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  • Un Despot éclairant



    Édito Lausanne FM – Jeudi 24.04.08 – 07.50h


    Infatigable défenseur de l’identité serbe, dont il connaît si bien l’Histoire et la poésie, Slobodan Despot est l’un des hommes de Suisse romande à n’avoir aucune peur de se faire des ennemis. Je crois même qu’il aime ça. Ferrailler, l’âme haute, contre l’adversité, le tenaille et l’envoûte.

    Aujourd’hui, cet ancien compagnon de route de Vladimir Dimitrijevic et de l’Âge d’Homme se bat, jour après jour, pour sa propre maison d’édition, Xenia, à Vevey. Là, avec « L’évasion de C.B. », il vient de réussir ce fameux coup marketing, nimbé de chuchotements et de mystères, qui résonne dans les dîners en ville et chatouille les imaginaires.

    La thèse, on la connaît. Elle tourne autour du 12 décembre 2007, conférant à Christoph Blocher (pardon : C.B. !) une dimension beaucoup plus machiavélique que victimaire. Surtout, l’auteur est anonyme, et, aujourd’hui encore le demeure, se contentant de signer « Janus » : rien de tel, vous pensez, pour faire frissonner les neurones et exciter les hypothèses les plus folles. Haut fonctionnaire ? Prof de philo engagé dans la querelle scolaire ? Conseiller national UDC valaisan refusé par les auteurs et autistes de Suisse romande ? Homme de l’ombre de la communication radicale vaudoise ? Journaliste polymorphe ? Despot lui-même ? Blocher ? Miss Suisse ? Etc.

    Une chose est sûre : la politique suisse a bien changé. Tricoter une fiction autour d’une élection au Conseil fédéral, il y a trente ans, n’aurait intéressé strictement personne. Mais là, il y a la puissance d’un événement : la nuit du 11 au 12 décembre, avec ce trio infernal qui trame et qui ourdit. Il y a la notoriété des personnages. Il y a la musique des surnoms, le plus tordant étant sans doute Ulan Bergoli, « idéologue verdâtre et vexé ». Et il y a, ma foi, une plume sachant raconter.

    Bref, l’éditeur Despot a réussi son coup. Un de plus pour cet hyperactif sur la place de Suisse romande. Ce Slave à la taille de géant et au regard si doux, cet homme, capable de vous raconter des heures durant les événements balkaniques de 1915, mais aussi les grands poètes de son pays. Ce diable de Despot, au fond plus éclairant qu’obscur, dont on n’a pas fini de parler dans le petit monde éditorial de Suisse romande.

    *** Ce soir, dès 18h, débat autour de ce livre, au Buffet de la Gare de Lausanne. Janus sera-t-il là ?

  • Mitterrand à Vichy : la mémoire tamisée



    Édito Lausanne FM – Mercredi 23.04.08 – 07.50h


    J’ai sous les yeux, en écrivant ces lignes, mon Péan, acheté en septembre 1994, immédiatement dévoré, puis tant de fois relu : « Une jeunesse française, François Mitterrand 1934-1947 », aux Editions Fayard. Avec, sur la couverture, cette photo-choc : celui qui est encore, en cet automne 1994, président de la République française, serrant la main du maréchal Pétain. C’était plus d’un demi-siècle plus tôt, en octobre 1942.

    Que François Mitterrand ait été actif à Vichy, tout le monde le savait ; les activistes gaullistes du SAC se faisaient même un bonheur, dans la présidentielle de 1965, de venir scander « fran-cisque ! » dans ses réunions. Qu’il l’ait été à ce point, c’est ce que nous révèle Péan, tout en nous montrant comment le même homme, de façon progressive comme tant de Français, est passé de l’entourage du Maréchal à une vraie et authentique résistance. La Résistance de l’intérieur, celle dont l’Histoire revue par les gaullistes dès 1944 tentera longtemps de tamiser la mémoire.

    À cet égard, grâce à Serge Moati et son équipe, c’est une excellente piqûre de rappel que nous a offerte France 2, hier soir. On peut aimer ou non le genre du docu-fiction, qui mélange des acteurs d’aujourd’hui avec des images d’archives, c’est au moins un moyen de les incarner et de faire accéder les enjeux au plus grand nombre. Dans la bouche de Mitterrand, les propos exacts, d’ailleurs, tenus dans sa correspondance ou ses écrits de l’époque. J’en retiens un, à propos du général de Gaulle : « Lorsqu’ils ont l’âme haute, les fils des bourgeois échappent à leur condition sociale ».  Saisissant résumé de celui qui avait été le si éclatant Rebelle à tout l’univers qui l’avait façonné.

    En seconde partie de soirée, un documentaire, un vrai, avec archives et témoignages. Notamment le décryptage de la fameuse interview donnée par le Président, alors en chimiothérapie, à Jean-Pierre Elkabbach, toujours en cet automne 1994, et dans laquelle, au fond, il ne fait pas la moindre concession sur les choix de son passé. L’émission, à juste titre, se termine par l’admirable discours de Jacques Chirac au Vel d’Hiv, l’année suivante, où un chef d’Etat français, pour la première fois, rompant avec la légende de « Vichy parenthèse », assume, face aux crimes commis, la continuité nationale.

    Très guidé, sur le fond, par le livre de Péan, Serge Moati a fait du bon boulot. Il nous rappelle à quel point l’Histoire est complexe, à quel point il est faux de juger avec les critères de son temps. A quel point il faut lire, et lire encore, pour tenter de saisir, un peu, les secrets d’une époque.


  • Apprendre à perdre, Monsieur Longet !

     

    Édito Lausanne FM – Lundi 21.04.08 – 07.50h



    Hier, une très nette majorité du peuple genevois (59%) a élu le candidat de la droite, Daniel Zappelli, contre celui de la gauche, François Paychère, au poste de Procureur général, pour six ans. Les deux candidats, je l’affirme, étaient de valeur, mais enfin c’est ce choix-là que le souverain a fait, à l’issue d’une campagne animée, où chacun, largement, a pu exposer ses positions. L’élu bénéficie même d’une légitimité accrue par une participation record dans ce genre d’élection.

    Or, hier soir, qu’avons-nous entendu ? Un homme de valeur, René Longet, nouveau président des socialistes genevois, se contorsionner à n’en plus finir, pour expliquer à quel point le corps électoral n’avait pas compris l’extrême subtilité des thèses socialistes en matière de justice, défendues par François Paychère. Bref, c’est comme en Italie, comme dans la France du Traité européen de 2005 : on nous refait le coup du peuple qui vote mal.

    Une telle argumentation, de la part des prédécesseurs de René Longet, n’aurait pas étonné. De sa part à lui, celle d’un homme qui, par sa culture, élève d’un cran le niveau de la fonction de président du PS à Genève, c’est décevant. René Longet est un espoir pour la vie politique genevoise : trop longtemps écarté des instances dirigeantes, cet homme de réflexion profonde sur la société et l’environnement a beaucoup à nous apporter. Sa politique, très claire, de retour aux priorités sociales, respire une cohérence qui a tant fait défaut ces dernières années.

    Il manque juste encore à René Longet, une chose : apprendre à perdre. À cet égard, le pathétique duel qui l’opposait hier soir, à Forums, à Charles Poncet, a tellement tourné à l’avantage de l’avocat qu’on a presque eu l’impression de revivre l’exécution de Louis XVI. René Longet mérite mieux. Le débat politique aussi.