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La dépêche d'Ems du DIP

 

Sur le vif - Samedi 15.05.10 - 09.32h

 

Elle s’appelle Madame Guerrier, je n’invente pas. Elle appartient à la direction de l’enseignement primaire, à Genève, et s’est signalée récemment par l’envoi d’une circulaire qui m’a amené, cette nuit, à me replonger dans mes bouquins sur les causes directes de la guerre franco-prussienne de 1870 (passionnant !), et sur la fameuse dépêche d’Ems de Bismarck, celle qui mit le feu aux poudres, précipita deux peuples dans une guerre sanglante, au final provoqua la perte de l’Alsace-Lorraine.

 

La dépêche d’Ems de Madame Guerrier, c’est cette circulaire dont parle André Duval, depuis quelques jours, sur son blog, et qui amenait hier matin le député radical Jean Romain à exposer, sur Radio Cité, le contenu d’une interpellation urgente au Grand Conseil. Dans cette missive, adressée à ses subalternes avec force exécutoire, Madame Guerrier décrit comme automatique le passage de 1E à 2P. Le problème (et Jean Romain n’a pas eu à se fatiguer exagérément pour aller le dénicher), c’est que le chapitre 27, alinéa 2 de loi sur l’instruction publique stipule exactement le contraire : « Le passage d’une année à l’autre n’est pas automatique » ! C’est réglé, tranché. Métallique. Net. Madame Guerrier a commis une bêtise.

 

Bêtise ? C’est la thèse du DIP. Qui, à lire la Tribune de Genève de ce matin (Jérôme Faas), s’empresse de dédramatiser et surtout d’exonérer le ministre de toute implication possible, avec cette remarque assez ahurissante en République : « Ca n’est pas une directive, mais une note de service. Elle est donc sous la responsabilité de la direction générale, pas sous celle de Charles Beer. Il n’était pas au courant ». Dixit Bernard Riedweg, directeur du Réseau d’enseignement primaire.

 

Que Charles Beer fût au courant ou non, nous l’ignorons. D’une manière générale, il est souhaitable qu’un ministre sache ce qui se passe dans son Département. Ou alors, si « on » le grille, il doit en tirer les conséquences. À noter, d’ailleurs, le souci de Jean Romain de ne pas attaquer le chef du DIP : mieux on s’entendra, dans cette législature qui doit être celle de l’apaisement, mieux on se portera. Ce que veut cibler le député radical et gourou fondateur de l’Arle, ce sont les « pédagos » du primaire, qui auraient essayé, via la circulaire Guerrier, de revenir par la cheminée.

 

De fait, on conviendra que la thèse de la « distraction » est un peu énorme. La loi sur l’instruction publique, réformée par le peuple lors de la fameuse votation « sur les notes » de septembre 2006, tient en quelques lignes décisives (celles-là, précisément), dont on peut imaginer qu’une directrice de l’enseignement primaire les maîtrise dans sa tête. Donc les pistes de la provocation ou du passage en force ne sont pas à écarter d’office. Donc, l’affaire est intéressante, révélatrice d’un climat de résistances internes à la décision souveraine du peuple (76%) en septembre 2006, et ne saurait être écartée d’une chiquenaude au nom d’une erreur passagère.

 

Dans sa dépêche d’Ems, envoyée à ses subalternes avec force exécutoire par Bismarck, le chancelier de fer déclare qu’il s’agit, par des provocations, d' « exciter le taureau gaulois ». Là, Madame Guerrier a trouvé, bien vite et à son corps défendant, son taureau gaulois. Il s’appelle Jean Romain. Il s’appelle l’Arle. Elle leur a offert, sur plateau d’or, l’occasion de se signaler avec quelque fracas.

 

Pascal Décaillet

 

 

 

 

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