Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Commentaires GHI - Page 192

  • Coquille vide

    macron.jpg 

    Commentaire publié dans GHI - 22.03.17

     

    Un homme charmant, bien coiffé, bien habillé, gendre idéal. Un regard bleu, allumé, en phase avec l’excitation de vivre. Emmanuel Macron, chouchou des sondages, candidat des milieux bancaires, européens, candidat de l’euro, candidat de l’Allemagne, candidat de la Côte Est américaine, candidat de la mode, des médias, des chaînes TV, de la gauche urbaine branchée, a eu l’occasion, lundi 20 mars, de transpercer l’armure du paraître : lors du grand débat de TF1, il a parlé.

     

    Je m’en suis réjoui. Pour la première fois, il nous était donné d’accéder, chez ce produit de luxe de la course à la présidence, non à des apparitions de phénix, mais à un discours articulé. Vous savez, des phrases. Avec des sujets, des verbes, des compléments. Et, pourquoi pas, soyons fous, un contenu. Du sens.

     

    Las ! L’homme parle. Il est sympathique, c’est sûr. Le regard bleu attire. Il parle, mais ne dit rien. Les mots s’échappent, s’envolent, la parole est ailée, elle glisse, virevolte, chatouille l’entendement, mais personne ne saisit ce que le locuteur a bien voulu nous signifier. Je crois qu’on appelle cela, en linguistique, un discours sans référent.

     

    C’est un peu ennuyeux. Non pour le plaisir de l’oreille, encore moins celui des yeux, car l’homme est affable et fort agréable. Mais par rapport à la fonction briguée. Car enfin, il ne s’agit pas d’élire un bateleur aux Arts ménagers. Mais le Président de la République française. Un successeur à des hommes comme Charles de Gaulle ou François Mitterrand. Oui, c’est un peu ennuyeux. Malgré le regard bleu.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Médias et politique : l'état de guerre est naturel

    a1f1e406-61ea-11e3-94b2-e4ca6bcc7acc.jpg 

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 22.03.17

     

    D’aucuns s’offusquent que M. Trump s’en prenne directement à des journalistes, moi pas. J’exerce pourtant cette profession depuis plus de trente ans, je la défends de toutes mes forces. Mais je ne m’étonne pas que certains politiques, lorsqu’ils se sentent violemment attaqués, ripostent directement aux médias. Pourquoi ne le feraient-ils pas ? Pourquoi celui qui a porté l’estocade ne devrait-il pas s’attendre à une contre-attaque ? Au nom de quelle immunité ? Pourquoi une corporation, la mienne, aurait-elle le droit de mener l’offensive, et la personne lésée n’aurait-elle pas celui de se défendre ? Surtout, pourquoi cette tension devrait-elle nous étonner ? Depuis que la presse existe, celle d’opinion surtout, dont je me réclame ici, l’état naturel des relations entre éditorialistes de pointe et politiques, ça n’est pas la paix. Mais la guerre.

     

    Lorsqu’une chaîne de télévision américaine a passé des mois, sans discontinuer, à attaquer M. Trump, sous tous les angles possibles, et que cette chaîne a le culot d’envoyer un journaliste à la conférence de presse de la Maison Blanche, elle ne va tout de même pas pleurnicher si le Président n’a pas immédiatement envie de parler à son représentant. Ils ont vomi sur le candidat, avec une violence inimaginable, il réplique, c’est la vie. Et pour ma part, ça me convient très bien. La guerre frontale a quelque chose d’infiniment plus sain, plus vrai, que les ronds-de-jambes de cocktails, les tutoiements sous les lambris, le chuchotement de fausses confidences, la gluance du copinage. Homme politique, c’est un boulot, parfaitement respectable. Editorialiste, ou commentateur, c’en est un autre, qui nécessite l’usage de la lucidité, de la critique, et amène tout naturellement à se faire des ennemis.

