Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Commentaires GHI - Page 195

  • Jean-François Duchosal, lumineux octogénaire

    3886209450.jpg 

    Portrait publié dans GHI - Mercredi 26.10.16 - Photo Demir Sönmez

     

    L’être humain, nous dit Aristote, est un animal social. Entendez qu’il n’est pas fait pour la solitude, à part les ermites, mais pour vivre avec les autres. Au milieu du monde. Certains (j’en fais partie) ne sont pas très doués pour accepter cette dimension sociale. D’autres, au contraire, ont des antennes. Invisibles, magiques, irradiantes de chaleur et de lumière. Jean-François Duchosal, 80 ans ce 23 octobre 2016, est de cette catégorie rare. Ils ont, en eux, quelque chose qui les propulse vers l’autre. Les fréquenter est un privilège.

     

    Vous me direz que Duchosal, c’est justement le pèlerin, le solitaire. Celui qui est allé plusieurs fois à Compostelle, mais aussi à Rome, à Jérusalem, en Arles en suivant le Rhône, à Lisieux, à Cordoue, le tout à pied, avec son sac à dos et sa tente. Et c’est justement cela qui fascine chez cet être, ce paradoxe, dont parle si bien le philosophe Blaise Pascal, en quelques mots de feu, dans ses Pensées. Cette aptitude à la plus sévère des solitudes, pour mieux revenir vers l’autre. Savoir se retirer du monde, pour mieux y accéder. D’un côté, hors du monde. De l’autre, au cœur du monde. Nous sommes là dans une symbolique très forte, véhiculée (notamment) par le christianisme : le moine, l’ermite, prennent distance de la société, non du cœur invisible qui relie les hommes. Toujours cette idée, incroyable, qu’il faut se perdre pour se retrouver, s’égarer pour tracer le Chemin.

     

    A Genève, depuis des décennies, Jean-François Duchosal est un personnage. Colonel, ancien chef de la sécurité à l’aéroport, soldat d’élite ayant dirigé des troupes d’élite, mais aussi infatigable voyageur et travailleur humanitaire, de l’Afrique à l’Arménie, toujours là pour aider, lorsque survient une crise. A Genève, on ne compte pas les associations d’entraide où il joue un rôle. C’est aussi, avec sa remarquable épouse Marie-José, un homme à l’affût de toute réunion, toute activité culturelle, musicale, de nature à rassembler les humains, dans un monde où tant de choses les dispersent. Oui, Duchosal est un rassembleur. Le seul qui, fêtant son anniversaire aux canons, avec son ami Glôzu, est capable d’agréger autour de lui des hommes et des femmes politiques de tous les partis, des militaires, des pacifistes, des pèlerins, un légendaire fusible de la République, d’anciens magistrats, des enfants, un colonel de la Légion, le tout dans la chaleur de la fraternité.

     

    Ces qualités sont rares. Et nous prouvent au fond qu’un chef, c’est un être capable d’aimer les gens. Ou, tout au moins, de s’intéresser à la qualité du lien au sein d’un groupe. Dans une ville comme Genève, riche de tant de différences, la présence de quelques témoins d’humanité n’est pas inutile. Duchosal en est. Je lui souhaite longue vie, et enthousiasme le long du Chemin. Chaque fois que j’écoute les Années de Pèlerinage, le chef d’œuvre de Franz Liszt, où les notes du clavier trottinent vers le destin, je pense à lui. Bon Anniversaire, Colonel !

     

     

    Pascal Décaillet

     

  • Hausse des primes : colère et combat !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 28.09.16

     

    Le verdict est tombé à 10h, ce lundi 26 septembre : les primes maladie, en Suisse, augmenteront en 2017 en moyenne de 4,5%. Et, pour Genève, de 5,7% ! C’est une hausse considérable, une de plus en vingt ans. Avant toute chose, ayons une pensée pour nos personnes âgées, je songe aux plus précaires d’entre elles, sur le plan financier : le dimanche 25, en votation fédérale (AVS Plus), elles perdent tout espoir d’une augmentation des rentes. Le lendemain 10h, on leur annonce les 5,7% de plus pour les primes à Genève. De quoi être amer ! Pas seulement pour la baisse de pouvoir d’achat, bien réelle. Mais, bien pire, pour le défaut de considération. Tout juste bons à payer. On est là, on a bossé toute sa vie, on nous pompe, on nous trait, on nous tond. Il est des statuts plus gratifiants.

