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Liberté - Page 995

  • Pierre Weiss : chaleur et lumière

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    Hommage - Samedi 25.04.15 - 17.59h

     

    Un homme de parole, un amoureux du verbe et de la musique, un redoutable bretteur, un fou de politique, une âme ouverte à la dimension spirituelle. Tel était Pierre Weiss, qui vient de nous quitter après un très courageux combat contre la maladie. Un homme habité par la vie. Tout sonore de l’excitation d’être. Un homme de culture, sensible aux langues (il en parlait plusieurs, dont l’italien), à la musicalité des syllabes, au chant des phrases. Orateur, il cherchait tout en parlant, s’écoutait dire, scandait, variait le tempo, décochait : le rythme, dans son discours, occupait une place majeure.

     

    Il ne lisait pas, Dieu merci. Il devait avoir quelques mots-clefs, savait de toute façon où il allait, se laissait trahir par ses propre pièges, et justement cette imperfection le servait, authentifiant l’improvisation. L’oralité est un métier, il l’avait appris très tôt, je sais exactement où et avec quels maîtres. Il savait avec une belle maîtrise compenser le défaut de grave, dans la tonalité de sa voix, par l’exubérance, tel le rossignol, sur la plus haute branche.

     

    Nous n’étions pas d’accord, Pierre Weiss et moi, sur le rôle de l’Etat en politique, disons que j’en voulais plus que lui. Ni sur le libre-échange économique. J’ai toujours été protectionniste, lui pas. Mais en vérité, combien ces dissensions-là sont vaines, lorsque remonte à la mémoire le champ de ce qui fut partagé. Nous avons eu les mêmes professeurs, dans cette école où j’ai passé onze années de ma vie et où, de six ans mon aîné, il m’avait précédé. Nous en parlions souvent, laissant se mélanger nos nostalgies, puissantes.

     

    Pierre Weiss était un homme de culture. Son rapport à la musique, par exemple, était bouleversant. Sa relation, aussi, avec la langue italienne, si subtile, si complexe. Son ancrage dans les humanités. Sa passion rhétorique pour la « disputatio », la joute oui, mais aussi construite que vivace, où la structure le dispute à l’étincelant. Parler en public comme on se met, au sens propre, à l’ouvrage. L’improvisation ne s’improvise pas.

     

    Il y aurait beaucoup à dire sur le lien qu’entretenait cet homme de passion avec les Lumières. Il n’en était héritier que partiellement, dans l’ordre de la liberté, qui nous réunit tous. Mais lorsqu’il n’était plus nécessaire de démontrer du haut d’une tribune, cet homme, en cercle plus fermé, ne cachait pas la part de spiritualité dans son chemin. Dans ces échanges-là, on pouvait découvrir une autre dimension que le métallique « Freisinn » de certains de ses collègues de parti. Aussi, ses goûts littéraires, et surtout musicaux, attestaient d’une incroyable ouverture à cette part de l’intime et du tellurisme que d’aucuns, pour faire court, ont appelé « le romantisme ». Disons, tout au moins, la dimension lyrique, celle qui s’en va faire vibrer d’autres cordes que les seuls accents de la Raison. Vernunft.

     

    Le monde politique genevois perd un homme d’une grande valeur. Un humaniste, l’un des derniers. Trempé dans la splendeur et la puissance du verbe. Habité par l’oraison. A sa famille, ses proches, émotion et sympathie. Quelque part, dans la partition inachevée du cosmos.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Veyrier : quand le Conseil d'Etat règle ses comptes

     

    Sur le vif - Mercredi 22.04.15 - 17.40h

     

    Le Conseil d’Etat qui annonce publiquement, en plein dans l’entre-deux-tours des élections municipales, l’ouverture d’une « enquête disciplinaire » contre l’exécutif d’une commune, celle de Veyrier : il y a là quelque chose qui ne va pas. Ni dans la démarche. Ni dans le moment choisi. Ni dans la sèche publicité, roide, jacobine comme un couperet, donnée à la chose, dans ce petit chef d’œuvre de constipation rhétorique, pudiquement appelé « communiqué hebdomadaire du Conseil d’Etat ».

