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Liberté - Page 996

  • Mediterranée : non au Cimetière marin !

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    Sur le vif - Lundi 20.04.15 - 15.11h

     

    Il ne s’agit plus ici de savoir si nous sommes de gauche ou de droite. Nous somme des citoyens, des hommes et des femmes libres, responsables. Et puis, nous sommes des humains, reliés dans cet état par quelque chose de planétaire qui, parfois, transcende les clivages. Alors, dans la mystérieuse verticalité de cette double appartenance, comme humains et comme citoyens, nous ne pouvons laisser continuer ainsi les naufrages de migrants en Méditerranée.

     

    Je ne dis pas ici qu’il faille ouvrir les frontières. Mais il faut faire quelque chose. Non au seul niveau suisse, qui est bien modeste, mais cette fois, oui, à l’échelon du continent. Peu importe que nous ne soyons pas dans l’Union européenne. Nous devons faire partie, dans ce dossier-là, d’une solution d’urgence mise au point au niveau européen. Une décision politique, forte. Une décision d’exception. Appliquée sous le contrôle des élus, et non laissée à la jungle des administrations.

     

    Parce que l’Afrique, ça existe. L’humanité africaine, aussi. Elle n’a rien à envier à la nôtre. D’ailleurs, au nom de quoi l’une des appartenances humaines de la planète serait-elle moins importante que d’autres ? Simplement, une grande partie de l’humanité africaine se trouve dans des conditions sociales, économiques, où nulle autre issue ne s’impose que celle de la migration. Ajoutez à cela la transformation en clans tribaux, avec tout ce que cela implique de rançons, de trafics et de passeurs, de certains pays d’Afrique du Nord où l’Occident, croyant que chasser un dictateur allait tout résoudre, a démantelé l’Etat. Et a ainsi laissé, plus encore que naguère, s’installer dans ces pays des pratiques envers les migrants rappelant les pires époques.

     

    De grâce, ne laissons pas les horreurs de ces naufrages en Méditerranée s’engluer dans le seul débat suisse sur les questions d’asile. Depuis plus de trente ans que je m’occupe de politique fédérale, ce dossier, livré aux technocrates, empesé par un fédéralisme de complication et d’administration, incapable de faire émerger des choix politiques clairs, est géré de façon catastrophique. Illisible, de plus : personne, dans la population, ne comprend rien à cette jungle de « centres de requérants » qu’il faut ouvrir, ici ou là, avec chaque fois les recours de la population locale. Aucune vision d’ensemble, juste la bureaucratie à l’état pur.

     

    Je ne sais pas ce qu’il faut faire, mais je sais que les migrants africains sont nos frères humains. On n’est évidemment pas obligé de les accepter tous. Et chaque pays, cela demeure mon credo, a le droit de réguler ses flux migratoires. Mais laisser ainsi la Méditerranée, qui devrait justement être ce lien sacré, intime et sublime, archaïque et recommencé, entre le Nord et le Sud, devenir le Cimetière marin des espoirs migratoires de nos frères en humanité sur le continent africain, alors là je dis non. On peut être de gauche ou de droite, placer où l’on veut le curseur de l’accueil dans notre politique migratoire, cela se discute dans les aléas de la politique. Mais là, nous sommes au-delà de la politique. Et la lumière de cet « Ailleurs » doit nous inspirer des postures et des décisions d’exception. Au nom de l’humanité, une et indivisible.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Kafka, l'oralité, la musique de l'énigme

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    Samedi 18.04.15 - 18.27h

     

    Un décor de radio-théâtre, années cinquante. Une scène, toute en longueur, deux rangées de spectateurs. On arrive, on a un peu peur : on se dit certes qu’on va écouter l’un des récits les plus éblouissants jamais écrits, mais enfin deux heures de « lecture », ça peut risquer d’être dur. On se trompe, et on s’en rend compte, pour son plus grand bonheur, dès les premières minutes : ce qu’ont réussi Daniel Wolf et ses douze comédiens, en nous restituant les dialogues du « Procès » de Kafka, saisit, ravit. Ils sont debout, face aux gros micros de l’époque, lisent leur texte, laissent tomber par terre la partie déjà lue, cela se fait en effet en radio. On se croirait dans un enregistrement « d’Enigmes et Aventures », à la grande époque. Au studio 15. Ou au studio 8.

