Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 4

  • La Suisse n’a pas besoin d’un nouveau parti



    Édito Lausanne FM – Mardi 17.06.08 – 07.50h


    « Bürgerliche Partei Schweiz » : c’est le nom, annoncé hier soir, du nouveau parti issu de l’UDC grisonne, bannie par le parti national. Des Glaronnais, des Bernois pourraient y adhérer, Eveline Widmer-Schlumpf aussi. Le parti ambitionne de devenir national, et d’obtenir un groupe aux Chambres fédérales.

    Ce nouveau-né, sur la scène politique suisse, est-il viable ? À terme, rien n’est moins sûr. Oh, il a parfaitement le droit d’exister : la liberté d’association, legs de la Révolution française, est dûment reconnue dans notre pays. On peut bien le porter sur les fonts baptismaux. Mais est-il viable ?

    En Suisse comme ailleurs, on ne crée quasiment jamais de nouveau parti. Trois de nos quatre partis gouvernementaux, au niveau fédéral (les radicaux, le PDC, les socialistes) ont chacun plus d’un siècle d’histoire. Tout au plus, çà et là, un changement d’étiquette, les catholiques-conservateurs devenant PDC. En France, le RPF devenant UNR, puis UDR, puis RPR, pour enfin se fondre dans l’UMP. Mais si on dit « les gaullistes », on comprend tout, la référence à un homme d’exception rendant dérisoires bien des abréviations. Quant à la CDU allemande, elle est fille, en droite ligne, du Zentrum bismarckien : on ne change pas si facilement les lames de fond.

    Surtout, un nouveau parti en Suisse, pour occuper quelle place ? Si ces ex-UDC restent libéraux dans l’économie, mais en ont assez des excès xénophobes, alors l’univers libéral-radical les attend. Y compris s’ils ont des doutes sur l’entrée de la Suisse dans l’Union européenne, cette question divisant transversalement toutes nos grandes formations politiques. Ce dont ont besoin les grands courants de droite, en Suisse, ça n’est surtout pas de se multiplier, mais bel et bien de se fédérer sous une même bannière. Avec un peu d’imagination et de vision, on saisira sans trop de peine toute la communauté de culture politique qui, du PDC à l’aile non-xénophobe de l’UDC, pourrait constituer, un jour, une grande fédération. C’est cela, le grand projet, cela la grande ambition. L’idée, pour l’heure, chemine encore souterrainement. Mais un jour, elle s’imposera. Espérons simplement qu’il ne soit pas trop tard.


  • « Votre appareil ne nous intéresse pas ! »



    Ou : l’illusion participative, suite.


    Édito Lausanne FM – 16.06.08 – 07.50h


    Insupportable, l’obsession participative de certaines antennes publiques commence à prendre des proportions de baroque et de préciosité qui ne manqueront pas d’intéresser nos cabarettistes. A l’exception, bien sûr, de ceux que les mêmes antennes stipendient : l’insolence a ses limites, que l’estomac dessine.

    Il y a toujours eu des lecteurs pour écrire aux journaux, des auditeurs ou spectateurs pour intervenir en radio ou en télé. Il y a même des émissions, du soir, magnifiquement faites, où la parole de l’autre, à qui on laisse de la place et du temps, est devenue un fleuron : Bernard Pichon, Laurent Voisin, Etienne Fernagut en Suisse, Macha Béranger sur France Inter, en ont été d’admirables artisans.

    Ces émissions, toujours, demeureront. Il est bien clair qu’une radio ne peut donner à entendre que la seule voix de ses professionnels, doit faire parvenir au public le bruissement ou la fureur du monde, des milliers de voix anonymes. La première chose, pour y parvenir, au lieu de déifier l’auditeur-alibi, serait déjà de renoncer à la quiétude assise des studios et d’aller humer, flairer ce qui se passe dehors, là où bat la vraie vie. Le concept même de studio, avec ses murs de béton et ses portes capitonnées, cette ahurissante forteresse où il faudrait s’isoler de tout murmure de vie, appartient déjà au passé. C’est la radio du vingtième siècle, pas celle du vingt-et-unième.