     

    Il s’agit du conflit entre Thomas Barth, le bouillant et vibrionnant Maire de Veyrier, et le Conseil d’Etat, notamment le ministre Vert, sur l’affaire des Grands-Esserts. Un véritable roman russe, avec rebondissements, roulette, salades et sans doute aussi quelques poupées : une sorte de « Guerre et Paix », sans la paix.

     

    On nous permettra ici de ne pas entrer en matière sur le fond : d’innombrables aspirines ne suffiraient pas à atténuer la douleur immédiatement contractée par nos périssables neurones, tant l’affaire est complexe.

     

    Nous demeurerons sur le seul plan qui vaille, le seul réel enjeu sous le paravent du juridique : la politique. Annoncer, sur ce son pète-sec de sous-préfet commis aux affaires disciplinaires, une procédure contre trois élus exécutifs, le faire alors que rugit le légitime débat politique en vue du second tour veyrite, tout cela, de la part du Conseil d’Etat, ou tout au moins d’un ou deux ministres, fleure le règlement de comptes.

     

    Il fallait attendre l’issue des élections, donc le lundi 11 mai 2015, pour rouvrir ce dossier dont l’état de pourriture rappelle la pomme du grand Newton, à l’extrême orée de sa chute, aussi révélatrice que fatale.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Le chemin de Damas passe-t-il par Lancy ?

     

    Sur le vif - Mercredi 22.04.15 - 13.13h

     

    Le PDC de Lancy a bien sûr le droit de s’allier avec qui il veut pour faire passer son candidat, Stéphane Lorenzini, qui apparaît d’ailleurs comme solide et compétent, à l’exécutif de la ville. Pour faire barrage à Roger Golay, il s’alliera donc cette fois avec la gauche, les socialistes et les Verts. Il s’agit, clairement, d’une entente de circonstance : une alliance objective entre camps normalement adverses pour mettre en minorité un adversaire commun. Soit. Nous sommes à l’échelon communal, cela se fait, ne change pas la face du monde.

     

    Laissons donc les Lancéens à leur cuisine. Après tout, le corps électoral est adulte et vacciné, il jugera si cette alliance lui convient ou non. Mais de grâce, merci de ne pas nous faire le coup des « valeurs communes », ou des grands principes républicains. Le PDC est un parti de la droite genevoise, l’une des composantes (avec le PLR) de l’Entente. Les Verts et les socialistes sont la gauche. En 99% d’autres circonstances, ces deux camps se combattent. Et, loin de brandir des « valeurs communes », ils nous répètent à satiété à quel point leurs projets de société diffèrent. La politique doit être lisible, c’est l’une des clefs d’une citoyenneté saine et active.

     

    Laissons les Lancéens, oui. Et interrogeons-nous plutôt sur la cohérence sémantique du président cantonal du PDC, Sébastien Desfayes, une personne au demeurant que j’apprécie beaucoup. M. Desfayes nous dit, depuis des mois, que le PDC ne doit pas transiger sur ses valeurs, et qu’en vertu de cela, il ne saurait conclure d’alliance avec le MCG. Soit. Mais alors, s’il « ne transige pas sur ses valeurs », comment justifier, au niveau de la cohérence cantonale, une alliance avec la gauche ? Car enfin, si le MCG ne fait pas partie des « valeurs » du PDC, il me semble que la gauche non plus.

     

    Dans l’estimable croisade de ce parti pour la défense de ses « valeurs », il y aurait donc deux poids, deux mesures. Avec une singulière marge d’adaptation, ou de concessions, à l’originelle pureté des « valeurs », lorsque, par hasard, surgit sur le chemin l’aubaine d’un poste à conquérir.

     

    Sur le chemin de Damas, il est convenu qu'un cavalier, frappé d'une intense lumière, tombe de cheval. Reste à savoir de quel côté.

     

     

    Pascal Décaillet