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  • Pierre Weiss et les vipères



    Édito Lausanne FM – Vendredi 20.06.08 – 07.50h



    Il est, sur cette Terre, une étrange communauté humaine dont les membres, de toute éternité, passent plus de temps à s’éviscérer entre eux qu’à affronter leurs adversaires. Ce nœud de vipères porte un nom : le parti libéral genevois.

    De brillantes individualités, du venin à revendre, le goût de la plume et du sarcasme, un Club du lundi, des conjurés du mercredi, des présidents de passage, la morsure comme passion, la griffure pour tuer le temps, des clans qui feraient passer la Sicile, en comparaison, pour une fraternelle communauté œcuménique, en sandales.

    C’est dans ce contexte, à la Mauriac, où le Sagouin n’est jamais très loin, qu’il faut placer la philippique assassine de Charles Poncet, serial killer devant l’Eternel, contre son « cher ami » le président du parti libéral suisse, Pierre Weiss, dans l’Hebdo d’hier. Un texte qui surpasse en violence bien des autres, du même auteur : on n’est jamais aussi bien assassiné que par l’un des siens, ça doit faire plaisir à savoir, lorsque le poignard, brûlant comme la confraternité, vous travaille les entrailles.

    Il est d’usage, chez quelques libéraux genevois, d’ordinaire ceux qui en font le moins pour le bien commun, de cracher quelque fiel patricien, bien sûr derrière son dos, sur Pierre Weiss. Ce que Poncet au eu (lui, au moins) le courage d’écrire en public, ils le murmurent, eux, dans leurs banquets, leurs loges de velours. Ne serait-il, au fond, pas exactement de leur monde ?

    C’est possible. Il se trouve que Pierre Weiss est un homme cultivé, plein d’esprit, d’énergie, et d’imagination politique. Des qualités qui font de l’ombre, dans un monde où le dandysme décadent, fatigué du politique, revenu de tout, règne en maître. Weiss : un homme, aussi, qui voit plus loin que son parti, a compris depuis longtemps qu’au niveau national, entre radicaux et libéraux, il n’y avait pas l’épaisseur de l’une de ces feuilles de Havane que ses ennemis internes affectionnent tant. Et même par rapport au PDC.

    Doublé dans la dernière ligne droite, cet automne, par un adversaire que sa campagne sur les mendiants n’a pas grandi, Pierre Weiss n’est malheureusement pas devenu conseiller national. Il n’en est pas moins l’un des députés les plus créatifs du Grand Conseil genevois. Cela aussi, à l’interne, crée des jaloux. Alors, on ourdit, on trame, on fourbit, on aiguise. Lui, pendant ce temps, s’active à faire de la politique, aux niveaux de compétence qui sont les siens. Dix hommes comme lui, et son parti serait sauvé. Disons cinq.

    Le problème, c’est qu’il n’y en a qu’un. Et, tout autour de lui, ces dizaines de vipères qui se lovent et s’entortillent. Amicales et souriantes, comme la mort, un soir d’été.

  • Blocher sur l'Aventin



    Édito Lausanne FM – Jeudi 19.06.08 – 07.50h


    Le moins qu’on puisse dire, c’est que Christoph Blocher, hier, a déconcerté tout le monde. Non en refusant de se lancer dans un référendum contre la prolongation de la libre circulation des personnes, et son extension à la Roumanie et à la Bulgarie. Mais en invitant son parti à s’abstenir, le jour venu, sur cette question majeure, la mère de toutes les votations de la législature.

    Sur le refus du référendum, la logique de Blocher, en soi, est claire : il est pour la libre circulation, contre son extension aux Roumains et aux Bulgares, considère comme scélérat le lien établi par le Parlement entre ces deux questions, mais ne veut pas pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain. Il nous l’a dit, clairement, hier soir.

