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Commentaires GHI - Page 190

  • La réhabilitation d'un homme d'honneur

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    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 21.06.17

     

    Un fusible. C’est par ce mot que nous avions qualifié ici même, il y a un an, le chef des opérations de la Police genevoise, Christian Cudré-Mauroux. A cette époque, les voix n’étaient pas innombrables, pour défendre l’homme. Il y eut même quelques belles prises de position pour justifier la véritable persécution que le Conseil d’Etat exerçait sur ce grand policier, trente ans de loyaux services, sur les épaules duquel on avait voulu faire porter tous les maux, en lien avec la manifestation sauvage du 19 décembre 2015. Pendant près d’un an, l’affaire est demeurée figée. Et voilà que ce vendredi 16 juin, par temps magnifique et tout le monde se préparant à savourer le week-end, un communiqué de la Cour de Justice était publié, réhabilitant le policier.

     

    Le vendredi 16, cette publication, et pas, par exemple, le jeudi 15. Amusant, non ? Le soir de ce jeudi, se déroulait à Veyrier l’Assemblée des délégués du PLR, qui désignait son ticket pour le Conseil d’Etat 2018. Elu en tête du trio de candidats, avec Nathalie Fontanet et Alexandre de Senarclens, un certain… Pierre Maudet, ministre de tutelle de la Police. Eût-il obtenu une aussi bonne désignation, si la Cour avait publié son arrêt (datant du 6 juin) 24 heures plus tôt, donc AVANT l’Assemblée de Veyrier ? Oui, je sais ce que vous allez me répondre : séparation des pouvoirs, et patati, et patata. Fort bien. Allons-y pour la séparation.

     

    Toujours est-il que voilà un homme d’honneur réhabilité. La Cour annule, purement et simplement, l’arrêté du Conseil d’Etat du 22 juin 2016, qui dégradait l’officier de lieutenant-colonel à major, sanction totalement infamante dans le signal qu’elle donne, avec son côté Dreyfus, Cour des Invalides, 5 janvier 1895, sans compter la réduction de traitement. Elle estime, notamment, que « le recourant n’avait pas menti à sa hiérarchie, ni ne lui avait dissimulé de documents ou d’autres renseignements pertinents ». En clair, elle s’inscrit totalement en faux contre les arguments du Conseil d’Etat, qui avait cloué publiquement au pilori l’un des serviteurs les plus fidèles de la Police genevoise.

     

    Pire : ce même vendredi 16 juin, à peine la Cour avait publié son arrêt, le Département Maudet s’empressait de réagir (à une décision de justice !), rappelant qu’il s’était appuyé sur le rapport administratif d’un ancien juge. Là encore, l’autorité de tutelle se défausse de sa responsabilité politique, car enfin, l’humiliante dégradation, c’est lui qui doit en assumer la décision. Dans le même communiqué, il n’exclut pas de recourir lui-même contre l’arrêt de la Cour, ce qui est certes son droit, mais accentue le signal de « mauvais perdant ». En conclusion, dans cette case éditoriale que nous tenons depuis six ans et où nous n’avons pas l’habitude de distiller la langue de bois, nous dirons que le Conseil d’Etat, d’un bout à l’autre de cette affaire, a fait tout faux, s’est montré arrogant, a dissimulé sa propre responsabilité pour faire fonctionner des fusibles. On a dû connaître, ici ou là, meilleure gouvernance. Quant à M. Cudré-Mauroux, nous lui faisons part publiquement de notre respect et de notre considération.

     

    Pascal Décaillet

     

  • France : une Chambre de groupies

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    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 14.06.17

     

    Au risque de déplaire et de casser l’ambiance, je vais expliquer ici pourquoi le raz-de-marée des troupes macroniennes, à l’Assemblée Nationale, n’est pas une bonne nouvelle. Ni pour la France, ni pour l’équilibre des pouvoirs, ni surtout comme modèle politique, dont il paraît qu’il faudrait s’inspirer, « parce qu’il dépasse les clivages traditionnels ». D’abord, parce qu’en Histoire, rien ne dépasse rien, jamais. La noirceur du pouvoir, le tragique des destinées, tout cela disparaît puis revient, nulle génération n’est épargnée, nul progrès n’est linéaire. Mais aussi, surtout, parce qu’en faisant du Palais Bourbon, pour cinq ans, une Chambre d’enregistrement de l’Elysée, les électeurs, hélas, anéantissent le rôle essentiel de contre-pouvoir qui doit être celui de l’institution parlementaire, dans un pays où cette dernière, par tradition monarchique, n’a jamais été bien puissante, sauf sous les Troisième et Quatrième Républiques.

     

    L’erreur majeure, c’est le quinquennat. Faire coïncider (depuis 2002) le temps parlementaire avec le temps présidentiel, c’est arracher aux élections législatives leur vie propre, soit l’addition de 577 combats locaux, un par circonscription. Au lieu de cela, on commence par élire le Président (en mai, tous les cinq ans), puis, en juin, on lui donne les moyens de gouverner. Evidemment qu’on ne va pas le désavouer en plein état de grâce, un mois après l’avoir élu ! Du coup, la législative n’est plus que la confirmation d’une élection monarchique, autour de laquelle tout s’articule. On élit M. Macron, on estime qu’il faut lui donner sa chance, et du coup on compose, pour le servir, une Chambre de groupies, à ses ordres.

