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  • Ombres chinoises et sphinx des ondes



    Édito Lausanne FM – Lundi 28.04.08 – 07.50h



    TSR 2, hier soir : remarquable documentaire sur Deng Xiaoping. Ne manquez pas sa rediffusion, ce soir, 22.25h, sur la même chaîne. Comment ce tout petit homme, né en 1904, passant une partie de son adolescence en France, s’inscrivant très jeune au parti communiste, épouse, pendant près d’un siècle, le destin de son pays. Comment, surtout, dans ses périodes d’exil et de relégation, il sait compter sur la force absolue de sa solitude intérieure, pour, un jour, mieux rebondir.

    L’histoire de Deng, c’est celle de la Chine au vingtième siècle. Compagnon de Mao pendant la Longue Marche, passionné d’économie, pétri de pragmatisme, traçant son chemin à lui, son sillon, à travers toutes les tempêtes, Deng n’arrivera vraiment au pouvoir qu’à l’hiver de son âge, une fois Mao mort, et la bande des quatre neutralisée.

    Mais il y arrivera. Il ouvrira, comme on sait, son pays à l’économie de marché, tout en maintenant la férule, sur le plan politique, d’un communisme pur et dur. L’histoire de Deng, c’est celle de ce contraste. Vu d’Europe, il nous apparaît insensé. Dans la logique chinoise, l’est-il vraiment ?

    Dans ce documentaire d’hier, toutes les grandes figures de la Chine du vingtième siècle : Sun Yat Sen, le père de la République, Tchang Kaï Tchek, l’homme du Kuo Min Tang, Mao bien sûr, mais aussi Chou En Laï, Lin Piao et tous les autres. Et puis la Longue Marche, le Grand Bond en avant, la Révolution culturelle.

    Et, dans les plus hautes sphères, quelque part à Pékin, un noyau d’hommes qui s’observent et s’épient, s’encensent mutuellement, se neutralisent, s’éliminent, se réhabilitent. C’est toute la tragi-comédie du pouvoir, c’est en Chine et c’est chez nous, c’est saisissant de permanence. Immuable, comme la vie qui va.

    Un dernier mot, plus personnel : impossible, en voyant défiler ces ombres chinoises, de ne pas penser à la douceur et à l’intelligence d’un homme qui nous a quittés, il y a six ans, et qui parlait si bien de l’Empire du Milieu. C’était Christian Sulser, homme de lettres, de culture, et aussi le sphinx asiatique de la Radio Suisse Romande. Je me souviens de l’émission spéciale que nous avions montée, avec lui, en février 1997, à la mort de Deng. Sulser : un vrai collègue, un vrai confrère, dans toute l’affectueuse chaleur que peuvent – parfois – contenir ces mots.




  • Christophe finira-t-il par tuer Darbellay ?



    Sur le vif – Samedi 26.04.08 – 14.00h

    Depuis des années, j’ai toujours considéré et décrit Christophe Darbellay comme l’un des politiciens suisses les plus doués de sa génération. Depuis le 12 décembre 2007, on le sait, son chemin politique et mon chemin éditorial se sont séparés. C’est la vie. Ces quatre derniers mois, j’ai pourtant cherché un embryon de cohérence dans ses choix et ses déclarations. Depuis le discours qu’il vient de tenir, à l’instant, à Belp, devant les délégués de son parti, je crois que je vais renoncer.

    Un peu plus de quatre mois après avoir passé alliance, pour abattre Blocher, avec la gauche dure de Christian Levrat et, celle (encore plus dure, malgré son vernis verdâtre) d’Ueli Leuenberger, voilà que le président du PDC suisse ne trouve rien de plus urgent à faire que d’attaquer frontalement les radicaux ! C’est-à-dire le parti qui, depuis bientôt un siècle, aura été de toutes les alliances avec le sien pour construire, patiemment, la Suisse moderne. Antagonistes dans certains cantons (comme le Valais, où Darbellay a maintenant ses ambitions, ce qui sans doute doit nous éclairer sur le discours d’aujourd’hui), les radicaux et le PDC ont toujours, au contraire, été des alliés fidèles et respectueux sur le plan fédéral. On ne se parle pas, on ne s’est jamais parlé, ni interpellé en public,  comme le Valaisan vient de le faire à Belp.

