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Et si on changeait les Français ?

 

Chronique publiée dans le Nouvelliste - Vendredi 07.05.10

 

De Gaulle, Mitterrand, Chirac, Pompidou, Giscard, Sarkozy. Tel est l’ordre qualitatif des six présidents de la Cinquième République. Classement assumé par votre serviteur, tenant compte non seulement du bilan, mais de la stature, l’équation à la fonction présidentielle. Sur ce seul deuxième critère, Mitterrand serait d’ailleurs premier ex-æquo. Ce qui est sûr, c’est la sixième place de l’actuel Président : en clair, Sarkozy, aux trois cinquièmes de son mandat, c’est l’échec. Cela en fait-il pour autant un homme fini ? Bien sûr que non ! En politique, tout est réversible, la gloire comme les revers.

 

Aujourd’hui, selon un sondage BVA établi pour Canal+, sept Français sur dix jugent mauvaise l’action du Président. Maladresses initiales (yacht maltais, Fouquet’s), acharnement sur Villepin, manque de majesté dans la fonction, comme si le costume n’était pas taillé pour lui. L’homme, pourtant, ne manque ni d’intelligence, ni d’ardeur à la tâche, mais il y a quelque chose qui ne passe pas. Cela pourrait tenir à ce sentiment profond, obscur, liant les Français à leur pouvoir suprême : de Gaulle était le moine-soldat, incorruptible ; Mitterrand le génial Rastignac de Province, Pompidou le père tranquille. Sarkozy, qui est-il ? Le sait-il, lui-même ?

 

Oh, certes, la conjoncture ne le favorise pas. Mais enfin, fut-elle plus clémente face au de Gaulle de l’insurrection algérienne, au Pompidou ou au Giscard du choc pétrolier, au Mitterrand des manifestations pour l’école libre ? Non, c’est ailleurs qu’il faut chercher : sans doute cette impossibilité historique de la France à s’assumer comme un pays libéral, à de très rares périodes près, dont le Second Empire. Le problème numéro un de ce sixième président, ça n’est peut-être pas Sarkozy, mais les Français eux-mêmes.

 

Les Français, oui. Cette grève de la SNCF en pleine affaire du volcan islandais, quand aucun avion ne peut voler. Cette hypertrophie des syndicats. Cette retraite à soixante ans. Cette insatisfaction permanente. Cette manière de vouloir tout attendre de l’Etat. Oui, ce sont peut-être les Français qu’il faudrait changer. Le problème, c’est qu’ils sont soixante millions. Et que Nicolas Sarkozy est un. Il lui reste deux ans pour renverser la vapeur. Ca n’est ni gagné, ni perdu.

 

Pascal Décaillet

 

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