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Commentaires GHI - Page 197

  • Pour une Economie nationale

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    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 22.02.17

     

    Impossible de ne pas revenir, cette semaine encore, sur le choc constitué par le refus par trois Suisses sur cinq (59,1%), dimanche 12 février, de RIE III, la réforme de l’imposition des entreprises. Comme déjà dit la semaine dernière, les citoyens n’ont pas dit non à un taux d’imposition unifié, mais à l’arrogance de ceux qui leur hurlaient, sous peine de mort clinique du pays, de voter oui. Maintenant, c’est non, sans appel, il faut en prendre acte, et surtout viser l’avenir : au-delà de savoir à quel taux il faut taxer les multinationales, nous devons surtout définir ensemble la forme d’économie que nous voulons pour le pays. Car l’économie, ça n’est pas l’affaire des seuls patrons, mais la nôtre à tous. Je plaide ici pour qu’elle soit au service de l’humain, de son épanouissement. Je plaide, surtout, pour le retour en force, par la grande porte, d’un concept jugé ringard par les années de mondialisation et d’argent facile : celui d’Economie nationale.

     

    Depuis une vingtaine d’années, sur l’autel du libéralisme, on a sacrifié l’idée que l’économie était l’une des forces vives – et pas la moindre – de la nation. On s’est pris à rêver d’un Casino mondialisé, une sorte de Jérusalem Céleste du profit, qui transcenderait les communautés humaines, se rirait des frontières. Aujourd’hui, en Suisse comme ailleurs, nous en revenons. Dans l’histoire de RIE III, la fureur du grand patronat et de leurs affidés libéraux à nous mettre le pistolet sur la tempe a montré une chose : l’importance démesurée prise dans quelques cantons, comme Genève et Vaud, par les multinationales. Il ne s’agit pas d’instruire le procès de ces dernières, qui ont bien voulu s’établir chez nous, et comptent pour beaucoup dans notre manne fiscale. Mais il s’agit sans doute de construire, pour notre pays, un avenir économique où, progressivement, nous devenions moins dépendants de ces superstructures volatiles, qui peuvent délocaliser quand elles veulent.

     

    Cela passe par une absolue priorité à nos PME, qui constituent les neuf dixièmes de notre tissu économique suisse. Encourager l’entreprise locale, de proximité, celle qui sert l’intérêt direct de la population, engage en priorité les résidents, tisse un réseau de solidarité entre les habitants de notre pays. Bref, l’impérieuse nécessité d’une politique de la petite et moyenne entreprise, en lien avec la formation, l’apprentissage, donc les pouvoirs publics, s’impose. Si nos PME, à Genève, avaient été plus fortes, mieux soutenues, moins dépendantes (par sous-traitance) des multinationales, le débat sur RIE III n’aurait pas atteint cette flamme passionnelle qui a fini par le dévoyer. Et, peut-être, notre canton, qui ne l’a refusé qu’à 52,3%, aurait-il accepté le projet. Je n’ai pas parlé ici de l’agriculture, affaire nationale par excellence, donc à protéger à tout prix de la sauvagerie de la concurrence mondiale. J’ai juste évoqué l’idée, qui m’est si chère, d’une économie au service de tous. Une économie pour la population. Une économie nationale.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Voir clair

     

    Commentaire publié dans GHI - 08.02.17

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    Lorsque je vote pour un homme ou une femme politique, candidat à une charge publique, la seule question que je me pose est : « Cette personne est-elle compétente pour le poste ? ». Par « compétence », on entendra « solide, visionnaire, prospective, inventive, novatrice, capable de fédérer, etc. ».

     

    C’est la seule, l’unique question qui compte. La vie privée de la personne ne m’intéresse pas. Ni même sa moralité. Il ne s’agit évidemment pas d’élire des crapules, mais, pour ma part, je ne demande pas aux candidats la perfection. Il suffit de regarder l’Histoire : les plus grands hommes sont truffés de défauts, la part de l’obscur y est souvent immense, c’est ainsi.

