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Commentaires GHI - Page 193

  • France : l'équation s'éclaircit !

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    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 26.04.17

     

    En politique comme en algèbre, il y a des moments devenus tellement complexes qu’il convient de simplifier l’équation. Juste pour y voir clair. Poser les enjeux de façon lisible. Permettre à chaque citoyenne, chaque citoyen, de se forger une opinion sans pour autant devoir pondre une thèse en Sorbonne. C’est ce qu’a fait, ce dimanche 23 avril, le corps électoral français. Non seulement il nous a sélectionné deux finalistes, ce qui était le but de l’exercice. Mais à la réflexion, toutes déceptions laissées en chemin, toute nostalgie bue et digérée, il a fait plus que cela : il se propose à lui-même de retourner dans les urnes, dans deux semaines, avec un binôme parfaitement antagoniste. Deux candidats que tout oppose. Et c’est très bien ainsi : c’est de la dialectique de confrontation, y compris douloureuse, vive, sonore, que procède la démocratie. Et non de combinazione silencieuses, entre clercs. Rien de pire que deux finalistes qui se ressemblent : les « blancs bonnets, bonnets blancs », formule choc et géniale du vieux communiste Jacques Duclos pour qualifier Georges Pompidou et Alain Poher, retenus au deuxième tour en juin 1969.

     

    Là au moins, entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron, les choses sont claires. Ces deux candidats ne sont d’accord sur rien. Ils divergent, de façon diamétrale, sur la notion de la souveraineté nationale française. Mais aussi, sur la continuation de l’intégration du pays à l’Union européenne, dont la France fut, dès 1957, l’un des membres fondateurs. Mais encore, sur l’opportunité de garder l’euro. Sur l’existence même d’une supranationalité européenne. Sur les rapports avec les Etats-Unis d’Amérique. Avec l’OTAN. Avec la Russie de M. Poutine. Avec l’Allemagne de Mme Merkel. Sur la nécessité d’un ordre multilatéral du monde, celui qu’incarnent toutes les organisations internationales sises à Genève. Sur l’Ukraine. Sur la Syrie. Sur le protectionnisme. Sur le libre-échange des marchandises. Sur la libre-circulation des personnes. Sur la notion de frontière. Sur le contrôle des flux migratoires. Sur l’ensemble des questions économiques. Sur le rôle de l’Etat. Sur la fonction publique. Sur l’interventionnisme dans l’économie. Sur l’émergence, en France, d’une forme de démocratie directe. Sur le rôle des places financières mondiales. Sur les rapports entre finance et industrie. Sur la question agricole, dans un pays où, hélas, des paysans en viennent à se suicider. Je n’ai pris, ici, que quelques exemples.

     

    Entre ces deux France, les électeurs trancheront. Pour la première fois depuis le suffrage universel, décidé en 1962, appliqué dès 1965, ils auront à choisir entre deux candidats n’émanant ni l’un ni l’autre des grands partis antagonistes de la Cinquième. Mais d’une formation profondément protestataire, et, en face, d’un parti créé tout récemment ! C’est une donne totalement nouvelle, comme aux cartes après le brassage. Les fronts, enfin, sont d’une clarté cristalline. Une nouvelle géographie politique est en train de naître en France, jetant les anciens repères, ceux qui nous guidaient depuis 1958, aux orties. Passionnant pays !

     

    Pascal Décaillet

     

  • L'incroyable machine à fabriquer des rêves

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    Commentaire publié dans GHI - 19.04.17

     

    Par métier, je suis un spécialiste de la politique suisse, et bien sûr aussi genevoise. Mais comme un sacré nombre d’entre nous, la politique française me passionne. A chaque présidentielle, je me laisse prendre. Les débats, je les regarde, juste après avoir mené les miens, sur Léman Bleu. J’aime la politique française, parce que j’aime la France, tout court. Son Histoire, qui m’occupe depuis plus d’un demi-siècle, oui j’ai commencé très tôt. Sa littérature. Ses paysages, si beaux, si variés. La continuité de cette Histoire, depuis des siècles, me fascine. Tout comme l’Histoire allemande. Ou… l’Histoire suisse !

     

    Enfant, j’étais l’un des seuls du quartier dont la famille avait la TV. Nous n’avions, en ce début des années soixante, que deux chaînes : « La France » et « La Suisse » ! Alors, nous regardions de Gaulle, ses numéros exceptionnels, ses jeux de voix, sa gestuelle, c’était impressionnant. Mon premier souvenir électoral est la présidentielle de décembre 1965, première du genre au suffrage universel. De Lecanuet à Tixier-Vignancour, une galerie extraordinaire de personnages. Au second tour, de Gaulle « face » à Mitterrand : les deux plus grandes figures de la Cinquième République ! Hélas, nulle rencontre entre les deux  : nous eussions eu là, entre ces deux hommes qui se connaissaient depuis leur rencontre d’Alger en 1943, le débat du millénaire.

