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Commentaires GHI - Page 55

  • Cohésion et solidarité : nos valeurs suisses

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 29.03.23

     

    La crise bancaire que nous traversons doit nous interroger sur nos valeurs suisses. Et sur l’identité profonde de notre pays, ce qui nous relie, nous unit, nous donne le sentiment, au-delà de nos différences, d’appartenir à une communauté nationale, « Gemeinschaft » en allemand. D’abord, évacuons le folklore. Je suis le premier à adorer le Cervin, le Cenovis, le Toblerone, mais je n’aime pas que l’on réduise un pays à ses marques, même avec le sourire du second degré. Pas plus que je n’apprécie l’exaltation de la Suisse primitive, mythique à souhait. Je lui préfère la Suisse moderne, celle de 1848, celle des radicaux, celle de l’aventure industrielle et ferroviaire, le Gothard, le Lötschberg, le Simplon, les grands tunnels, la passion institutionnelle des pères fondateurs. Notre pays est récent, comme unité fédérale. Et cette aventure-là, 175 ans d’existence cette année, est la plus belle, la plus passionnante. Parce qu’elle a créé le lien entre les Suisses. Le parti radical, le grand parti qui a fait la Suisse moderne, y a été pour beaucoup.

     

    Les banques, assurément, ont fait partie de cette épopée, nous n’avons pas à en rougir. Ce qui nous heurte, dans l’affaire du Crédit Suisse, ça n’est pas le principe bancaire. Non, c’est le climat d’ahurissante spéculation, depuis une trentaine d’années, investissements à risques, vouloir jouer dans la cour des grands avec les Américains (qui ne songent qu’à affaiblir la place financière suisse), course au profit rapide, bonus inconsidérés versés aux dirigeants. Les Grecs ont un mot pour cela, c’est l’hubris, la démesure. Or justement, la Suisse de ces 175 dernières années, vaut tellement mieux que cette folie du Veau d’or. Nous avons un système politique, unique au monde, avec notre démocratie directe, son fleuron, qui fait des citoyennes et citoyens la pierre angulaire de notre construction démocratique.

     

    Nous avons des assurances sociales, à commencer par l’AVS, débat fleuve en 1947, acceptation par le peuple en juillet, entrée en vigueur le 1er janvier 1948. L’AVS, dans une Europe précaire à la sortie de la guerre, avec encore des tickets de rationnement et des hivers glacés, sans charbon en suffisance, c’est la grande réponse de la Suisse aux défis du monde moderne. Nous avons à en être fiers, tout comme les Français le sont de la Sécurité sociale, introduite par de Gaulle dans le gouvernement de la Libération, tout comme les Allemands le sont des grandes lois sociales des années bismarckiennes, des décennies avant les autres pays d’Europe.

     

    La cohésion, la solidarité au sein de la communauté nationale, ce sont nos grandes valeurs suisses. Sans la main tendue vers l’autre, il n’y a pas de Suisse. Nous sommes un pays d’Europe continentale, nous avons une autre conception de la vie en commun que la sauvagerie ultra-libérale d’inspiration anglo-saxonne. Nous sommes un tout petit pays, mais nos valeurs dépassent nos frontières. Elles sont d’équilibre et de douceur, d’attention et de respect, de raison et d’inquiétude spirituelle. De cette alchimie paradoxale, nous n’avons en aucun cas à rougir.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Le charpentier de Nazareth

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 22.03.23

     

    En quelques jours, tout a été liquidé. Le Crédit Suisse, deuxième banque du pays, fondée en 1856 par le prestigieux radical zurichois Alfred Escher, l’homme du tunnel du Saint-Gothard, l’un des pères mythiques de la Suisse moderne, a été subitement pris dans une tourmente, aspiré par un courant d’une puissance dévastatrice, et finalement désintégré ce dimanche 19 mars 2023, en début de soirée. C’était le jour de la Saint Joseph, un homme simple et aimant, modeste charpentier, père de famille, un homme bien, avec le sens du devoir. Selon nos informations, cet artisan, actif il y a deux mille ans, et inscrit au Registre du Commerce de Nazareth, ne portait ni costume, ni cravate, ni montre de luxe.