    Avec une valise-satellite et un technicien, un micro HF sans fil, un casque sans fil, vous pouvez donner la parole, vous-même en mouvement, à des dizaines de personnes, sur un lieu fort lié à l’actualité du jour, en une heure d’émission. Des gens que vous avez dans les yeux, avec un nom et un prénom, une authentique raison d’être à cet endroit et à ce moment, bref le contraire de cet anonymat participatif où on sait très bien que ne fleurissent que quelques permanents, toujours les mêmes, s’abritant sous des pseudonymes, trafiquant leurs adresses e-mail. Ces gens-là, au reste, ont parfaitement le droit d’exister, de donner leur avis tant qu’ils veulent : je dis simplement qu’il est excessif de les déifier.

    Ce qui est devenu, décidément, insupportable, ça n’est pas l’intervention des auditeurs, c’est la récurrence des meneurs d’émission dans la quête de la manne participative. Plus une seule émission sans des incantations du style : « Votre avis nous intéresse, écrivez-nous, téléphonez-nous », ou, mieux encore : « Aidez-nous à construire l’émission ». Face à cette folie, où le journalisme se castre lui-même de son devoir de choix des sujets et des angles, j’aurais envie, un peu par dérision, de prendre une craie, comme le capitaine Haddock, et d’écrire, bien gros, sur un mur : « Votre appareil ne nous intéresse pas ! ». Le chapeau de l’auditeur, comme celui de Tournesol, en léviterait d’étonnement. Comme en défi aux pesanteurs et aux conformismes.





  • Suisse-Europe : l’essentiel et l’accessoire



    Édito Lausanne FM – Vendredi 13.06.08 – 07.50h



    C’est donc en mai 2009, très certainement, que nous voterons sur la reconduction de la libre circulation, et sur son extension à la Bulgarie et à la Roumanie. Fallait-il à tout prix lier ou dissocier ces deux objets ? La question, qui a pas mal remué le Parlement (il a tranché hier pour la première solution) ne m’apparaît pas comme primordiale. Pire : l’insistance portée, depuis des semaines, sur ce point, est un indice de plus de la propension des Suisses, dans le débat européen, à mettre le doigt sur des questions mineures, laissant de côté l’essentiel.

    Car enfin de quoi s’agit-il, dans ce vote de l’an prochain ? De l’avenir européen de notre pays ! Non en termes institutionnels (la question n’est pas mûre), mais en termes de vitalité économique avec nos voisins. C’est une étape capitale. C’est, à coup sûr, le moment le plus important de la législature 2007-2011. Après l’échec de l’Espace économique européen, le 6 décembre 1992, il a bien fallu, au milieu des décombres, reconstruire quelque chose. C’est toute l’aventure des relations bilatérales : pragmatique, pas drôle, pas romantique, mais tellement fondamentale.

    Il faut avoir vécu ces négociations si prosaïques, où nos diplomates ont souvent été brillants d’ailleurs, pour saisir à quel point, en politique (pour ceux qui en auraient encore douté) tout n’est que rapport de forces. Or, à ce jeu-là, dans cette affaire, la petite Suisse a beaucoup obtenu de la grande Europe. Pourquoi s’en plaindre ? Mieux : cette voie bilatérale, tout ennuyeuse et besogneuse qu’elle soit, se trouve avoir l’heur de plaire au seul souverain de ce pays, le peuple. Les grands rêves multilatéraux n’ont pas la même chance.

    Petit pays, la Suisse vit de ses échanges. De l’ouverture économique, elle n’a rien à craindre. Maintes fois, par le passé, elle a su affronter, à son avantage, des situations de concurrence. Et, pendant toute son Histoire, les flux migratoires n’ont fait que l’enrichir. Alors, au printemps 2009, sauvons déjà cela. La suite, nous en parlerons plus tard.