     

    C’est le 28 octobre 1962, sur proposition de Charles de Gaulle et contre l’avis d’une bonne partie de la classe politique, que les Français, par 62,25% des votants, ont accepté par référendum le principe de l’élection du Président de la République au suffrage universel. Trois ans et deux mois plus tard, premier test grandeur nature, dont je parle plus haut. C’est une incroyable machine à fabriquer des rois, à sécréter des rêves. Tous les sept ans (et, depuis 2002, tous les cinq ans), nos voisins peuvent s’imaginer qu’ils vont pouvoir, par la grâce d’un homme ou d’une femme, réinventer la vie. Il y a un sacre, un état de grâce, puis assez vite le scepticisme, puis la lassitude, et souvent à la fin le rejet. Celui de Giscard, en 1981, avait été d’une rare cruauté, que je juge aujourd’hui, avec le recul, imméritée.

     

    Une machine à propulser des songes. Comme si le choix d’une seule personne pouvait amener à la Révolution des consciences. Il y en eut, des hommes providentiels, dans l’Histoire de France : Bonaparte à son retour d’Egypte (1799), Pétain en 1940, de Gaulle en 1944, puis en 1958, Mitterrand en 1981. Et cette fois, qui ? Franchement je n’en sais rien ! Nous verrons bien. Mais une chose est sûre : même s’il est très à la mode de parler d’une « Sixième République », on pourrait peut-être commencer par rendre hommage à l’extraordinaire solidité de la Cinquième. Née d’un homme d’exception, elle fêtera l’an prochain ses soixante ans. Et se place nettement deuxième, en longévité, derrière la Troisième République (1870-1940). Jusqu’à nouvel ordre, elle fonctionne : après tout, nos amis français ont le choix entre plusieurs candidats, qui s’affrontent. Ils en choisiront un, ou une. Bref, la machine fonctionne. On est encore assez loin de la crise de régime.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Six personnages en quête de hauteur

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    Portrait-commentaire - Publié dans GHI - 12.04.17

     

    A un an des élections cantonales, il y a des partis qui donnent l’impression de se porter mieux que d’autres. C’est peut-être le printemps qui déclenche ce sentiment, l’approche de Pâques, le bourgeonnement des ambitions. Ainsi, le parti socialiste genevois. Qui nous aligne fièrement six candidats – à la candidature – pour le Conseil d’État 2018-2023. Samedi 13 mai, à Lancy, le parti choisira, parmi ces six, son ticket officiel. Et sera, un an avant l’échéance, en ordre de bataille. Tous les partis genevois ne peuvent en dire autant. Une réalité s’impose : ce sextuor est remarquable. Et témoigne de la nouvelle vitalité du parti, après des années austères, grisâtres, moralisantes, ennuyeuses. Allez, on les recense ! Un bref mot pour chacun.

     

    D’abord, la sortante. Anne Emery-Torracinta, sans avoir l’éclat de Jules Ferry, a bien géré son Département de l’Instruction publique. Disons, tout au moins, qu’à ce jour, le Mammouth n’a pas connu, sous son règne, de couac irrévocable, de nature à disqualifier la ministre pour un nouveau mandat. Elle est donc légitimée à se représenter, ce qui n’est en rien une garantie de réélection. Elle devra se battre, y compris à l’interne du parti, où les dagues sont affûtées, ainsi va la politique.

     

    Présidente en du parti exercice (l’intérim est juste exercé, le temps de cette campagne interne, par l’excellent Gérard Deshusses), Carole-Anne Kast, conseillère administrative d’Onex, frappe par sa compétence, son intelligence, sa culture politique, mais son ton parfois cassant fait peur à un électorat non-socialiste qui voit scintiller un lumineux couteau entre ses dents. Comme un rappel de la Grève générale de 1918, qui avait tant traumatisé la bourgeoisie suisse ?

     

    Conseillère administrative de la Ville de Genève depuis dix ans, Sandrine Salerno rayonne. Elle aime à rappeler, en passant, que la gestion financière de la Ville a été qualifiée « d’étincelante » par des experts. Elle aussi connaît les dossiers, sait tricoter des majorités, c’est une politicienne née, elle sait où elle va.

     

    Du côté des Messieurs, il faut saluer l’infatigable action militante de Thierry Apothéloz, depuis des années à la Mairie de Vernier, quatrième Ville de Suisse romande. Un spécialiste de l’action sociale, connaisseur des quartiers difficiles, un vrai socialiste, l’anti-Caviar.

     

    Conseiller national depuis 2003, Carlo Sommaruga pourra se prévaloir de sa longue expérience bernoise, et de sa connaissance (comme Mme Kast) des dossiers immobiliers, comme président de l’ASLOCA. Revendiquer ses années bernoises peut conduire au succès (Christophe Darbellay), mais ne le garantit en aucune manière (Stéphane Rossini).

     

    Enfin, Romain de Sainte Marie, actuel chef de groupe, ancien président du parti, homme compétent et toujours affable, politicien doté d’un flair hors-normes, aura, un jour ou l’autre, un destin politique signalé. Il est imaginatif, tourné vers l’avenir. Et sa bonhommie rappelle celle d’une figure immense et tutélaire du parti socialiste genevois, que j’eus l’honneur de connaître, celle d’André Chavanne. Rendez-vous à Lancy. Ou ailleurs. Ce 13 mai. Ou plus tard.

     

    Pascal Décaillet