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Liberté - Page 998

  • Le peuple - Quel peuple ?

     

    Chronique publiée dans le Nouvelliste - Mardi 24.06.14


     
    En appliquant de façon conforme l’initiative acceptée le 9 février par le peuple et les cantons, Simonetta Sommaruga donne un heureux signal. Celui d’un Conseil fédéral qui, cette fois, ne tente pas de contourner la volonté du souverain. Je m’en réjouis dans le cas de ce texte, mais je m’en réjouirais tout autant pour des objets que j’aurais combattus : on ne finaude pas avec le suffrage universel. Une initiative acceptée doit être mise en application, de façon claire, simple, sans attendre des années.


     
    Une initiative, un référendum, sont des organes de notre démocratie. Parmi d’autres. Le suffrage universel n’est pas là pour absorber toutes choses, ruiner le crédit des Parlements, bien sûr que non. Le génie de notre système, c’est de pouvoir mettre en dialectique les décisions des législatifs et, parfois, l’appel au corps électoral dans son ensemble. Les parlementaires ne doivent pas regarder de haut la démocratie directe, même si cette dernière vient souvent contredire leurs décisions (référendums) ou, pire, jeter dans le débat public des thèmes qu’eux n’auraient jamais empoignés (initiatives). A l’inverse, il ne saurait être question de dictature du peuple : les corps constitués doivent être respectés.


     
    Au reste, il ne faut pas parler de « peuple », cela ne traduit que la pauvreté de la langue française. Le « démos » qui s’exprime dans le suffrage universel, c’est le corps électoral. Qu’il faut bien séparer de la « doxa », l’opinion, celle des sondages ou du café du commerce. Ne pas confondre non plus avec « Bevölkerung », qui désigne l’entier d’une population résidente, y compris les étrangers ou les jeunes de moins de 18 ans. Confusions d’ailleurs entretenues au plus haut niveau, lorsque cela nous arrange : je viens de visionner les quelque cinquante minutes d’entretien du journaliste Michel Droit avec le général de Gaulle, début juin 1968, juste au sortir de la crise. Le Général dit en avoir « appelé au peuple » en faisant référence à la puissante contre-manifestation gaulliste du 30 mai, qui a sifflé la fin de la récréation. Disant cela, il joue volontairement sur les mots : son seul vrai « appel au peuple » est la dissolution de l’Assemblée, et l’organisation d’élections pour fin juin. Parce que là, il en appelle au « démos », et non à la masse d’une foule.


     
    Pascal Décaillet

     

  • Vous m'en mettrez une Caisse, SVP.

     

    Sur le vif - Lundi 16.06.14 - 14.02h

     

    Le Conseil fédéral ne veut pas d'une Caisse publique unique, tartinent les journaux.



    On s'en doute bien, qu'il n'en veut pas. Cet aimable septuor passe son temps à dire non à toutes les initiatives. Le premier Neinsager du pays, c'est lui ! Une fois qu'elles sont acceptées, il passe son temps à nous dire qu'elles sont inapplicables, et que le souverain a mal voté.



    Que le Conseil fédéral veuille ou non de la Caisse publique unique, que les Chambres en veuillent ou non, n'a aucune importance. Ils passent leur temps à se boucher le nez, de dégoût, face à tout message venu du peuple. Tout signal tellurique surgi d'en-bas. Et là, avec une initiative ou un référendum, nous sommes bien dans l'ordre du démos, dûment prévu dans notre ordre juridique, et non dans la doxa des sondages d'opinion, ou de café du commerce.



    Ce qui compte, c'est ce que décideront le peuple et les cantons, le dimanche 28 septembre.



    Une initiative est une affaire du peuple avec le peuple. Elle n'est pas prioritairement l'affaire du petit monde de la molasse bernoise.

     

     

    Pascal Décaillet

     

  • Ca sert à quoi, un Parlement ?

     

    Publié dans GHI - 11.06.14

     

    La question est simple : pourquoi un canton d’un demi-million d’habitants doit-il déléguer à cent d’entre eux non seulement d’importants pouvoirs pour la vie de la Cité, mais aussi une visibilité, une notoriété donnant l’impression qu’ils seraient l’alpha et l’oméga de notre vie politique ? Les Parlements, ces assemblées qui, dans nos contrées, font les lois depuis la Révolution française, ont-ils encore un sens à l’époque de l’information partagée, où d’autres modèles de citoyenneté, incluant beaucoup plus de monde, sont imaginables ? Il ne s’agit pas, comme on tente mensongèrement de nous le faire croire, d’un débat opposant l’institution à l’opinion. Mais tentant de mettre en dialogue l’institution actuelle (parlementaire), face à d’autres institutions, plus globales, à inventer. Où le démos (le corps électoral) serait simplement élargi, comme il l’est déjà aujourd’hui dans les initiatives et les référendums.

     

    Musique d’avenir ? Oui, bien sûr. Mais il faut y réfléchir. Parce que les temps ont changé. L’époque des Diètes, dans lesquelles on envoyait siéger des notables, date du temps des diligences. D’où l’habitude, assez étrange, qu’a gardée le Parlement suisse de ne se réunir, de façon ordinaire, que quatre fois par an, avec un calendrier connu des années à l’avance. Antique liturgie, en décalage avec les accélérations de la politique. Et puis, il y a le degré de connaissance des dossiers. Nous vivons aujourd’hui le temps de l’information partagée, c’est même la révolution majeure de notre époque. Si le suffrage universel peut se prononcer sur des initiatives et des référendums, pourquoi ne le pourrait-il pas plus systématiquement, non pour réagir à des lois, mais pour les créer lui-même ? D’ici deux ou trois générations, j’en suis certain, nos enfants ou petits-enfants auront empoigné ces problèmes.

     

    Evidemment, les parlementaires eux-mêmes (tous, cantonaux ou fédéraux) sont les premiers à refuser ce débat. Vous leur parlez extension du suffrage universel, ils vous traitent aussitôt de populistes, ou (pour les plus cultivés d’entre eux) de partisans d’une démocratie plébiscitaire, de type bonapartiste, où les pouvoirs intermédiaires (le leur, évidemment) perdraient du terrain. En nous répondant ainsi, en qualifiant avec mépris de « démocratie d’opinion » le pouvoir du peuple, ils nous mentent. Ils tentent de nous faire croire que d’un côté, il y aurait l’institution légitime, et de l’autre l’imprévisible férocité de l’opinion. Mensonge, oui : l’initiative et le référendum, par exemple, ne sont pas mouvements d’opinion, mais organes, parfaitement prévus par notre Constitution, de décision démocratique. Au même titre – ni plus, ni moins – que la délibération parlementaire.

     

    Je dis « ni plus, ni moins ». Il n’est aucunement question de supprimer l’institution parlementaire. Mais d’imaginer des modèles d’extension du suffrage universel. Surtout, refuser avec la dernière énergie ce grief de « populisme » jeté comme une antienne par  une caste intermédiaire qui, sous prétexte qu’elle a un jour été élue, entend confisquer au peuple une participation accrue aux décisions qui serait pourtant aussi salutaire que bienvenue.

     

    Pascal Décaillet