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  • La Soupe à l'huile

    Chronique publiée dans la Tribune de Genève de ce lundi 09.06.08

     

    Il devait être la tête de Turc, il s’est révélé grand vainqueur : ce fut un réel plaisir, hier, d’entendre Yves Nidegger déjouer, les unes après les autres, les ficelles et chausse-trappes du gourou militant Flutsch et de ses acolytes. De quoi en perdre son latin : pour un archéologue, un cauchemar.

    Dur, pour la puissance invitante, gorgée de missionnaires certitudes sur l’équation « UDC = peste brune », lorsque les réponses de l’invité surpassent nettement, en humour et en finesse, le degré zéro des questions et provocations. Dur, d’avoir face à soi un UDC convenable : il est tellement plus aisé de s’offrir Fattebert.

    La civilité de la forme est, nous l’avons déjà souligné, le grand atout de Nidegger. Hier, l’étoile montante (et sans la moindre rivalité interne, d’ailleurs) de l’UDC genevoise n’eut qu’à tendre à la Soupe le miroir de ses préjugés. Le miroir fut tendu, la Soupe se renversa.

    Quand je pense à Flutsch, je me dis souvent que le problème du missionnaire, c’est sa position. Dominante, en l’occurrence, horizontale comme le niveau de ses attaques. Tellement confortable, la chaire offerte, dimanche après dimanche, pour s’en aller prêcher. Héros de l’antifascisme, humoriste salarié, en pantoufles. Et nul, en Suisse romande, qui n’ose l’attaquer. On n’attaque pas un missionnaire. On prépare juste une Soupe d’huile bouillante. Et on l’y installe, délicieusement.

     

    Pascal Décaillet

  • PPDA, comme frigo, Mac ou Vespa



    Édito Lausanne FM – Lundi 09.06.08 – 07.50h


    Le départ de PPDA, après tant de décennies sur nos écrans, appelle une ou deux réflexions.

    D’abord, s’il fut tant regardé, c’est simplement parce qu’il fut bon. Une présence, un regard, un style simple et clair, un homme qui va vers des millions d’autres. Avant le copinage, avant le réseau de protection, avant le potentat des salles de rédaction, il y eut, à la base, un talent.

    Au point que PPDA était devenu comme une chose. Plante de salon, objet d’imitation, marionnette d’humoristes, le prototype du présentateur, presque un nom commun. Comme frigo, ou Mac, ou Vespa.

    Le regarder lui, plutôt, alors que la chaîne concurrente propose exactement le même type de journal : un homme, ou une femme, qui vous regarde dans les yeux, et lance des sujets. Pourquoi lui, quelle chimie, quelle préférence ?

    Les dernières années, sans doute, furent de trop. J’ai dénoncé, sur ces ondes, dans la « Madone des gradins », l’inutilité totale de son rôle lorsque Ségolène Royal, n’aspirant plus qu’à toucher les écrouelles, s’adressait directement aux Français, le journaliste PPDA n’étant plus là que pour passer les plats, donner la parole à Cédric, de Reims, ou Fatima, de Toulon. Dans le dernier grand entretien avec Sarkozy, aussi, on avait l’impression que PPDA dormait, n’était pas là, ne s’intéressait pas au plateau.

    Reste un journaliste qui m’aura toujours impressionné par sa facilité. Reste, surtout, à s’interroger sur ce rôle de présentateur des grands journaux télévisés. Quelle part de vie, de surprise, d’autorité sur les sujets ? Combien de temps, encore, pourra durer cette notion de grand-messe, à une époque où chacun d’entre nous, de plus en plus, reçoit les infos, et même les images, en flux continu, toute la journée, sur son portable, et un jour sur sa montre ? Cet homme, ou cette femme-tronc, qui nous dispense à heure fixe le bréviaire de ce qu’il faudrait retenir, n’appartiennent-ils pas déjà au passé ?

    Des journalistes, à coup sûr, il en faut, plus que jamais. Des médiateurs. Avec leur personnalité, leur parcours, leur culture. Mais le temps des récitants est peut-être révolu. Je ne suis pas sûr qu’il faille absolument s’en plaindre.

  • Tornay-Darbellay : un choix pour le Valais



    Édito Lausanne FM – Vendredi 06.06.08 – 07.50h



    Ce soir, à Châteauneuf-Conthey, l’avenir de Christophe Darbellay se joue. On attend 2500 membres du PDC du Valais romand pour désigner ses candidats au Conseil d’Etat, en mars 2009. Membres et non délégués, c’est une particularité de ce parti, avec tout ce que cela implique d’ouvert et d’incertain, de travail au corps, en amont, de la part des candidats, de centaines de téléphones, de promesses de postes, comme on jetterait des graines, à des oiseaux de passage.

    Au centre de toutes les attentions : qui les membres vont-ils retenir comme candidat du Bas ? Christophe Darbellay, 37 ans, céleste aventurier des glaciers, ou Maurice Tornay, 54 ans, d’Orsières, ancien député de grande tenue, homme de chiffres, de rigueur et de fiscalité, à coup sûr plus conservateur que le premier nommé, mais ancré, proche des gens. Une pointure.

    Franchement, le choix ne sera pas facile. D’un côté, une star nationale, brillante, totalement à l’aise en suisse allemand dans l’émission Arena, facilité, esprit de synthèse, force de travail phénomènale, nuits incroyablement courtes, toute sa vie, déjà, donnée à la politique. Une flèche, une ambition, la quête d’un destin.

    De l’autre, un homme qui ressemble tellement au Valais, à ce district d’Entremont où il a tant fallu se battre, dans les années difficiles, avant le tourisme et la prospérité. Il fut un temps, oui, où le chemin était bien étroit, pour se frayer un avenir, entre les eaux de la Dranse et la verticalité glissante des pentes du Catogne. Tornay, on le compare à Guy Genoud :  est-ce un crime ? C’est, plutôt, placer la barre assez haut, au niveau de l’homme d’Etat, au-delà des idéologies et des préférences confessionnelles.

    Entre Tornay et Darbellay, il y a l’homme du dedans et celui du dehors, celui de la vallée et celui des espaces, il y a la terre et le ciel, mais, à coup sûr, chez chacun, une même passion pour ce canton. Aux 2500 membres, ce soir, de choisir. Dans tous les cas – et il est assez rare de pouvoir affirmer cela – un homme de grande valeur sortira investi par l’Assemblée. N’est-ce pas, pour ce canton qui a tant de défis devant lui, l’essentiel ?