     

    On nous disait "too big to fail", il paraît que c’est de l’anglais, la langue des puissants, ceux qui connaissent la grande finance, les investissements à risques, les fonds spéculatifs, et qui, contrairement à Saint Joseph travaillant le bois, ne se salissent jamais les mains. On nous disait ça, mais le géant est tombé, pulvérisé. Déjà, se souvient-t-on qu’il fût jamais ? Dimanche, c’était le Crédit Suisse, et demain ? Quel puissant d’aujourd’hui, imbu de son arrogance, connaît-il son destin ? Chacun de nous, peut-être, se prend pour un géant, et pourtant un beau jour retournera en poussière.

     

    Nous, les Suisses, interrogeons-nous sur nos valeurs. La banque en est une, assurément. Mais la cohésion sociale, la fraternité à l’intérieur du pays, en est une autre. Simple, et souriante. Comme Joseph, le charpentier de Nazareth.

     

    Pascal Décaillet

  • La droite non-libérale, ça existe!

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 22.03.23

     

    Je suis, profondément, un homme de droite. Et pourtant, je ne suis pas libéral. En tout cas pas au sens où l’on entend ce mot, notamment sous influence anglo-saxonne, depuis une trentaine d’années : disparition de l’Etat et des frontières, mondialisation du capital, affaiblissement des services publics, délocalisations, création d’entreprises de taille monstrueuse, à vocation planétaire, sans racines nationales, ouverture des marchés sans contrôle, libre-échange sans entraves, précarisation du travail au profit de la grande finance. Ce modèle, je n’en veux pas. Je n'en ai jamais voulu. Depuis l’adolescence, je me sens très puissamment de droite, mais pas de cette droite-là. La mienne est nationale, patriote, culturelle, follement attachée aux langues et leur Histoire, aux textes, à la vie du verbe et de l’esprit.

     

    Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, on ne parle plus guère de cette tradition de pensée, qui avait été avant-guerre celle de très grands penseurs, hommes de culture et polémistes français. Je citerai Péguy ou Barrès, Emmanuel Mounier (la Revue Esprit), et tant d’autres, dont la lecture m’a tellement nourri, depuis un demi-siècle. On n’en parle plus, et c’est un tort, immense. Les libéraux ne peuvent concevoir une droite qui renie la libre circulation sauvage des personnes et des marchandises. La gauche, de son côté, est persuadée de détenir le monopole sur la pensée de l’Etat, ses missions, et sur la défense des plus faibles. Eh bien moi, je ne suis ni de gauche, ni de la droite appelée depuis trente ans « libérale ».

     

    Il y a pourtant, dans ce camp, les libéraux, des personnes qui m’ont marqué : Olivier Reverdin (1913-2000), qui fut mon professeur, ou plus récemment le député Cyril Aellen, homme de rigueur financière et d’ouverture. Mais désolé, la dérive ultra-libérale, survenue après la chute du Mur de Berlin, a tout foutu en l’air. Elle a dévoyé, par absorption du sens, l’idée même du libéralisme. Au moment où la Suisse vit des heures graves dans son secteur bancaire, les ravages de l’ultra-libéralisme montrent l’étendue du mal. Tout cela, pourtant, était prévisible dès la chute du Mur, et le champ ouvert au seul capitalisme d’inspiration anglo-saxonne. Nous avons, dans cette Europe continentale que nous aimons tant, en Suisse, en Allemagne, en France, en Italie, d’autres valeurs que cette tribale dévotion au Veau d’or du profit. Les grands Ordres chrétiens, qui nous ont façonnés, puis le legs inestimable de la Révolution française, qui a tant influencé les plus grands esprits allemands des décennies suivantes, tout cela nous transmet un autre héritage que celui de l’hystérie autour des Bourses.

     

    Alors oui, on peut être un homme de droite, petit entrepreneur, partisan de la concurrence, de la liberté du commerce, des PME, des petits indépendants, oh oui, mais avec un Etat fort. Un Etat solide, mais surtout pas tentaculaire, voilà pourquoi je ne suis pas un homme de gauche. On peut être cet homme-là, d’une droite nationale, joyeuse, sociale et fraternelle. Construite autour de la Patrie. C’est mon ambition, pour le pays.

     

    Pascal Décaillet