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  • Liberté de la presse : les fausses pleureuses

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    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 08.03.17

     

    En pleurant, à n’en plus finir, la disparition d’un hebdomadaire, en craignant comme la peste celle d’un quotidien, en répétant à l’envi que « la diversité de la presse en Suisse romande est menacée », que nous révèlent les accents de Requiem et les trémolos de ces voix d’Apocalypse ? Une véritable sensibilité à la pluralité des opinions, dans notre coin de pays ? Ou plutôt, la peur de voir s’évanouir ceux qui furent si longtemps les relais de leurs points de vue ? Ici, un centre-gauche européiste, né de Mai 68, libertaire dans les affaires de société, plutôt libéral, tendance Blair ou Schröder, dans les choix économiques. Là, un centre-droit, également libéral, libre-échangiste, en pâmoison face à l’organisation multilatérale du monde, avec ses armées de journalistes formés à HEI, cette matrice située à quelques mètres du siège mondial de l’OMC, quelques centaines de mètres de l’ONU.

     

    Parlons sérieusement. Pour l’immense majorité des gens, un « bon journal », c’est un journal qui pense comme eux. Un « mauvais journal », c’est celui qui leur dit ce qu’ils n’ont pas envie d’entendre. Ils ont évidemment tort, mais c’est ainsi. A vrai dire, il faut déjà une certaine évolution, une certaine connaissance du métier, pour arriver à faire la part des choses, juger en fonction d’une bienfacture, un niveau de professionnalisme, plutôt que du diapason avec ses idées, à soi. Dans ces conditions, rien de pire, dans la vie d’un journaliste, que le paternalisme des politiques, de droite ou de gauche, qui vous veulent du bien. C’est la pire des choses ! Bien pire, encore, que ceux, au moins francs du collier, qui cherchent par tous les moyens à avoir votre peau. Tous ces esprits protecteurs, providentiels, qui surgissent au lendemain de la fermeture d’un titre, déjà suffisamment triste comme cela, pour vous promettre une improbable résurrection, ou réclamer d’urgence une « aide à la presse, de la part des pouvoirs publics ».

     

    Ces belles âmes, si pures, eussent-elles fait preuve du même empressement, pour aider à naître  - ou empêcher de mourir - un journal d’extrême gauche, ou alors de la droite conservatrice, anti-libérale, protectionniste, régulatrice des flux migratoires ? La réponse, évidemment, est non. Ce que veulent conserver ces chers politiciens, c’est la caisse de résonance, pour leurs idées à eux, que peut constituer un titre, une antenne, un site. Ils ne s’intéressent qu’à cela. Ce qu’ils appellent « pluralité », c’est la défense de leurs idées, à eux. Dès que vous déboulez avec une autre vision, ils entreprennent toutes choses pour vous réduire au silence. Les mêmes, qui ne jurent que par la « diversité », se révèlent, à la première occasion, les pires censeurs. Je ne leur accorde, pour ma part, aucune confiance. Je préfère encore le rapport de vie et de mort, assez sain finalement, et en tout cas conforme à mon éthique de la guerre, qu’entretiennent de bons vieux ennemis. Allons, selon l’adage, combattre nos adversaires. Mais par pitié, qu’on nous nous protège des fausses pleureuses. Qu’on nous épargne la sollicitude de nos « amis ».

     

    Pascal Décaillet

     

  • Non aux obsédés du marché !

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    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 01.03.17

     

    Pourquoi refusent-ils d’admettre, simplement, qu’ils se sont trompés ? Il y a dix, quinze, vingt ans, ils n’en pouvaient plus de nous administrer la leçon sur les vertus incomparables de l’échange. Libre circulation des personnes, des capitaux, des marchandises. Négociations multilatérales d’accords commerciaux, sous le haut arbitrage de l’OMC (Organisation mondiale du Commerce, siège mondial à Genève). Disparition des frontières physiques. Abolition des taxes douanières. Liquéfaction progressive des Etats et des nations, pour se fondre dans d’immenses conglomérats, comme l’Union européenne, ayant la taille du continent, pouvant ainsi « rivaliser avec la Chine ». Pour y parvenir, délégation de souveraineté des nations à ces grands ensembles. Il fallait penser grand, global, continental, planétaire.

     

    Le moins qu’on puisse dire est qu’on est revenu de cette idéologie. Les nations ne sont pas mortes. Les frontières sont vivement souhaitées par les peuples, demandeurs de contrôles beaucoup plus importants. La régulation des flux migratoires (qui n’est pas une fermeture des frontières) est, de plus en plus, exigée par la base. Les thèmes de la préférence nationale (ou, en Suisse, cantonale) ne sont plus du tout de l’ordre du tabou. L’idée, totalement vilipendée pendant les années 1990 et 2000, de protectionnisme, avance à grands pas. En matière agricole, où le niveau de vie des paysans atteint hélas des seuils catastrophiques, elle apparaît même comme une évidence. Bref, un peu partout dans nos pays, Suisse, France, Angleterre, sonne la fin d’une ère. Peut-être pas du libéralisme, grand mouvement de pensée politique, né des Lumières, parfaitement respectable. Non : plutôt la fin de l’acception « ultra » du terme, cette vague née des années 80, qui prétendait tout emporter sur son passage, pour le seul culte du libre-échange et du profit.

