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Sur le vif - Page 1124

  • Moritz, Sa Majesté des Mouches

    J’ai toujours pensé qu’au-delà de l’au-delà, plus loin que l’Apocalypse, là où s’évapore l’ultime éther de l’univers, il y avait Moritz Leuenberger. D’ellipses en éclipses, ce Pierrot lunaire en errance semi-consciente sur le chemin terrestre se maintient en son règne, au demeurant interminable, par la seule grâce de bons mots qu’il décoche avec une célérité inversement proportionnelle à l’énergie qu’il investit en politique.

    De cet esprit en perpétuelles fiançailles avec l’irréel, nous savions déjà qu’il aimait l’art contemporain, les galeries zurichoises, les aphorismes de Lichtenberg, les sushis pour bobos, la poésie concrète. Mais nous ignorions encore les mouches.

    Oui, les mouches.

    Interrogé par l’Hebdo de cette semaine sur l’avenir du papier, en concurrence avec la toile, le Prince de l’Esquive a cette belle phrase : « Tant qu’on pourra écraser une mouche avec son journal, la presse imprimée existera. Avec l’internet, on n’a encore jamais réussi à supprimer une mouche ».

    Voilà qui nous rassure. A maints égards. D’abord, nous savons enfin à quoi le ministre occupe ses journées dans son bureau. Ensuite, nous découvrons avec bonheur que la presse peut avoir, à ses yeux, une forme d’utilité.

    Sous la clarté lunaire, juste l’ombre d’un doute : en connaissant toute l’étendue des ultimes outrages que les humains peuvent imaginer d’infliger à une mouche, une question, raide comme une pénétrante, nous traverse : se contente-t-il, au moins, de les tuer ?

    Si oui, plût aux dieux que ce fût le dernier de ses crimes.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Maurice-Ruben Hayoun : l’honneur de l’Université à Genève

     

    Sur le vif - Et dans la noire chaleur de la colère - Vendredi 20.03.09 - 09.50h

     

    Barrès, dans la « Colline inspirée », parle des lieux où souffle l’esprit. On pourrait en dire autant de certains hommes, certaines femmes : les approcher nous transforme, les fréquenter nous élève. Rend plus salé, plus piquant, dans l’improbable brouillon de nos entrailles, le sentiment déjà si pointu de vivre et d’exister. C’est exactement ce qui m’advient chaque fois que je rencontre Maurice-Ruben Hayoun. Par la clairvoyante cécité des ondes, dans la lumière d’un plateau TV, ou encore plus en dévorant ses ouvrages exceptionnels sur la philosophie juive.

    Sans lui, sans cet homme-là, moi, pourtant germaniste, je n’aurais, par exemple, jamais entendu parler de Moïse Mendelssohn, ce génie des Lumières allemandes au XVIIIème siècle. Ni de Theodor Lessing. Ni de Léo Baeck. Ni de tant d’autres. Maurice-Ruben Hayoun m’envoie ses livres, je les lis. Il m’appelle, je l’appelle, nous échangeons, et chacune de ses interventions audiovisuelles jaillit comme un faisceau d’étincelles dans la pénombre de nos ignorances. Homme de liens, de ponts : l’étincelante toile de son univers, de Berlin à Cordoue, de la Kabbale au Talmud, c’est celle de l’araignée, infatigable dans le tissage des réseaux. Si fragile et si tendu, le fil, reflets du soleil où sublime solitude d’une goutte d’eau, sensualité des connaissances, c’est tout cela, Maurice-Ruben Hayoun.

    Cet homme, aussi germaniste qu’il est hébraïsant, se trouve correspondre régulièrement, dans la langue de Hölderlin et de Paul Celan, avec un certain Ratzinger, brillant intellectuel aujourd’hui un peu égaré dans la papauté. Cet homme, Hayoun, connaît mieux, et au scalpel, les contours de l’identité catholique que bien des théologiens professionnels de cette religion. Moi catholique, le penseur juif Maurice-Ruben Hayoun m’aide à mieux me connaître, dans la crépusculaire complexité de mon chemin.

