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  • Euro – Quel Euro ?



    Édito Lausanne FM – Jeudi 12.06.08 – 07.50h



    Le Parc Saint-Jacques, connais pas.

    C’est où, le Parc Saint-Jacques ? Connaissez, vous ? C’est comme Bâle. Personne ne sait où se trouve Bâle. Vous connaissez Bâle ? Moi pas.

    C’est comme la Turquie : vous connaissez la Turquie ? Ah, l’Empire ottoman, oui, la Sublime Porte, Topkapi, la Mosquée bleue, Sainte Sophie. Mais la Turquie, non, je ne vois pas. La Turquie, c’est comme la Suisse à Séville, en 1992, c’est comme la solitude, selon Bécaud : la Turquie, ça n’existe pas.

    C’est comme Alésia. Vous n’allez tout de même pas prétendre que ça existe, Alésia ! Vous y êtes déjà allé, vous à Alésia ? Vous avez déjà entendu parler du FC Alésia ? Et d’abord, c’est quoi, un FC ? C’est quoi, le football ? D’où sortez-vous tous ces mots, Monsieur ?

    C’est comme cette compétition dont tout le monde parle, ces temps, en Suisse et chez les Habsbourg : vous en avez entendu parler, vous ? Moi, pas.

    Il y a bien quelques grappes humaines qui fermentent d’ivresse dionysiaque, treize mille Tchèques, hier à Genève, le Printemps de Prague sur Rhône, sur Arve. Et puis des Portugais, par dizaines de milliers, tout le Portugal, c’est Vasco de Gama qui s’apprête à refaire le tour de l’Afrique. Jamais vu autant. Pourtant, le reste de l’année, ils sont là, aussi. Mais déguisés en non-Portugais. Alors, allez les reconnaître.

    Et puis, il y a des Turcs, aussi, des milliers de Turcs, mais autant dire qu’il n’y a personne, puisque la Turquie n’existe pas.

    Pas très simple, toute cette affaire. Il paraît même, selon certaines sources, qu’il y avait une équipe suisse. Mon excellent collègue Laurent Keller va aller interviewer un nonagénaire nommé Georges Haldas, ce matin, au Mont-sur-Lausanne, passionné de foot et de Résurrection. Pour éviter de trop froisser le cher vieil homme, je vais proposer à Keller d’axer plutôt le propos sur la Résurrection.

    Ah oui, j’y suis : le Parc Saint-Jacques. C’est un grand tombeau vide, non, quelque part au milieu de rien ?

  • Le drapeau – Quel drapeau ?


    Édito Lausanne FM – Mercredi 11.06.08 – 07.50h


    Ils fleurissent, les drapeaux, sur les murs de nos villes. C’est le printemps des fanions et des couleurs : on croirait, sur certaines façades, quelque linge napolitain, à sécher. De l’endroit où j’écris ces lignes, ce matin, j’en aperçois des dizaines : portugais, mais aussi espagnols, turcs, et même tout simplement suisses.

    Il fut un temps où le drapeau était chose sacrée. On retenait sa respiration, on hissait le pavillon, on s’emplissait l’âme de mille choses guerrières, il y avait comme une élévation sacrificielle, en défi au vent. En ce printemps 2008, on arbore le drapeau comme la couleur, au fond, d’une écurie. Quelque chose entre Ferrari et le Palio de Sienne. Ça n’est pas encore  exactement la privatisation de l’identité, mais on est déjà bien loin de l’appel mystique à la nation.

    À voir ces drapeaux suisses et portugais, ou turcs et suisses, se jouxter sur le même balcon, on se dit qu’il y a là quelque chose de fort : l’affirmation que, pour le migrant, les identités, loin de s’annuler, s’ajoutent. Suisse d’origine turque, encore Turc et déjà Suisse : il n’y a là nulle trahison, juste le chemin naturel de celui qui quitte une terre pour aller s’installer dans une autre. Et cette conjugaison des identités est, justement, l’une des richesses majeures de notre pays.

    Car la floraison la plus étonnante, depuis quelques années, ça n’est certainement pas celle des drapeaux pourtugais, ni turcs, ni français. Ce qui frappe le plus, c’est de voir éclore et s’épanouir, sans arrogance ni culpabilité, de façon décomplexée, un certain drapeau rouge à croix blanche qu’on avait longtemps cru réservé aux seuls fenêtres du 1er août. Cela a longtemps été méprisé. On nous avait même dit, en 1992, à Séville, que le pays en question n’existait pas. Cela s’appelle le drapeau suisse.
  • Nidegger, l’homme qui monte



    Édito Lausanne FM – Mardi 10.06.08 – 07.50h


    Ceux qui traitent et connaissent la politique genevoise flairent son émergence depuis pas mal de temps, mais là, d’un coup, c’est la Suisse romande entière qui le découvre : Yves Nidegger, 51 ans, avocat, père de cinq enfants, conseiller national depuis quelques mois, est l’homme qui monte au sein de l’UDC.

    Un homme bien à droite sur le fond, de la ligne blocherienne et s’en réclamant, tenant un discours fort proche de celui des quelques mousquetaires de la garde noire du tribun zurichois. Mais avec une forme, un rapport au verbe, une célérité de neurones, une qualité de répartie réellement à des milliers de lieues marines de ces tonalités prétoriennes pour les uns, ou franchement crotteuses pour d’autres, auxquelles le premier parti de Suisse nous a habitués.

    Yves Nidegger est un homme parfaitement courtois, s’exprimant dans un français d’une rare qualité, avec clarté et précision, ne s’énervant jamais lorsque ses adversaires de gauche le couvrent d’insultes, restant fixé sur l’argument, qu’il aiguise au plus près, laissant l’autre, le socialiste vert de rage, ou le Vert rouge de colère, fulminer tout seul. Déconcertant : n’a-t-il pas été, avant-hier, le premier à faire perdre son latin à tel gourou de grand-messe satirique dominicale ? C’était leur Waterloo : ils attendaient un Fattebert, ce fut Nidegger.

    Yves Nidegger est un homme de culture et d’humour, deux qualités qui n’apparaissent pas en toute première lecture chez ses adversaires de gauche en robe de bure, ayant déserté le terrain de la politique pour investir celui de la morale. Un homme qui reconnaît les défaites sans langue de bois, il l’a fait le dimanche 1er juin. Un homme, enfin, qui connaît ses dossiers par cœur.

    Alors, les gens disent : « Parce qu’il a toutes ses qualités, Nidegger est dangereux ». Mais d’un socialiste qui aurait – hypothèse osée, j’en conviens – toutes les qualités rhétoriques et intellectuelles de la persuasion, on ne dit pas : « Il est dangereux ». Il est tellement plus aisé de faire frémir sur le fascisme putatif de l’homme que de l’affronter, sur la tonalité du logos, argument par argument, sans le diaboliser à chaque minute, dans un débat. Il faudra pourtant bien s’y faire et s’y frotter: Yves Nidegger est là pour un moment. La civilité de sa forme, alliée à ses compétences, pourraient bien en faire, au moins au plan de la Suisse romande, une figure incontournable de son parti, dans les années qui viennent.