     

    Personne ne nie les vertus de l’échange. Le problème, c’est qu’au lieu de le tenir pour ce qu’il est, un moyen d’action, on l’a purement et simplement sanctifié. Jusqu’à favoriser exagérément, dans la politique économique suisse, le commerce extérieur par rapport, notamment, à l’agriculture. On a tout misé sur les uns, quitte à laisser tomber les autres. Car enfin, à quoi riment les paiements directs, s’ils ne s’inscrivent pas dans une volonté politique affirmée de promouvoir nos terroirs, nos produits, notre agriculture ? Pour suivre depuis plus de trente ans le dossier agricole, l’avoir couvert déjà du temps de Delamuraz, je puis affirmer que la Suisse, aujourd’hui, n’a plus de vision claire, offensive, dans ce domaine.

     

    De quoi avons-nous besoin ? De quoi, si ce n’est de nous sentir, ensemble, dans des réseaux de solidarités. En allemand, cela porte un beau nom : « Gemeinschaft », « communauté ». Cette intimité du lien entre les humains d’un même lieu, le libéralisme ultra, avec son exaltation de l’échange, et ses rêves mondialisés, a bien failli la casser. A nous de la reconstruire. La politique est une affaire d’hommes et de femmes, unis dans la citoyenneté. Ne la laissons pas aux obsédés du marché.

     

    Pascal Décaillet

     

  • L'homme qui a osé toucher au dogme

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    Sur le vif - Vendredi 03.03.17 - 15.45h

     

    Depuis des années, ici et ailleurs, dans mes éditos, je plaide contre la libre circulation des personnes. Non pour fermer les frontières, bien entendu, mais pour réguler les flux migratoires. Depuis des années, j’explique les raisons de ma démarche : des vannes trop ouvertes permettent peut-être, dans un premier temps, de faire prospérer une partie de notre économie, mais à terme, c’est le corps social de notre pays qui est blessé, la cohésion atteinte, les équilibres de solidarité, si précieux et si fragiles dans la construction suisse, mis en péril.

     

    Et même ce profit à court terme, réalisé dans les années de vaches grasses, à qui a-t-il été utile ? Hélas, à quelques-uns seulement, qui ne se sont pas empressés de redistribuer les gains réalisés. Les fameuses « mesures d’accompagnement », qui ont permis, il y a quinze ans, d’embarquer une gauche bien naïve dans la folle aventure de la libre circulation, personne n’en a vu la couleur. En tout cas pas les plus défavorisés, les travailleurs précaires, les chômeurs. Au Tessin, à Genève, on a vu émerger des mouvements politiques défendant, à juste titre, l’intérêt des résidents. Au niveau suisse, on a enfin commencé à parler de « préférence nationale ». Mais c’était bien tard.

     

    La leçon première de toute cette affaire, ce sont ces quinze années de surdité volontaire à une douleur montante, de plus en plus exprimée, jamais écoutée. On l’a vu dans la non-application, totalement scandaleuse, de l’initiative du 9 février 2014, par les Chambres fédérales, aggravée par une totale inexistence du Conseil fédéral dans la conduite politique du dossier. Dans cette surdité, cette insensibilité, ce déni de prise en compte du réel, un parti, en Suisse, devra assumer face à l’Histoire une lourde responsabilité : le PLR. Avec lui, certaines organisations patronales, Economie Suisse, mais pas l’USAM, tellement plus proche du petit et moyen entrepreneur, proche de son travail.

     

    C’est dans ces conditions qu’intervient la bombe Benoît Genecand. Ce brillant conseiller national PLR, entré tard en politique, assurément atypique dans son parti, esprit libre et audacieux, explique, dans la Tribune de Genève de ce matin, les raisons de son opposition à la libre circulation des personnes. Dans le parti qui est le sien, c’est une atteinte au dogme. Un peu comme un théologien contestataire allemand, style Hans Küng, qui viendrait tranquillement expliquer au Vatican que, sur telle disposition conciliaire de Nicée ou Latran, ils ont tout faux. Bonjour l’ambiance. Habemus Benedictum. Septimum decimum. Haereticum !

     

    Dans la famille PLR, Benoît Genecand n’est pas seul. D’autres langues, sans tarder, ne manqueront pas de se délier. Non pour se convertir à la Révolution prolétarienne, mais parce qu’elles voient bien l’impasse sociale, donc politique, créée par une application aveugle et dogmatique du principe d’ouverture des frontières. Aussi, parce qu’elles sont inspirées par un vrai respect du suffrage universel, et ne sont pas dupes des gesticulations parlementaires, à Berne, pour accoucher de toutes choses, sauf du respect de la volonté populaire du 9 février 2014. Il y a, croyez-moi, rien qu’au PLR genevois, plusieurs importantes figures qui voient les choses comme cela. Dans les jours qui viennent, elles s’exprimeront.

     

    Surtout, Benoît Genecand a 100% raison d’empoigner le sujet principal, le seul qui vaille. Cessons de tourner en rond, avec les ineffables « contre-projets du Conseil fédéral à l’initiative RASA », ultimes manœuvres où la Berne fédérale touche le fond. Laissons tout cela, et entamons un vaste débat national, en profondeur, en prenant le temps qu’il faudra, sur le seul vrai thème : la libre circulation des personnes. Moi-même, qui y suis opposé, je ne demande qu’une chose : que le peuple et les cantons, le seul souverain de ce pays, tranchent. S’ils la maintiennent, j’en prendrai acte, et respecterai le suffrage. S’ils l’abolissent, j’en serai profondément heureux, pour les équilibres sociaux internes à la Suisse, auxquels je suis si profondément attaché. Notre pays est une petite fleur fragile. Elle s’accommode mal de déferlements. Elle exige une infinie délicatesse pour faire tenir ensemble, dans le respect et la cohésion, ceux qui, maintenant, l’habitent et construisent son destin.

     

    Pascal Décaillet