     

    Pour revenir aux primes de l’assurance-maladie, il est clair que ça ne peut plus durer. On peut nous balancer tous les diagnostics techniques que l’on veut, comme autant d’écrans de fumée, il faut garder la tête au-dessus du brouillard et considérer l’essentiel : la mise en concurrence des caisses privées, inhérente à la Lamal (loi sur l’assurance-maladie, votée dans les années 1990), est une erreur historique. A laquelle s’ajoutent, en vrac, la chasse au bon patient, l’opacité dans la gestion de certaines caisses, l’accumulation de réserves, toutes choses que tout le monde connaît, mais contre lesquelles rien ne semble possible. Comme si l’inéluctable devait l’emporter. Comme si la politique, qui est justement l’affaire des choix volontaristes d’une communauté humaine, devait baisser les bras. A cette tentation de l’impuissance, il faut, violemment, fraternellement, dire non.

     

    Dire non, c’est remettre le citoyen sur le chantier de l’avenir. La Santé publique, en Suisse, appartient à tous, pas seulement aux conseils d’administration des grandes caisses, ni à leurs relais ou lobbyistes sous la Coupole fédérale. Les solutions de réforme, dans un monde où chaque spécialiste s’abrite derrière la prétendue complexité des enjeux, doivent dégager des lignes simples, lisibles par tous. Pour ma part, même si les principes de Caisse unique, puis de Caisse publique, ont été refusés par le peuple, ce qu’il faut bien sûr accepter et respecter, je n’entrevois d’autre avenir à l’assurance maladie que par le grand retour d’un acteur qui n’aurait jamais dû, il y a vingt ans, en être écarté aussi brutalement : l’Etat. N’entendez pas, je vous prie, des cohortes de fonctionnaires, non bien sûr. Mais les collectivités publiques ! Les cantons, ou des groupes de cantons. Ou la Confédération. Dans la Santé publique, on doit remettre au premier plan, non pas la recherche du profit, mais l’intérêt supérieur du plus grand nombre. Pour cela, il faut réformer en profondeur la Lamal. L’expurger du parfum d’ultra-libéralisme des années 1990. Refaire de la Santé publique ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être : une fonction première, régalienne, de l’Etat. Et non une machine, pour quelques-uns, à faire du fric.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Humanités

    evangile_zoom1-e1323277874152-514x500.jpg 

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 24.02.16

     

    L’étude du grec ancien n’est pas un luxe réservé aux enfants des bourgeois. Elle n’a pas à l’être. Pas plus qu’elle ne devrait être une sorte de joyau de préciosité intellectuelle, pas vraiment nécessaire, mais qui sentirait bon l’élite. Voir les choses comme cela, c’est ne rien comprendre à la vraie valeur des études classiques. Et c’est bien mal connaître l’Histoire de Genève.

     

    Car la langue et la civilisation grecques exercent sur nous le miracle d’une ascendance maternelle. Elles nous donnent vie, nous nourrissent. Tous ! Et pas seulement les hellénistes. A l’époque de l’humanisme et de la Réforme, au temps des grands imprimeurs, Genève a été, dans le monde, une plaque tournante de la diffusion des textes grecs. Des noms de rues, dans la Vieille Ville, nous rappellent l’apport inestimable de ces grands esprits.

     

    Plus tard, au moment de l’indépendance grecque, Genève a su montrer sa proximité avec ce pays en voie d’affranchissement. Plus tard encore, d’immenses professeurs, comme Olivier Reverdin, Jean Rudhardt, mais aussi André Hurst et aujourd’hui leurs successeurs, ont transmis à des générations le goût du grec, via l’École de Genève.

     

    Nous voulons dire ici notre solidarité avec ceux qui se mobilisent (parents, enseignants, élèves) pour sauver la peau du grec à Genève. Il ne s’agit pas – il ne doit pas s’agir – d’un luxe, mais d’une part inaltérable de l’identité intellectuelle, spirituelle, littéraire de Genève. Jouer avec cela, c’est tenter l’appauvrissement. Là où nous avons la chance d’être si riches. Par le cœur. Et par l’âme.

     

    Pascal Décaillet