutes les batailles. Mais elles se refermeront plus vite que prévu. Car la seule dynamique, désormais, est celle de l’union. C’est cela, la grande leçon de ce 16 septembre 2009.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

  • Le Maire, la Régente, l’Ukase

     

    Sur le vif - Mardi 08.09.09 - 10.05h

     

    C’est un si beau nom, « Pravda », ça veut juste dire « vérité ». Celle qui vient d’en haut. Comme la flamme, sur le Chemin de Damas.

    C’est doute dans cet esprit apostolique que le maire de Genève, Rémy Pagani, et la conseillère administrative Sandrine Salerno ont adressé, le 4 septembre dernier, une toute belle lettre, digne des plus torrides échanges de Valmont et Merteuil, à l’ensemble des fonctionnaires de la Ville. Pour leur dire, très amicalement, qu’ils doivent voter non aux baisses d’impôts soumises à votation cantonale le 27 septembre. Lettre que j’ai eue sous les yeux cette nuit, et qui m’a fait voir cent mille étoiles.

    Une lettre de l’employeur à l’employé. Celui qui vous paye. Celui qui juge et évalue votre travail. Celui qui peut vous virer. Celui qui doit veiller à la protection de votre personnalité. Une lettre, pour dire, dans la fonction la plus césarienne du mode impératif, « Votez non ! » (en exergue), puis « Votez et faites voter non ! », dans une conclusion au demeurant dépourvue de toute formule de politesse.

    Voilà au moins qui est clair. Et qui rappelle l’époque des régimes paternalistes, ou corporatistes, fort prisés dans le monde méditerranéen, péninsulaire ou lusitanien, autour des années trente. L’employeur te couve, il te choie, il te dorlote. En échange, juste un minime détail : tu votes juste.

    Ah, les braves gens ! Bonheur du cocon. Ne pas avoir à se casser la tête pour savoir comment répondre, de façon citoyenne, à un scrutin. Non. Juste appliquer les consignes du Maire et de la Régente.

    Elle est pas belle, la vie ?

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • Martine, Valence, la guillotine

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    « Qu’on mette en place la procédure ! Qu’on les poursuive ! Qu’on les taxe ! Qu’on leur fasse payer des pénalités ! Et puis, qu’on saisisse les tribunaux ! ».

    Elle en a du talent,  Martine Aubry, dans le registre injonctif, façon Fouquier-Tinville, non ? Elle est pas belle, la rhétorique, quand elle va puiser ses ferments dans la justice de classe, la haine revancharde du salaud de riche. Aux doigts crochus, pendant qu’on y est, ça en rajouterait dans la saveur de l’évocation.

    Vous savez à quoi elle me fait penser, cette succession d’impératifs saccadée, anti-ploutocrates ? Au Congrès de Valence, 23 au 25 octobre 1981. Le régime Mitterrand-Mauroy au bout de son état de grâce, les capitaux qui s’évadent de toutes parts, et Quilès, le Robespierre aux yeux de feu, qui réclame « des têtes ». Des têtes, et encore des têtes. Je venais d’avoir 23 ans. Badinter, quinze jours plus tôt, venait de faire abolir la peine de mort, ce qui était pour moi une immense nouvelle. Et, là, tout à coup, « des têtes, encore des têtes ».

    Oui, ce jour-là, nous étions quelques-uns, pourtant loin d’être hostiles à François Mitterrand (nous ne goûtions guère l'orléanisme de Giscard), à avoir un peu frémi.

    C’était Valence, octobre 1981. Vous vous souvenez, Martine ?

     

    Pascal Décaillet