    Aujourd’hui, donc, Christophe Darbellay tire sur les radicaux, alors que tout, au contraire, devrait converger vers une alliance entre PDC et PRD ; c’est même le seul moyen d’échapper à la bipolarité croissante PSS-UDC. Sur la politique étrangère, sur l’économie, sur la fiscalité, sur les PME, sur la politique européenne, il n’y a pas, au niveau fédéral, l’épaisseur d’un papier à cigarettes entre radicaux et PDC. Attaquer Fulvio Pelli en Assemblée de délégués est-il, franchement, l’urgence première du patron du PDC suisse ?

    Aujourd’hui, les radicaux. Et demain ? Pris dans sa spirale de violence envers ses alliés naturels, Christophe Darbellay attaquera-t-il le PDC ? S’agressera-t-il lui-même ? S’immolera-t-il par le feu, sur la place de la Planta ? Sacrifier tant de dons pour l’autodestruction de son propre camp, il y a là, oui, quelque chose de singulier, et qui, vraiment, m’échappe.






  • Sarkozy: grand oral réussi



    Edito Lausanne FM – Vendredi 25.04.08 – 07.50h


    Je ne sais comment Nicolas Sarkozy écrit, mais à l’oral, il est définitivement excellent. Le Président, hier soir, face à plusieurs journalistes, dont un Yves Calvi chargé d’une hargne digne d’un plat de champignons mal digéré, a largement réussi son passage télévisé. Non seulement parce que le Président est doué face aux caméras, cela ne suffit plus depuis longtemps. Mais avant tout parce que, sur le fond, il a tenu un discours courageux.

    La hargne de Calvi, juste un mot. Qu’il faille, dans l’interview politique en direct, rester sans concessions, c’est évident. Que Calvi n’aime pas Sarkozy, c’est son droit absolu. Que cette inimitié (ou peut-être la mise en scène de cette posture, pour plaire à ses pairs, à son microcosme) éclate à ce point, dans un média où chaque frisson de sentiment se trahit dans la lumière, ça n’était peut-être pas nécessaire. Au moins Calvi, lui, a-t-il puissamment existé, là où PPDA, désormais l’ombre de lui-même, semblant comme étranger aux enjeux de l’émission, se contentait de passer les plats.

    Retour au Président. À coup sûr, sa première année déçoit. Les tambours et trompettes du printemps 2007 sont bien loin ; reste la dure, la tenace réalité de cette vieille société française, si difficile à réformer. Le miracle de l’Etat-Providence allume et envoûte encore tant de consciences. Le poids des corporatismes demeure écrasant. Dans ces domaines, par exemple l’enseignement, Nicolas Sarkozy a fait des choix : il réfute la logique de quantité, se refuse à engraisser à l’envi le mammouth. Et il le dit. Et à chacun de ses mots, dans ce domaine ultrasensible où tant se sont cassé les dents et où veille le syndicat le plus conservateur du monde, il se fait des dizaines de milliers d’ennemis. Mais il tient quand même son cap. C’est présidentiel.

    Idem sur le rapport au travail, les abus dans le chômage, l’idée de mérite ou encore les clandestins. Il a raison ou tort, on le suit ou non, mais il tient son cap, et son argumentation, solide, reflète la cohérence de sa pensée politique. Là aussi, c’est présidentiel. De droite ou de gauche, les Français aiment être gouvernés. Ils aiment qu’il y ait un pilote dans l’avion, quitte, de temps à autre, à l’éjecter du cockpit. À cet égard, hier, le Président a réussi sa prestation.

    Cette contre-attaque était urgente et indispensable. Par quelques petits gestes qui ont déplu, Nicolas Sarkozy s’est, un peu trop souvent, dans cette première année qu’on qualifiera d’apprentissage, montré au-dessous de la fonction présidentielle. Mais l’homme, très intelligent, apprend vite, tire les leçons, et nul, aujourd’hui, ne peut préjuger de son succès ni de son échec. Ainsi va la politique, cruelle et imprévisible. Comme la vie, non ?