    Cet homme-là, j’apprends par ma consœur du Temps Cynthia Gani, ce matin, et par un beau papier du professeur Gasteyger, qu’on envisage de lui retirer sa chaire. Pour l’heure, je contiens encore les mots qui pourraient être miens si une telle absurdité se confirmait. Autant être clair : nous serions là, asphyxiés par manque d’oxygène, sur l’ultime promontoire d’une sorte d’Everest de la bêtise. Dans un monde décidément perdu, au-delà de l’Eden, où rouleraient à terre toutes les têtes qui, peu ou prou, dépassent. Et dont le sang viendrait nourrir le terroir des tranquilles et des médiocres, des jaloux et des revanchards, des aveuglés sur ceux qui tentent, juste un peu, d’accéder à la lumière.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • Treize étoiles, mais sans révolution

    Sur le vif - Dimanche 01.03.09 - 19.25h

     

    En Valais, la montagne est si belle, alors de grâce, expliquez-moi : pourquoi faut-il, tous les quatre ans, qu’elle accouche d’une souris ? C’est sans doute l’ambiance de Carnaval, le goût des Valaisans pour la fermentation verbale, cette Flandre en instance de verticalité : tous les quatre ans, on s’aiguise, on s’échauffe, on se surexcite en préliminaires. Et puis, le dimanche, on vote. Et le lundi, on se rhabille.

    Donc, le PDC, qui tient le canton depuis 160 ans, ah cette époque bénie où radicaux et conservateurs se précipitaient mutuellement dans le Trient, a certes placé ses trois candidats en tête (Jean-Michel Cina 40.016 voix, Maurice Tornay 32.528, Jacques Melly 32.084), mais, dans le Valais romand, ce parti a réalisé son plus mauvais résultat historique. C’est la dure réalité, les faits têtus, que Raphy Coutaz, le président du PDC du Valais romand, avait quelque peine à encaisser, à 18h, sur les ondes de la Radio Suisse Romande.

    La cause de cette contre-performance est évidemment à chercher dans la déception crée le 6 juin 2008, à Conthey, lors de la désignation de Maurice Tornay, d’Orsières, contre l’étoile nationale Christophe Darbellay. Et celle, le même jour, de Jacques Melly contre Marie-Françoise Perruchoud-Massy, ancienne cheffe de groupe au Grand Conseil, plus progressiste.

    Pour le reste, on notera la quatrième place du ministre de l’Instruction publique sortant, le radical Claude Roch (29.265 voix), et le bon résultat de la socialiste de Brigue Esther Waeber-Kalbermatten (26.438), qui devrait devenir la première femme conseillère d’Etat de l’Histoire du Valais. L’événement de cette élection.

    En Valais, il est d’usage, parfois, de renoncer au second tour au profit d’une élection tacite des cinq candidats arrivés en tête du premier. Cela, cette fois, ne devrait pas être le cas. D’abord, à cause d’Eric Felley, journaliste devenu candidat, et trublion singulièrement talentueux de cette compétition électorale, qui a bien envie de prolonger d’une quinzaine l’état de lévitation qui est sien. Ensuite et surtout, parce que le score très faible de Maurice Tornay et Jacques Melly pourrait amener certains PDC, d’ici mardi (dépôt des listes) à avoir envie de lancer des jokers dans le deuxième tour. En relançant dans la course les recalés du congrès de juin 2008 ? C’est possible, mais peu probable : une fois de plus, on va sans doute, de préférence, laisser ronronner la machine à Tinguely, et envoyer à Sion les candidats officiels.

    En Valais, la Révolution, c’est comme celle des astres, quand on les observe au télescope : on vient d’en manquer une, alors on s’installe déjà pour la prochaine. Bien assis. Un peu dépité. Mais tellement heureux de cette nuit treize fois étoilée, bleue comme les mers du sud. Allez, la Révolution, ce sera pour la prochaine fois !

     

    Pascal Décaillet