Et maintenant, Germaine Tillion ! Deux jours après Aimé Césaire, l’une des plus éclatantes figures de l’intelligence humaine et de la lutte contre le colonialisme, nous quitte. Elle avait 101 ans. Elle avait traversé le siècle avec la passion de comprendre, de transmettre, de rassembler les hommes. L’avoir interviewée, à plusieurs reprises, est l’un des plus grands honneurs de ma vie de journaliste.
Jeune ethnologue, elle décide, dans les années trente, d’aller vivre au milieu des Berbères, dont elle deviendra une spécialiste. Résistante, chef du Réseau du Musée de l’Homme, elle connaît la déportation, et Ravensbrück. A ses compagnes de détention, elle enseigne la grammaire kabyle.
Elle écrira, plus tard, sur l’univers concentrationnaire. Après la guerre, un autre combat l’attendra : la lutte contre la torture en Algérie. Et tant d’autres luttes, aussi, où elle se jette, infatigable. Il y a peu de temps encore, elle répondait au téléphone d'une voix douce, acceptait toujours de parler, disait ses vérités.
Lundi, j’appellerai Jean Lacouture, dans son Vaucluse, et lui demanderai de témoigner sur Germaine Tillion, lui qui en a écrit une si belle biographie : « Le Témoignage est un combat, Seuil, 2001 ». Ce soir, en apprenant le départ de cette si vieille et si grande dame, je pense à une autre déportée de Ravensbrück, Geneviève de Gaulle. Et à toutes ces populations du Maghreb, aussi, qu’elles a tant aimées et tant respectées. C'est une figure majeure, ce soir, qui nous quitte.