     

    Ils lisent, et puis ils interprètent. Lisent. Jouent. Et nous séduisent. Après neuf répétitions seulement, ça n’est déjà plus une simple « lecture », c’est autre chose. Et l’état, inédit, de cet intermédiaire nous restitue, dans son rythme, sa musicalité, et surtout son absolue drôlerie, l’univers de ce récit, appelé « roman », composé en 1914, publié en 1925, un an après la mort de Kafka, à l’âge de 41 ans. Oui, ce « Procès », devenu l’un des grands textes de la littérature universelle, que tout le monde connaît ou croit connaître, l’ayant lu ou non, parce que son auteur est devenu aussi célèbre qu’une chose, un objet, un concept : on dit « kafkaïen » pour « absurde », « complexe », « bureaucratique », etc. On dit « Kafka » comme on dit « frigo ».

     

    Et justement, la vertu première de cette mise en bouche est de laisser venir à nos oreilles l’incomparable petite musique de l’un des plus grands prosateurs de la littérature de langue allemande. Toute ma vie, je me suis interrogé sur la nature profonde de l’oralité, sa vraie différence avec l’écrit, ou la lecture silencieuse, la réalité non masquée des enjeux d’une prise de parole en public. Ou de la lecture d’un texte à haute voix. « Mit lauter Stimme ». Hier soir, à la Comédie, devant le savoir-faire de ces comédiennes et comédiens, je n’ai cessé de penser à la saisissante épaisseur de ce mystère. Pourquoi fait-on de la radio ? Pourquoi, à tel point, rêvons-nous d’en faire ? La radio, ce qu’elle implique, ce qu’elle charrie, ne se limite pas, dans « Processus Kafka » de Daniel Wolf, à un simple artifice de décor. Elle a une autre fonction, profonde, dans les enjeux du texte.

     

    Alors, quoi ? Alors, c’est l’histoire de ce fameux Joseph K., remarquablement  interprété par le jeune et troublant Jean-Aloïs Belbachir, qui, un beau matin, se fait « arrêter », sans pour autant qu’on le conduise en prison, et surtout sans avoir la moindre idée de la cause des ennuis que lui veut la justice. La mise en lecture de Daniel Wolf procède à un découpage nous restituant les scènes les plus mythiques de ce récit, dont nous retiendrons notamment trois monologues : celui de Me Huld, l’avocat (Armen Godel). Celui de Titorelli, artiste-peintre (Pascal Berney). Celui, célébrissime, et sur lequel tant de commentateurs se sont exprimés, dont George Steiner, du prêtre (Jacques Maitre), aumônier du tribunal : la fameuse Parabole de la Loi, éditée séparément, en 1915, dix ans avant la publication intégrale et posthume du Procès «sous le titre « Vor dem Gesetz ». N’entrons pas ici dans la question majeure et capitale de ce qui fut finalement publié, ou non, dans l’œuvre de Kafka, en fonction – oui non – des désirs de l’auteur, avec le rôle, comme on sait, de son ami Max Brod.

     

    Il y avait deux classes, hier soir, niveau Maturité. Je me dis que certains de ces élèves, un ou deux peut-être, entreront un jour dans la lecture de Kafka grâce à cette mise en oralité. Les gens de théâtre d’hier leur en auraient donné le goût. Reste le mystère de ce récit à nul autre pareil, la profondeur des énigmes, à l’image de ce discours du Gardien de la Porte, dans la Parabole de la Loi, prophétique et sibyllin, ouvert et fermé comme une parole oraculaire, riche de multiples sens, dénué d’issue apparente. Quelque chose comme un texte sacré, livré à l’état brut, sans apparat critique. Pour la seule richesse de ses sons. Et le ravissement – comme en radio – de notre appétit musical, qui précède, en le dévorant, celui de notre entendement.