     

    L’essentiel, pour moi, n’est pas de savoir si tel ou tel chef d’Etat, ou de gouvernement, ou ministre, est moralement immaculé, je diffère en cela de mes amis américains, avec lesquels je m’en entretiens souvent. Non, l’essentiel est l’aptitude à la fonction.

     

    C’est pourquoi je ne parle jamais des « affaires ». La plus grande sévérité, en revanche, s’impose, chez les observateurs, lorsqu’il s’agit de juger de la pertinence de l’action publique, la réussite ou l’échec d’une politique, la capacité à embrasser les enjeux d’une époque, s’imposer face au poids de l’administration, voir clair, comme dans la bataille.

     

    Voir clair, oui : tellement plus important qu’être moralement parfait. Comme si la perfection était de ce monde. Et comme si la morale était pertinente en politique.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Un homme d'honneur quitte Champ-Dollon

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    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 08.02.17

     

    Il est assez rare, quand on interroge un enfant dans une cour d’école, sur le métier de ses rêves, qu’il vous sorte : « Je veux être directeur de prison ». Fonction réputée ingrate, difficile, cadre de travail pas franchement rigolo, énormes tensions à gérer, avec les détenus, le personnel, l’autorité politique, l’opinion publique. Bref, les gens reconnaissent qu’il faut bien quelqu’un pour diriger les prisons, mais en tout cas pas eux. Il existe pourtant un homme, à Genève, qui, pendant neuf ans, a assumé cette fonction avec ascèse, intelligence, connaissance du terrain, humanisme. Il s’appelle Constantin Franziskakis. Un remarquable serviteur de l’Etat, apprécié à l’interne, appelé par Pierre Maudet à exercer de nouvelles fonctions, au Secrétariat général du Département. Aspiration vers le haut qui ressemble à une promotion, mais peut, tout autant, être interprétée comme une mise à l’écart du terrain, un placard.

     

    J’ai la chance de connaître un peu M. Franziskakis. Je veux d’abord saluer l’homme de culture et d’ouverture, passionné d’Histoire, celle de la Méditerranée comme celle des deux Guerres mondiales. Il y a, chez cet homme, une connaissance du tragique et une passion du sacrifice collectif, qui l’amène à se passionner pour les cimetières militaires, les lieux de mémoire (dont parle si admirablement l’historien Pierre Nora), les fragiles reliques de ce qui emporta le vingtième siècle, des plaines de Pologne à la ligne bleue des Vosges. C’est dans ce cadre, je crois, que le directeur de Champ-Dollon place la mission qui lui est confiée : service de l’Etat, là où on l’appelle, y compris dans le champ pénitentiaire, vers lequel les vocations ne se précipitent pas.

     

    A part une visite à un ami objecteur en 1983, je n’ai jamais mis les pieds dans une prison. Mais nous pouvons imaginer la dureté de cet environnement, pour tous : les détenus évidemment, mais aussi les gardiens, dont il faut saluer l’engagement et le dévouement, le personnel administratif, infirmier, etc. Un monde à part, avec sa logique, que le directeur sortant connaît admirablement. Imaginez les neuf années dans lesquelles il a accompli sa mission : pics de surpopulation, tensions entre ethnies, personnel parfois épuisé. C’est presque un miracle, dans ces conditions, que le plus grave ne se soit pas produit. La personnalité du directeur, entre autres facteurs, y a joué un rôle. C’est cela qui compte, cette fibre humaine, ces antennes, bien plus que les relations difficiles avec la hiérarchie, celle qui chapeaute le monde carcéral genevois. Nous sommes dans un secteur tellement fragile, délicat, que la psychologie y tient une place immense. Elle n’exclut pas la fermeté, mais réduit l’arbitraire, tente de placer l’humain au centre.

     

    Evacué vers le haut, Constantin Franziskakis s’occupera, entre autres, de la radicalisation et de l’extrémisme violent. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il demeurera dans l’actualité la plus brûlante de nos sociétés. Je souhaite bonne chance à cet homme d’honneur, et espère vivement que Champ-Dollon demeurera un lieu où la dimension humaine sera prise en compte.

     

    Pascal Décaillet