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  • Les visionnaires à la canne blanche



    Sur le vif, dimanche 13.04.08 – 22.35h



    Et maintenant, Nidwald ! Au surlendemain de la Schlumpfmania qui a déferlé sur Berne, voici encore un scrutin cantonal, depuis le 12 décembre, qui tourne en faveur de l’UDC. Après Schwyz, Saint-Gall et Thurgovie. Là, ça n’est pas la foule, ça n’est pas l’opinion ; c’est le peuple qui tranche dans les urnes : le démos.

    Le plus fou : à peine ce nouveau succès est-il connu, que deux éminents observateurs, s’exprimant ce dimanche soir dans l’émission Forums, continuent de s’enferrer dans le déni : le peuple est dupé, le peuple vote mal, le peuple vote faux, le peuple n’a rien compris.

    Ces deux scrutateurs oraculaires, delphiens comme un vol d’oiseau, sont le vice-président du PDC suisse, Dominique de Buman, et mon confrère le rédacteur en chef de l’Hebdo, Alain Jeannet.

    Ce dernier, alors qu’on lui parle résultat démocratique sorti des urnes, répond sondages. On lui parle d’un message, sonnant et trébuchant, que vient de délivrer, dans un canton, le souverain, et il répond mouvements d’opinions. Singulière conception de la démocratie !

    Quant à l’ancien syndic de Fribourg, il réussit le tour de force de nous expliquer que cette victoire est une défaite, que le sommet de la vague est atteint, que l’heure du déclin a sonné. Il est des heures, comme cela, où l’on peut sérieusement se demander si la fermentation de la casuistique est encore soluble dans les eaux de la raison.

    Mieux inspiré, Pascal Couchepin, dans la presse alémanique, constate la lame du fond d’une révolution conservatrice. Et si c’était cela qui était en train d’atteindre la Suisse ? Un mouvement tellurique, bien plus important que la question Blocher / Widmer-Schlumpf. Mais cela, nul, pour l’heure, en Suisse romande, ne veut le voir. Du déni au délire, il pourrait bien n'y avoir que la translucide longueur d’une canne blanche.

  • Sainte Eveline et les archanges



    Édito Lausanne FM – Vendredi 11.04.08 – 07.50h



    Existe-t-il un homme, une femme, sur les ondes publiques de Suisse romande, pour refuser de s’associer à l’incroyable élan de martyrologie qui enveloppe et encense Eveline Widmer-Schlumpf ? Je viens d’entendre, il y a moins d’une heure, de longues minutes d’hagiographie, sans une seule seconde de place laissée à l’UDC.

    C’était : « Sainte Eveline, ne cédez pas, Sainte Eveline martyre, nous vous aimons, Saint Eveline, avec les archanges, vous survivrez ». Le tout, couronné par un commentaire de miel et d’Apocalypse, laissant entendre que la démocratie était en danger. J’ai même scruté le ciel, encore bien gris pour un beau jour d’avril, pour guetter, comme naguère Michel Debré, l’arrivée des premiers paras de Blocher, en treillis.

    La vraie fureur, d’où vient-elle ? D’un parti qui, à tort ou à raison, a subodoré chez la Grisonne, dans les jours ou les semaines précédant le 12 décembre, une forme d’intelligence avec l’ennemi ? Et qui, à tort ou à raison, ne parvient pas à comprendre que celui qui les a amenés à leur plus grande victoire électorale, soit renvoyé chez lui au profit d’un personnage n’ayant joué aucun rôle dans la dynamique de cette victoire ?

    Ou bien vient-elle, la vraie fureur, de cette croisade de bien pensants, les mêmes qui, à chaque fois, agitant la morale comme effluves d’encens, montent sur Berne pour sauver la démocratie. La sauver de qui ? De ceux qui sont arrivés premiers, et avec quelle avance, eux élections ! De ceux qui, à l’issue d’une campagne électorale où chacun a eu sa chance, ont obtenu le meilleur résultat !

    Il y a là, dans toute cette ovine et grégaire démarche, quelque chose de singulier. On se mobilise pour une femme qu’on ne connaît pas. On la sanctifie au centième jour. On nie à un parti le droit de régler ses problèmes internes. On se montre tout de hargne et de fiel pour toute personne pensant autrement. Bref, on applique, en pire, les méthodes de ceux que l’on condamne. Cette démocratie de la rue, des pages dans les journaux et de la rédemption pétitionnaire se heurtera, le jour venu, à la vraie démocratie, celle d’un peuple qui s’exprime par les urnes : ce sera en octobre 2011. Autant dire demain.


  • Lisons le Coran



    Édito Lausanne FM – Mercredi 09.04.08 – 07.50h



    Je viens de recevoir la nouvelle traduction française du Coran, par ordre chronologique selon l’Azhar, avec renvoi aux variantes, aux abrogations, aux écrits juifs et chrétiens. Elle est de Sami Awad Aldeeb Abu-Sahlieh, professeur de droit comparé aux Universités de Lausanne et Palerme. Éditions de l’Aire. À parcourir le livre, avant de m’y plonger, je suis impressionné par la clarté de la mise en page, l’ordonnance des sourates et des versets, la richesse de la mise en contexte. Je me réjouis déjà de m’entretenir avec le traducteur.

    Point n’est besoin d’être Musulman pour lire le Coran, ni Juif pour l’Ancien Testament, ni Chrétien pour les Evangiles, les Actes des Apôtres ou les vies des saints. Ces livres-là appartiennent à l’humanité entière. On en partage ou non la foi, on les tient pour révélations ou lentes constructions humaines, on les aime ou on les rejette. On peut aussi les ignorer, vivre sans eux, ne jamais les ouvrir. Mais ils sont là. Comme l’Iliade, ou l’Odyssée, ou Rimbaud, ou le poète allemand Paul Celan, sont là.

    La Bible, le Nouveau Testament, le Coran sont une part inaltérable de ce que nous sommes. Ils fondent non seulement la foi de certains d’entre nous, mais une immense partie de notre patrimoine culturel. Promenez-vous dans la Vieille Ville de Jérusalem, avec ces noms d’églises en grec, en byzantin, en arménien. Allez à Grenade, à l’Alhambra, aux murs couverts de citations du Coran. Emmenez vos enfants dans les églises d’Italie : les sourires des madones, les Nativités, les descentes de croix. Lisez Kafka à la lumière du Talmud : partout, les religions du Livre nous accompagnent.

    Je l’avoue, je suis catholique. Je pourrais tout autant être juif ou musulman, juste les hasards de la naissance. Je le suis, j’y tiens beaucoup, mais ça n’est pas à ce titre que je m’exprime ce matin. C’est au titre, plus large, de citoyen en quête de lumière et de racines.

    Ces références, dans les écoles, doivent être enseignées. L’initiation à l’Histoire des religions, ne serait-ce que les trois du Livre, leur influence politique et leur apport culturel à travers les âges, est une clef de lecture essentielle pour notre monde. La laïcité comme saine séparation des Eglises et de l’Etat, je dis évidemment oui. L’ultra-laïcité, comme ignorance totale (pire : culture de cette ignorance) de tout phénomène religieux, c’est définitivement non.