Édito Lausanne FM – Mercredi 09.04.08 – 07.50h
Je viens de recevoir la nouvelle traduction française du Coran, par ordre chronologique selon l’Azhar, avec renvoi aux variantes, aux abrogations, aux écrits juifs et chrétiens. Elle est de Sami Awad Aldeeb Abu-Sahlieh, professeur de droit comparé aux Universités de Lausanne et Palerme. Éditions de l’Aire. À parcourir le livre, avant de m’y plonger, je suis impressionné par la clarté de la mise en page, l’ordonnance des sourates et des versets, la richesse de la mise en contexte. Je me réjouis déjà de m’entretenir avec le traducteur.
Point n’est besoin d’être Musulman pour lire le Coran, ni Juif pour l’Ancien Testament, ni Chrétien pour les Evangiles, les Actes des Apôtres ou les vies des saints. Ces livres-là appartiennent à l’humanité entière. On en partage ou non la foi, on les tient pour révélations ou lentes constructions humaines, on les aime ou on les rejette. On peut aussi les ignorer, vivre sans eux, ne jamais les ouvrir. Mais ils sont là. Comme l’Iliade, ou l’Odyssée, ou Rimbaud, ou le poète allemand Paul Celan, sont là.
La Bible, le Nouveau Testament, le Coran sont une part inaltérable de ce que nous sommes. Ils fondent non seulement la foi de certains d’entre nous, mais une immense partie de notre patrimoine culturel. Promenez-vous dans la Vieille Ville de Jérusalem, avec ces noms d’églises en grec, en byzantin, en arménien. Allez à Grenade, à l’Alhambra, aux murs couverts de citations du Coran. Emmenez vos enfants dans les églises d’Italie : les sourires des madones, les Nativités, les descentes de croix. Lisez Kafka à la lumière du Talmud : partout, les religions du Livre nous accompagnent.
Je l’avoue, je suis catholique. Je pourrais tout autant être juif ou musulman, juste les hasards de la naissance. Je le suis, j’y tiens beaucoup, mais ça n’est pas à ce titre que je m’exprime ce matin. C’est au titre, plus large, de citoyen en quête de lumière et de racines.
Ces références, dans les écoles, doivent être enseignées. L’initiation à l’Histoire des religions, ne serait-ce que les trois du Livre, leur influence politique et leur apport culturel à travers les âges, est une clef de lecture essentielle pour notre monde. La laïcité comme saine séparation des Eglises et de l’Etat, je dis évidemment oui. L’ultra-laïcité, comme ignorance totale (pire : culture de cette ignorance) de tout phénomène religieux, c’est définitivement non.