Sur le vif - Samedi 08.05.10 - 16.30h
À l’unanimité, tout à l’heure à Fribourg, les Verts suisses ont réélu à leur présidence, pour deux ans, le très affable et très climatique Ueli Leuenberger. Ils lui ont certes adressé quelques remontrances, laissant entendre qu’il pourrait se montrer un peu plus ouvert dans son style de commandement, mais enfin ils l’ont réélu. Avec un résultat qui eût napalmisé de jalousie le regretté camarade Brejnev. Et suite à une absence de compétition qui étonne un peu de la part d’un parti qui ne cesse de revendiquer ses souches libertaires, proudhoniennes, sa mise en valeur (au fond très libérale) des individus. Toutes choses qui, en l’espèce, semblent s’être évaporées dès qu’est venue poindre l’immuable noirceur du pouvoir.
J’ai toujours dit et répété à quel point Ueli Leuenberger était, à titre personnel, un homme chaleureux et sympathique, aimant les gens, prenant le temps de discuter avec tous, chose au fond assez rare pour être relevée. C’est aussi un homme parfaitement bilingue, aussi à l’aise en suisse allemand sur le plateau d’Arena que devant un auditoire de Denges ou de Denezy, de Fleurier ou de Satigny. Tout au plus, par amitié, lui décommanderais-je certaines vallées latérales du Valais, avec leurs soleils noirs, qui se trouvent m’être particulièrement chères et où reposent la (quasi) totalité de mes ancêtres.
À Fribourg, le président-qui-se-succède-sans-la-moindre-opposition-à-lui-même vient donc de déclarer qu’il était temps pour les Verts de vérifier et d’approfondir leurs hypothèses. Hosannah ! Je suis en vérité trop extérieur à ce cercle-là (disons quelques milliards d’années-lumière) pour oser leur prodiguer le moindre conseil, mais enfin, puisque la consigne est désormais à la « vérification » et à l’approfondissement », on pourrait imaginer que cela s’applique à la question du réchauffement. Qui nous est un peu trop servie comme un dogme, quelque chose comme une Infaillibilité, l’Immaculé Argument, celui qui vient du ciel, contre lequel nul ne peut rien, ni la dialectique humaine, ni la force du verbe, ni le jeu de thèses et d’antithèses qui, au moins depuis Aristote, constitue l’essence et l’honneur de la politique.
Il sera mis en cause, le dogme ? On osera reconnaître qu’on en a tout de même fait un peu trop, question imminence de l’Apocalypse ? On aura le courage de cette remise en cause-là ? Ou bien, on serrera les coudes sur la rigidité du slogan ? On continuera de traiter de l’ignoble mot de « négationniste » (le même qui, à juste titre, s’adresse à ceux qui nient l’Holocauste) les esprits émettant quelques doutes sur la fin climatique du monde ?
Tout cela, nous nous réjouissons de le voir. En attendant, nous souhaitons sincèrement bonne chance à cet homme de courage et d’expérience, d’une pâte humaine fort rare, l’un des vrais sourires, l’une des vraies chaleurs de la classe politique suisse.
Pascal Décaillet