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Sur le vif - Page 1121

  • Christophe Darbellay en Monsieur Dimanche

     

    Sur le vif - Dimanche 09.05.10 - 19.00h

     

    Pris en tenaille, depuis le début de la législature, entre une gauche et une UDC qui multiplient les alliances de circonstance (en matière de défense, c’est criant), le centre-droit de ce pays commence à montrer, timidement, quelques velléités de rapprochement. La Sonntagszeitung de ce matin s’en fait l’écho. Et Christophe Darbellay, il y a quelques minutes sur la RSR, soufflait le chaud et le froid, semi-vérité par ci, non-dit par là, un peu Dom Juan, un peu Monsieur Dimanche, répétant trop souvent qu’il n’y avait « pas de plan sur la comète » pour que cette astronomique considération puisse être considérée comme totalement fiable.

     

    Qu’y aurait-il donc, sous cape ? Un projet d’apparentement, pour les élections fédérales d’octobre 2011, entre le PDC, le PLR et le PBD (les UDC qui se sont rendu compte à la 25e heure de l’extrême méchanceté de M. Blocher). Bref, si on laisse de côté cette anecdotique troisième composante qui n’a de charme que sa filiation directe avec la trahison, flotterait tout de même l’idée de jeter sur des listes communes les descendants des vieux ennemis du Sonderbund. Ceux qui croient au ciel, ceux qui n’y croient pas, ceux qui portent cagoule, ceux qui s’en passent, ceux qui ne font Carême que quarante jours par an, ceux qui le font toute l’année.

     

    La paix des braves ? Les Montaigu qui n’auraient d’yeux, abruptement, que pour les Capulet ? Oui. Enfin, disons non. La conversion est tellement tardive, elle aura tellement été freinée, depuis au moins cinq ans, par ceux-là mêmes qui, aujourd’hui, la redécouvrent, qu’il est permis de douter de sa force de frappe. Définie comme elle l’était, à la RSR, elle relève trop des pesées d’apothicaire, là où l’élan des âmes aurait dû la propulser. « Voir l’ennemi de toujours et fermer sa mémoire », chante Brel. Trop de petits calculs, pas assez d’ampleur dans le dessein. Les calculs, oui. Ceux qui brûlent et qui font hurler. Ceux qui empêchent, tout simplement, d’avancer.

     

    Pascal Décaillet

  • Ueli réélu : le climat se réchauffe !

     

    Sur le vif - Samedi 08.05.10 - 16.30h

     

    À l’unanimité, tout à l’heure à Fribourg, les Verts suisses ont réélu à leur présidence, pour deux ans, le très affable et très climatique Ueli Leuenberger. Ils lui ont certes adressé quelques remontrances, laissant entendre qu’il pourrait se montrer un peu plus ouvert dans son style de commandement, mais enfin ils l’ont réélu. Avec un résultat qui eût napalmisé de jalousie le regretté camarade Brejnev. Et suite à une absence de compétition qui étonne un peu de la part d’un parti qui ne cesse de revendiquer ses souches libertaires, proudhoniennes, sa mise en valeur (au fond très libérale) des individus. Toutes choses qui, en l’espèce, semblent s’être évaporées dès qu’est venue poindre l’immuable noirceur du pouvoir.

     

    J’ai toujours dit et répété à quel point Ueli Leuenberger était, à titre personnel, un homme chaleureux et sympathique, aimant les gens, prenant le temps de discuter avec tous, chose au fond assez rare pour être relevée. C’est aussi un homme parfaitement bilingue, aussi à l’aise en suisse allemand sur le plateau d’Arena que devant un auditoire de Denges ou de Denezy, de Fleurier ou de Satigny. Tout au plus, par amitié, lui décommanderais-je certaines vallées latérales du Valais, avec leurs soleils noirs, qui se trouvent m’être particulièrement chères et où reposent la (quasi) totalité de mes ancêtres.

     

    À Fribourg, le président-qui-se-succède-sans-la-moindre-opposition-à-lui-même vient donc de déclarer qu’il était temps pour les Verts de vérifier et d’approfondir leurs hypothèses. Hosannah ! Je suis en vérité trop extérieur à ce cercle-là (disons quelques milliards d’années-lumière) pour oser leur prodiguer le moindre conseil, mais enfin, puisque la consigne est désormais à la « vérification » et à l’approfondissement », on pourrait imaginer que cela s’applique à la question du réchauffement. Qui nous est un peu trop servie comme un dogme, quelque chose comme une Infaillibilité, l’Immaculé Argument, celui qui vient du ciel, contre lequel nul ne peut rien, ni la dialectique humaine, ni la force du verbe, ni le jeu de thèses et d’antithèses qui, au moins depuis Aristote, constitue l’essence et l’honneur de la politique.