     

    Un journaliste politique qui n’aurait pas d’ennemi, passerait son temps à frayer avec les politiques comme larrons en foire, serait méchamment de nature à m’inquiéter. Son exigence de lucidité, de vision critique, le courage de dire sa vérité, les a-t-il assumés, ou laissés au vestiaire de la réception mondaine ? Soyons francs : si on prend position, de façon claire et tranchée, dans un commentaire ou un édito, ce que j’appelle puissamment de mes vœux, alors on devient, comme les autres, un belligérant. On en a parfaitement le droit, c’est même indispensable dans une société de libre expression, mais il faut en assumer les conséquences. Je ne vous raconte pas à quelle vitesse le même politique, qui disait encore adorer votre « liberté de ton » la veille, deviendra le premier à chercher, par tous les moyens, à avoir votre peau, si vous l’avez écorné. C’est ainsi, c’est la vie.

     

    Je suis un passionné de l’Histoire de la presse. Pour ma Série radiophonique de l’été 1994 sur l’Affaire Dreyfus, j’ai lu des milliers de journaux de l’époque, de tous bords. Ils étaient, les uns envers les autres, d’une violence inimaginable aujourd’hui. L’état naturel, entre presse et pouvoir, et même entre journalistes, c’était la guerre. C’était au moins clair. Plus que tout, j’aime la clarté.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Assurance maladie : la parole au peuple !

    assurance-lamal-suisse.jpg 

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 15.03.17

     

    C’est comme en mathématiques : il y a un moment, si on veut résoudre le problème, où il faut simplifier l’équation. C’est dans cette optique, fort saine en politique, qu’il faut considérer les deux initiatives populaires fédérales annoncées samedi 11 mars par la RTS, à propos de l’assurance maladie. Derrière ces textes, on retrouve deux acteurs majeurs en Suisse romande : les conseillers d’Etat Mauro Poggia (GE) et Pierre-Yves Maillard (VD), l’un et l’autre chargés de la Santé. Au-delà du contenu de ces initiatives, c’est un moment fort dans l’Histoire politique de notre pays : deux magistrats exécutifs cantonaux, lassés de l’impuissance du Parlement fédéral, préfèrent saisir le peuple, rendant ainsi un hommage incroyable à notre démocratie directe comme ultime recours, lorsque plus rien n’avance.

     

    Le but de cette double initiative, c’est de faire bouger les choses, dans un domaine où l’interminable ping-pong parlementaire fédéral n’aboutit qu’à des matches nuls, accentuant l’image d’une paralysie du système. Avec, aussi, un conseiller fédéral, chargé de la Santé, trop soucieux de ménager chèvre et chou, et dont l’audace visionnaire ne saute pas aux yeux. Assurément, si l’Assemblée fédérale avait placé à ce poste un Pierre-Yves Maillard, comme si elle avait osé le choix de la Saint-Galloise Karin Keller-Sutter, nous n’en serions pas là : la Suisse paie cher le manque d’audace des 246 parlementaires qui choisissent le Conseil fédéral, et préfèrent si souvent, à tort, se passer des caractères trop forts.

     

    La première initiative veut interdire aux parlementaires, à Berne, de siéger dans les instantes dirigeantes des Caisses. La seconde, qui reprend l’esprit d’un texte de la FRC (Fédération romande des consommateurs) veut permettre la création d’institutions cantonales – ou régionales – chargées de fixer et d’encaisser les primes. Un projet qui était déjà sur toutes les lèvres, le soir même de l’échec (61,8%) de l’initiative fédérale sur la Caisse publique d’assurance maladie, le 28 septembre 2014. Deux textes forts, donc, puisqu’ils touchent aux collusions d’intérêts, si manifestes sous la Coupole, et à la structure fédéraliste de notre pays. A coup sûr, ces deux initiatives méritent, si elles obtiennent les signatures, un vaste débat national. Avec, un beau dimanche, le peuple qui tranche. Notre politique de santé, beaucoup trop complexe, a besoin de clarté, de légitimité, de courage dans les choix. L’équation a besoin d’être simplifiée.

     

    Surtout, l’appel au peuple constitue un signal remarquable. Il montre qu’en Suisse, chacun peut actionner la démocratie directe. Y compris des conseillers d’Etat ! MM Maillard et Poggia sont loin d’être seuls, des gens travaillent déjà dans les comités d’initiative, l’affaire est préparée, elle ne sent pas l’improvisation. Pour la suite, nous verrons. Mais une chose est sûre : lorsque tout est bloqué, lorsque plus rien n’avance, saisir le suffrage universel, en provoquant un grand débat, dans tout le pays, peut être l’occasion d’une délivrance. On ose au moins l’espérer.

     

    Pascal Décaillet