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  • La parole au peuple !

     

    Sur le vif - Lundi 20.08.18 - 05.52h

     

    La force du système politique suisse, avec la démocratie directe, c'est le primat des idées sur les personnes.

     

    Une initiative, que nous amène-t-elle ? Un thème ! Elle l'exhume de l'indifférence de la classe politique, l'impose au public, charrie pendant des mois un vaste débat national. Chaque citoyenne, chaque citoyen se sent concerné, donne son opinion, argumente. La Suisse, communément, de Chancy à Romanshorn, fédère ses énergies en débattant d'un même sujet. En cela, l'initiative populaire écrit, chaque fois, une page de l'Histoire politique de notre pays. Une page originale, qui appartient au corps électoral entier, et pas seulement aux élus.

     

    Dans les élections, nous parlons des personnes. Le centre du débat, ce sont des hommes et des femmes. Pouvons-nous, ou non, leur faire confiance ? On montre leurs visages, sur des affiches. On les choisit, ou non.

     

    La politique, ce sont ces deux dimensions-là, les idées et les personnes. Comme des abscisses et des ordonnées.

     

    Devant l'Histoire, lorsque l'on considère, avec recul, les mouvements de fond, ce sont les idées qui demeurent, même si les biographies des grands acteurs sont souvent captivantes.

     

    La démocratie directe place les idées au centre de tout. Alors que certains de nos grands voisins, comme hélas la France, ne convoquent le peuple aux urnes que pour choisir des personnes. Quand, exceptionnellement, on donne au suffrage universel l'occasion de s'exprimer par référendum, comme en mai 2005 sur le Traité européen, on s'arrange pour ne pas l'écouter.

     

    Ce qui, trois fois hélas, fut aussi commis en Suisse, dans l'application du 9 février 2014.

     

    La démocratie directe suisse est le fleuron le plus noble de notre système politique. On ne doit la toucher que pour augmenter sa marge d'action. Plus le corps électoral empoigne les vastes sujets qui déterminent le destin national, plus solide et ancrée sera la légitimité des décisions.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Le grec et l'allemand, soeurs souveraines

     

    Sur le vif - Dimanche 19.08.18 - 18.43h

     

    La puissance du Romantisme allemand, époustouflante, indéracinable, est de surgir, non d'une lumière céleste, mais des entrailles de la terre.

     

    Un bosquet. Une source. Le Neckar ou le Rhin, perçus chez Hölderlin comme des divinités. La force d'aimantation du micro-local, comme dans l'infinie variété des cultes de la Grèce ancienne. Ou chez les Étrusques.

     

    Dans ce polythéisme, nulle aspiration à l'universel. À chaque lieu, son culte. Le contraire même des Lumières, cette Aufklärung trop démonstrative et rationnelle, trop géométrique, à laquelle le Sturm und Drang, puis le Romantisme, réagissent si vivement.

     

    Cette fascination pour le particulier, les racines, le feu, la terre et l'eau, vous la retrouverez aussi dans l'immense aventure intellectuelle des Frères Grimm, notamment leur extraordinaire Dictionnaire de la langue allemande, qui réhabilite l'infinie variété dialectologique du monde germanophone. Autre point commun avec la langue grecque, à l'époque antique.

     

    Celui qui aspire à saisir le fil invisible (le Ring ?) de l'Histoire allemande, doit passer par l'étude de l'évolution de la langue allemande elle-même, de la traduction de la Bible par Martin Luther, en 1522, cet acte exceptionnel d'intelligence et d'affranchissement, jusqu'aux chansons de Brecht et Kurt Weill, aux monologues de Christa Wolf et Heiner Müller.

     

    Chez tous ces auteurs, la même fascination pour une matrice : la langue grecque. La grande sœur, sans doute, de la langue allemande.

     

    Le grec et l'allemand, sœurs souveraines, indissociables, liées l'une à l'autre. Comme créées, engendrées même, l'une pour l'autre.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Mme Merkel et le paravent européen

     

    Sur le vif - Dimanche 19.08.18 - 10.03h

     

    Dans l'affaire ukrainienne, depuis le début, Angela Merkel ne mène absolument pas une "politique européenne", comme elle le revendique, mais elle défend les intérêts supérieurs de l'Allemagne.

     

    Extension de l'influence (économique, notamment) sur les Marches de l'Est, dans un corridor de pénétration parfaitement traçable, en exploitant (comme toujours) les inimitiés naturelles à la Russie. Cela, il y a trois quarts de siècle, se fit, "par d'autres moyens", pour reprendre l'expression si juste de Bismarck.

     

    Que la Chancelière allemande défende les intérêts stratégiques de l'Allemagne, à première vue, on pourrait dire : "Après tout, elle est là pour ça". Le problème, c'est qu'elle avance masquée, exactement comme Helmut Kohl, dans les années 90, dans les guerres balkaniques. Elle ne dit pas : "Je mène à l'Est une politique allemande" (je me refuse à utiliser le concept d'Ostpolitik, autrement plus subtil, celui de l'immense Chancelier Willy Brandt). Non, elle ose dire "Je fais tout cela au nom de l'Europe". Et c'est là, oui dans cette duperie intellectuelle et sophistique, l'autre grand scandale (avec l'affaire des migrants en 2015) de l'ère Merkel.

     

    Depuis Helmut Kohl et les Balkans (1991-1999), l'Allemagne, sur la scène de l'Europe centrale et orientale, utilise éhontément le paravent européen, le prétexte multilatéral, pour camoufler la réalité de la reconquête d'influences économiques et stratégiques dans des zones parfaitement identifiables dans la continuité de sa politique d'expansion, lancée sous le grand Roi de Prusse Frédéric II (1740-1786), dont la vie et l’œuvre devraient être enseignées obligatoirement dans nos écoles, tellement elles sont fondatrices pour comprendre la suite.

     

    L'Allemagne joue sa carte nationale, et nul ne semble s'en émouvoir. Parce que le paravent européen est là pour nous aveugler. Associé à celui de l'OTAN. Bref, le camp du Bien, les gentils. Face aux méchants Russes. Mme Merkel devrait pourtant se méfier de cette politique sournoise. Parce que les Américains ne sont peut-être plus pour longtemps sur un continent européen où ils ont pris pied en 1943 (Italie) et 1944 (Normandie). Et aussi, parce que son paravent européen, criblé de trous, menace de s'effondrer de toutes parts. Le jour où cette construction du mensonge se pulvérisera, la réalité, bien tangible, des intérêts nationaux, laissera, face à face, deux présences stratégiques réelles en Europe. Celle de l'Allemagne. Et celle de la Russie.

     

    Pascal Décaillet