     

    Il sera mis en cause, le dogme ? On osera reconnaître qu’on en a tout de même fait un peu trop, question imminence de l’Apocalypse ? On aura le courage de cette remise en cause-là ? Ou bien, on serrera les coudes sur la rigidité du slogan ? On continuera de traiter de l’ignoble mot de « négationniste » (le même qui, à juste titre, s’adresse à ceux qui nient l’Holocauste) les esprits émettant quelques doutes sur la fin climatique du monde ?

     

    Tout cela, nous nous réjouissons de le voir. En attendant, nous souhaitons sincèrement bonne chance à cet homme de courage et d’expérience, d’une pâte humaine fort rare, l’un des vrais sourires, l’une des vraies chaleurs de la classe politique suisse.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

     

     

  • Anciens et Modernes


    J’ai toujours détesté, en politique, l’argument de l’âge. Dans un sens comme dans l’autre. Il n’est pas de jeunes ou de vieux politiciens, il n’en est que de bons ou de mauvais. Maudet brillait déjà dans la vingtaine, c’est vrai, mais Konrad Adenauer, qui rendit à l’Allemagne son honneur, fut, bien au-delà de ses 80 ans, un grand chancelier. Il n’y a pas plus un problème d’âge qu’il n’y aurait un problème de sexe, ce sont là des catégories inventées pas des jaloux ou des impatients. Je vous dispense de l’épicène, par indulgence.

     

    En mai 68, j’avais dix ans, je me souviens parfaitement de tout, j’avais quelque peine à comprendre qu’on pût contester de Gaulle sur la seule question de l’âge. Qu’on le fît sur son modèle de société, sa conception royale du pouvoir, l’étouffement de l’audiovisuel, le mandarinat dans les Universités, tout cela méritait en effet discussion. Mais qu’on se contentât de l’attaquer sur ses 77 ans était un peu court. Cet homme qui avait libéré son pays, donné le droit de vote aux femmes, réglé la question algérienne, offert à la France une nouvelle Constitution, élevé le verbe comme nul ne le fit avant lui, était sans doute plus jeune, dans la tête (et moins bourgeois !) que nombre de contestataires.

     

    C’est de cette époque qu’est née ma méfiance viscérale à chaque fois que venait poindre sur la scène une Querelle d’Anciens et Modernes. Que sont devenus les Michel Noir qui, du côté de 1990, avaient tenté un putsch sur le « vieux Chirac » ? Qu’est devenu le jeune Rocard qui tenta, au Congrès de Metz, en 1979, d’avoir la peau du vieux Mitterrand ? Où sont-ils, aujourd’hui, ces jeunes loups aux soubresauts de cabris ? Où sont-ils, dans les livres d’Histoire ?

     

    Ainsi, Antonio Hodgers. Toujours jeune, toujours beau, toujours sautillant, toujours cabri. Un politicien charmant, doux en toutes choses : mobilité douce, verbe doux, idées douces. La perpétuelle illusion d’une humanité meilleure, transcendée par le Rayon Vert. Toujours, la jeunesse brandie contre l’archaïsme. Toujours, la douceur contre la rudesse. Toujours, le grand mythe du Centre (un Centre doux, of course), contre cet antagonisme ringard et dépassé que serait le clivage gauche-droite.

     

    L’archaïque, en l’occurrence, ce serait Ueli Leuenberger. Le Climatique. Qui réagit avec beaucoup d’humour, dans « Le Matin » d’aujourd’hui, à ces attaques au pistolet à eau : « Je ne vais tout de même pas me teindre les cheveux en noir ! ». Ou encore : « C’est le vieux contre le jeune, le beau et le moins beau, le mince et le gros, l’alémaniaque et celui qui apprend le suisse allemand ». Bref Ueli assume. Son âge. Ses cheveux blancs. Son esquisse d’embonpoint. Ses rides. Mais aussi son vécu, son expérience, sa combativité politique, ses réseaux. Tout ce qui fait un homme.

     

    Un homme, oui. Pas un jouvenceau.

     

    Pascal Décaillet