    Ce qui ne va pas, c’est cet appel à l’abstention. De la part d’un tel homme, qui a passé sa vie à prendre des décisions, dans l’économie, puis en politique, prôner l’Aventin donne des allures de retraite, plutôt que de simple retrait. Vieillirait-il ? On peut certes condamner la décision du Parlement d’avoir lié les deux objets, considérer qu’on force la main des Suisses, sur la question roumaine et bulgare. Mais de là, par bouderie, à inviter le plus grand parti de Suisse à ne rien décider sur un enjeu de destin du pays, il y a quelque chose qui ne va pas.

    Car enfin, que pourrait-il bien se passer ? Les Suisses accepteraient, un beau dimanche, le paquet global, et l’UDC n’aurait même pas pris part à cette décision, ne fût-ce que pour s’y opposer ! Ne pas participer, en politique, c’est pire que perdre. Jean-Pascal Delamuraz, le 6 décembre 1992, a certes perdu, mais après quel combat !

    Surtout, il y aurait mieux à faire que perdre : gagner. Refuser le référendum, et faire franchement campagne, avec les autres, pour la libre circulation. Le premier parti du pays y perdrait sans doute en identité oppositionnelle, mais gagnerait beaucoup en crédibilité gouvernementale. Tout ce que Blocher déteste, me direz-vous, et c’est sans doute là le fond du problème. Risquer, pour la sauvegarde d’une stature et d’une posture personnelles, la ruine de l’entreprise dont on est le père et l’auteur, cela s’est vu, parfois, ailleurs. Pour le tribun zurichois, au tournant de son destin politique, l’écueil est là, devant lui, sur le chemin.

  • PYM, paf, et but !



    Ou : la ligne bleue de la victoire.

    Édito Lausanne FM – Mercredi 18.06.08 – 07.50h

    Hier soir, sur la TSR, juste après France-Italie, Pierre-Yves Maillard. Parmi quelques invités, autour de Massimo Lorenzi, il commente le match. Moment de bonheur. Je le dis, l’écris, depuis des années : lorsque Maillard parle, la rhétorique est reine. Sans ornements, surtout pas. Juste la puissance d’une sincérité, un sens inné de l’image, la phrase courte, le verbe actif, PYM dribble l’obscure complexité du monde, éclaircit nos esprits, et marque. Il paraît qu’il est socialiste : nul n’est parfait.

    Ce qu’a dit Maillard de cet Euro, en quelques mots, était tellement juste, tellement cristallin, qu’il faisait passer les didascalies antérieures de tant de commentateurs, depuis deux semaines, pour un galimatias. De quoi a-t-il parlé ? De l’excès absolu de défensive, dans la plupart des équipes, du verrouillage à la Vauban de certains entraîneurs concevant le jeu comme une guerre de tranchées, leur équipe comme une forteresse à défendre. Ah, qui dirait les bienfaits de l’huile bouillante, si le règlement voulait bien le permettre !

    Au lieu de cela, PYM, ancien footballeur, ancien buteur du pied gauche au parti socialiste suisse, rêve d’un jeu ouvert : dégarnir la défense, mettre la force et la puissance du désir sur l’attaque. On y prendrait quelques buts, mais diable, on en marquerait aussi ! C’est tout Maillard, et c’est toute la vie : privilégier les offensives, les idées, l’imagination, le désir de vivre, sur la peur d’encaisser. Alors on encaisse, bien sûr, mais on vit. On traîne ses cicatrices sur la pelouse, on promène sa balafre (ah, Ribéry, Ribéry, l’infortuné, hier, sur sa civière !) à la face du monde, on se blesse, on sanguinole, on dégouline, mais on finit par marquer.

    Hier soir, PYM parlait, et paf, on ne voyait, on n’entendait que lui. De quoi rendre jaloux des milliers de ses camarades, qui voudraient croire à l’égalité dans l’ordre du talent. Tous, il les dépasse. Les lignes de défense, il les enfonce. Seule l’obsède la ligne bleue de la victoire. Bleue comme ses yeux. Bleue, comme des milliers d’oranges dans le ciel noir, lorsqu’on a le sentiment, un peu, parfois, de vivre sa vie.