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Sur le vif - Page 1120

  • La Régente épicène et les Saxons déboussolés

     

    Sur le vif - Samedi 12.12.09 - 17.45h

     

    Le budget 2010 de la Ville de Genève, tout ce samedi devant le Conseil municipal : une majorité de gauche écrasante alignée couverte, refusant avec une discipline systématique et prussienne les amendements de l’Entente, dont certains sont pourtant hautement justifiés ; une ministre des Finances dans le discours de laquelle l’épicène le dispute à l’arrogance ; un PDC dont on se demande à quel camp il appartient.

    La ministre ? Sandrine Salerno. Un discours préliminaire où les « toutes et tous » (comme si le neutre « tous » n’englobait pas les deux sexes) ne se font voler la vedette que par un « sots et sottes » (si !). Un ton donneur de leçons, cassant, pour remettre à leur place les spadassins de l’Entente qui se risqueraient, les insensés, à oser des amendements. Ces Simon Brandt, ces Olivier Fiumelli, ces Adrien Genecand, qui décidément auront fait leurs premiers pas en politique, comme naguère Pierre Maudet, dans la posture frontale des minoritaires (ça forge le caractère), la Régente leur répond par des leçons de morale. C’est un peu la tonalité de cette instance, qui régit une communauté humaine de quelque 240.000 habitants avec les mêmes mots que si elle était chargée des sept millions d’âmes de la planète.

    Ils sont courageux, ces jeunes grenadiers de la cause perdue. Contre eux, ils ont non seulement une majorité, mais une sorte de prétention morale à constamment définir ce qu’est le bien. On se frotte les yeux, on pense à la loi de 1907 : on se croirait presque au temple.

    Et tiens, puisqu’on parle d’église, le PDC de la Ville, dans ce débat, étonne par son extrême ductilité. Il joue avec la boussole de la gauche et de la droite à en démagnétiser les pôles. Les Saxons, à la bataille de Leipzig (16 au 19 octobre 1813) étaient assurément plus fiables. C’est dire.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Tu montes à l’autel, chéri ?

     

    Etrange République, en vérité, qui se proclame laïque depuis 1907, mais dont le gouvernement prête serment, tous les quatre ans, dans une… cathédrale !

    On me dit qu’elle est, pour l’occasion, sécularisée. Je veux bien. Mais alors, si c’est pour extraire le sacré, comme on ôte une épine, pourquoi ne pas tenir cérémonie à Palexpo ? Ou l’Arena ? Ou l’aéroport ? Ou dans une halle polyvalente de la zone suburbaine ? Ou, si on tient à tout prix à la présence de l’Histoire, à l’Hotel-de-Ville, qui est palais républicain.

    Diable. Ces voûtes et ces lumières, le feu du vitrail, l’empreinte, jusque dans la pierre, de tant de milliers de prédications, la marque des siècles, la trace des chants et des prières, nos autorités profanes y seraient-elles, peut-être, moins insensibles que le raide et le roide de l’équerre ne le laisseraient transparaître ? Les extatiques de la matrice froide seraient-ils, au-dedans d’eux-mêmes, orphelins d’une autre matrice, brûlante comme une filiation perdue ?

    Singulière contrée, oui, où les élus de la République viennent se mettre en communauté avec les Saintes Ecritures, juste une heure, juste en passant, le temps d’un serment. Avant de rejoindre, pour quatre ans, le doux régime de Séparation. Irait-on à l’autel comme irait aux filles ?

    Juste une dernière fois. Avant le sacerdoce républicain.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Darbellay, les maux sous les mots

     

    Dimanche 06.12.09 - 10.20h


    Opposé à l’initiative sur les minarets, donc clairement dans le camp des perdants, dimanche dernier, je n’ai apprécié que très moyennement la folie burqa qui a immédiatement suivi. Que le président du PDC suisse, au demeurant l’un des politiques les plus doués et les plus habiles du pays, joue ce jeu-là, m’a déçu. En allant remuer la poudrière religieuse en Suisse, raviver de vieilles querelles de cimetières confessionnels, il a joué avec le feu. Il s’en est certes excusé, dont acte.

    Cette maladresse, ironie du sort, survient à un moment où le Flandrin des glaciers subodore peut-être un nouveau carrefour de destin. Président du parti, homme national, parfaitement bilingue, à l’aise à Arena tout autant que devant une assemblée de paysans de la Haute-Argovie ou du Toggenburg, homme pressé, lève-tôt, amant crépusculaire de la verticalité, funambule des arêtes, il ne glisse jamais sur la glace, mais dans l’ordre plus troublant, plus imprévisible, du langage. Christophe Darbellay, oui, contrairement aux hyper-contrôlés François Longchamp et Didier Burkhalter, laisse toujours affleurer la pointe de l’hyperbole. Les mots sous les mots, avec lui, ont leur chance. La possibilité d’un lapsus, aussi. L’interviewer est donc toujours un moment de bonheur, où ne manque jamais de surgir le mauvais garçon, le fier-à-bras de bal finissant, bref un goût salé d’aventure, comme une écume de Dranse, qu’on désespère de trouver chez d’autres. Les uns sont plutôt notaires, lui franchement Gavroche.

    Ainsi, tout récemment, au Grand Oral, enregistré l’avant-veille de la Bérézina de Jean-Michel Cina autour de la loi sur le tourisme, le Flandrin, au moment le plus inattendu, attaque : « Oui, un retour en Valais m’intéresse ». À neuf mois seulement du début de législature, fallait oser ! Anticipant sur la mort politique de l’ancien président de Salquenen, le fauve en dévore déjà viscères et entrailles. C’est visible, gros comme un vautour mâle sous la lune, épais comme un câble de téléphérique de Veysonnaz, mais ça fonctionne.

    Reviendra-t-il en Valais ? Si oui, qui aura-t-il contre lui ? Freysinger, tout aussi éligible et dopé à mort par sa récente victoire ? Jean-Michel Cina finira-t-il la législature ? La paix de Veysonnaz, manifestement scellée avec Jean-Marie Fournier, n’est-elle qu’un cessez-le-feu, un pacte des loups pour mieux abattre un ennemi commun ? Entre Valais et Judée, Schiner et Supersaxo, entre maquereaux des cimes et paroles de prophètes, le spectacle de la politique valaisanne, toujours recommencé, n’a pas fini de nous estourbir. Alors, d’accord, mourons. Mais, si possible, pas trop vite.

    Pascal Décaillet