     

    Ça n’est pas pour parvenir à cela que s’est forgée, lors de la Révolution française, la représentation nationale. Pas pour confirmer sagement les édits de l’exécutif ! Une bonne Assemblée doit avoir son existence propre, sa logique, elle ne doit rien devoir à l’exécutif. Elle est là, au contraire, pour le contrôler, le rappeler à l’ordre s’il dérape, au besoin le censurer. Il est sain qu’elle entretienne avec lui un rapport tendu. Voire conflictuel : de cette dialectique peuvent jaillir des étincelles favorables à l’intérêt supérieur du pays. Toutes choses, hélas, qui feront défaut à la France dans les cinq ans qui viennent. Du coup, la Chambre étant aux ordres, l’opposition, les colères, les ruminations se déplaceront dans la rue.

     

    Dès cet automne, les choses sérieuses vont commencer avec la réforme de la loi sur le travail, et vous verrez, l’état de béatitude du présent printemps sera vite oublié. Les vraies fractures de la société française resurgiront, les onze millions d’électeurs du Front National, aussi. Sans compter l’équivalent, côté gauche radicale. Alors, on commencera à réaliser à quel point l’opération Macron aura, dès le début, fait office de tour de magie et d’illusions. Mais il sera trop tard. Il faudra aller jusqu’au bout de la législature. Cinq ans, c’est parfois très long.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Union de la gauche : espoir ou chimère ?

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    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 07.06.17

     

    Le Front populaire : l’image est puissante, la référence historique est éloquente. Cet appel aux élections du printemps 1936, et à la victoire de Léon Blum, l’un des moments forts de la vie politique française au vingtième siècle, c’est sous la plume de Thierry Apothéloz qu’on a pu le découvrir. Dans une lettre ouverte aux militants socialistes, publiée sur son blog, lundi 29 mai. Un texte fort, dont l’auteur se conduit comme un chef, celui qui inspire la manœuvre, et, au passage, ne serait pas fâché de la diriger lui-même. Un texte où le candidat au Conseil d’Etat montre qu’il a le sens de l’Histoire, du recul, de la vision, de la stratégie. De quoi contenter ses admirateurs, et… nourrir à mort les jalousies de ses rivaux ! Un texte, surtout, où le bouillant conseiller administratif de Vernier appelle les gauches genevoises à l’unité, dès le premier tour, en vue de l’élection du printemps 2018 au Conseil d’Etat. Bref, le manifeste Apothéloz fait jaser. Exactement ce que voulait l’auteur.

     

    Le Verniolan n’a peur de rien. Alors que fleurissent les candidatures à gauche, et que nulle discussion officielle ne s’est encore déroulée entre les trois grandes composantes (socialistes, Verts, Ensemble à Gauche), le voilà, seul et sûr de lui, qui sonne la charge de l’unité. La victoire du Front populaire, en 1936, était celle d’une alliance entre trois partis : les radicaux, les socialistes (SFIO), les communistes. Elle a permis de grandes choses, dont la plus connue est évidemment les Congés payés, permettant, dès l’été 36, à des centaines de milliers de travailleurs français, qui n’avaient jamais vu la mer, de partir en vacances. C’est dire la puissance d’impact de l’évocation. Dès lors, demande Apothéloz, pourquoi pas à Genève ? Présentées comme cela, les choses ont l’air toutes simples. La réalité est un peu plus complexe.

     

    D’abord, rien ne dit que toutes les composantes de la gauche partagent ce rêve unitaire. Succédant à l’auteur de l’idée dans l’émission « Les Yeux dans les Yeux », les deux candidats de Solidarités à l’investiture, Jocelyne Haller puis Pablo Cruchon, ont remis les pendules à l’heure. La première, en rappelant qu’une alliance, en politique, devait s’articuler autour du sens, ce qui semble fort difficile à contredire. Du côté des Verts, qui alignent trois candidats (Marjorie de Chastonay, Yvan Rochat et le sortant Antonio Hodgers), quelle sera la stratégie ? Mais surtout, que pensent les deux colistières socialistes du flamboyant unitaire, Sandrine Salerno et Anne Emery-Torracinta, sortante ? Au fond d’elles-mêmes, sont-elles si joyeuses de voir leur cher camarade jouer en solo dans l’ordre de la tactique ? Bref, rien n’est réglé ! D’autant que le rapport de forces entre la droite et la gauche, si l’on devait reporter sur 2018 celui d’aujourd’hui, ne laisse guère envisager pléthore d’élus de gauche au Conseil d’Etat ! En attendant, un homme a montré son aptitude à la manœuvre : saluons-le, reconnaissons-lui audace et clairvoyance. Pour la suite, qui vivra, verra.

     

    Pascal Décaillet