     

    Pascal Décaillet

     

    *** « Processus Kafka ». Direction Daniel Wolf. Encore ce soir (samedi), 19h, et demain (dimanche), 17h, à la Comédie.

     

  • Le patronat n'appartient pas aux libéraux

     


    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 15.04.15



    L’UDC genevoise voit rouge. Dans un communiqué publié le 8 avril, sa présidente, Céline Amaudruz, ainsi que le secrétaire général, Eric Bertinat, disent leur colère. Ils s’en prennent à une lettre, adressée par les plus hautes autorités de la FER (Fédération des entreprises romandes), soit le président Nicolas Brunschwig et le directeur général Blaise Matthey, aux 27'000 entreprises membres de cette organisation patronale, « pour favoriser, en Ville de Genève, le candidat PDC Guillaume Barazzone ». L’UDC genevoise, parti de droite, favorable à l’esprit d’entreprise et à la libre concurrence, voit dans ce soutien non seulement une injustice, mais aussi un décalage complet face à la situation actuelle de l’économie genevoise. Assurément, les arguments et le courroux de ce parti méritent d’être entendus.


     
    Bien entendu, la FER est une organisation libre de ses choix et préférences, elle a le droit de soutenir qui elle veut. Libre à ses entrepreneurs membres (dont votre serviteur) de tenir compte ou non de ses mots d’ordre, après tout nous sommes adultes et vaccinés. Mais tout de même, des questions se posent. Au-delà de cette faîtière et de Genève, pourquoi diable les représentants du patronat, en Suisse, sont-ils à ce point liés aux libéraux, au capitalisme financier, à une conception de l’économie dont le pays tout entier est gentiment en train de revenir, avec le retour des frontières, celui du sentiment d’appartenance, et surtout celui de préférence aux résidents. Préférence cantonale. Préférence nationale, jusqu’à un certain Christophe Darbellay, président du PDC suisse ?


     
    Ce qui exaspère l’UDC genevoise, c’est le soutien sans faille de la FER aux partis de l’Entente (PLR, PDC). Comme si l’UDC (ou d’ailleurs aussi le MCG, les Verts, les Verts libéraux, d’autres encore) n’étaient pas eux aussi des partis d’entreprise. Mais justement, de petits entrepreneurs souvent ! Ceux qui prennent tous les risques. Investissent (donc risquent de perdre) leur propre argent, leur patrimoine. Et qui ont moins accès que d’autres à certains crédits bancaires. Ce sont pourtant ces méritoires aventuriers-là qui sont la sève et le sang de l’économie genevoise de proximité, sa respiration, son poumon. « Ni le PLR, ni même le PDC, poursuit le communiqué de l’UDC, ne sont aujourd’hui les acteurs principaux de la politique économique ». Et ils rappellent ce récent classement de l’USAM (Union suisse des arts et métiers), la faîtière nationale des petits patrons, notamment dans le commerce et l’artisanat, reconnaissant l’UDC comme le parti le plus proche de l’économie en Suisse.


     
    Tiens l’USAM, un mot sur le sujet. Depuis que la présidence de cette organisation, longtemps radicale, est assumée par une personnalité UDC de premier rang, le Fribourgeois Jean-François Rime, on voit fleurir, sous d’improbables plumes libérales, tous les reproches du monde contre ses nouvelles orientations. Comme si la norme, pour l’éternité, de tous les représentants du patronat en Suisse, était la totale obédience à l’idéologie libérale et à ses affidés. Oui, sur ce coup l’UDC genevoise a eu raison de rugir. Non, les patrons ne sont pas tous libéraux. Oui, certaines organisations,  à Genève comme en Suisse, sont en retard de plusieurs guerres. Des changements s’imposent.


     
    Pascal Décaillet