Sur le vif - Dimanche 19.08.18 - 18.43h
La puissance du Romantisme allemand, époustouflante, indéracinable, est de surgir, non d'une lumière céleste, mais des entrailles de la terre.
Un bosquet. Une source. Le Neckar ou le Rhin, perçus chez Hölderlin comme des divinités. La force d'aimantation du micro-local, comme dans l'infinie variété des cultes de la Grèce ancienne. Ou chez les Étrusques.
Dans ce polythéisme, nulle aspiration à l'universel. À chaque lieu, son culte. Le contraire même des Lumières, cette Aufklärung trop démonstrative et rationnelle, trop géométrique, à laquelle le Sturm und Drang, puis le Romantisme, réagissent si vivement.
Cette fascination pour le particulier, les racines, le feu, la terre et l'eau, vous la retrouverez aussi dans l'immense aventure intellectuelle des Frères Grimm, notamment leur extraordinaire Dictionnaire de la langue allemande, qui réhabilite l'infinie variété dialectologique du monde germanophone. Autre point commun avec la langue grecque, à l'époque antique.
Celui qui aspire à saisir le fil invisible (le Ring ?) de l'Histoire allemande, doit passer par l'étude de l'évolution de la langue allemande elle-même, de la traduction de la Bible par Martin Luther, en 1522, cet acte exceptionnel d'intelligence et d'affranchissement, jusqu'aux chansons de Brecht et Kurt Weill, aux monologues de Christa Wolf et Heiner Müller.
Chez tous ces auteurs, la même fascination pour une matrice : la langue grecque. La grande sœur, sans doute, de la langue allemande.
Le grec et l'allemand, sœurs souveraines, indissociables, liées l'une à l'autre. Comme créées, engendrées même, l'une pour l'autre.
Pascal Décaillet