Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Liberté - Page 808

  • Triple menton et triporteur

    4508346522.jpg 

    Commentaire publié dans GHI - 25.04.18

     

    L’élection d’un nouveau Parlement, pour cinq ans, donne aux citoyens l’illusion d’un printemps : la vie est belle, les jours s’allongent, et la nature est là, qui nous invite et nous aime. C’est chaque fois la vie qui recommence, la sève qui monte, l’arrivée de quelques jeunes comme l’aube d’un nouveau monde.

     

    Soit. Mais l’Histoire est tragique. L’amorce d’un progrès, et déjà le reflux. Démarche de crabe, sans cohérence, quelque chose du discours d’un fou, dont parle Shakespeare. D’autant que les nouveaux, pour la législature 2018-2023, ne sont pas légions : dans certains partis, on s’est contenté de reprendre les mêmes. L’innovation, par l’archaïsme.

     

    Et puis, chez nos bons éditorialistes, on s’est précipité à saluer un « retour aux équilibres, ou aux « partis traditionnels », ce qui, en passant, en dit long sur la puissance mentale révolutionnaire qui règne dans la presse romande. On leur fourguerait du Louis XVIII, avec perruque, triple menton et triporteur, ils en glapiraient d’extase.

     

    Je prends ici un pari. Celui que la prochaine législature trimbalera les mêmes antagonismes de classe que ceux de la précédente : imposition des entreprises, caisse de pension des fonctionnaires, logement, coûts pour se soigner. Il y aura une gauche, il y aura une droite. Et il y aura toujours le MCG, plus maigre mais plus cohérent, pour arbitrer, à commencer par son conseiller d’Etat. Et la vie continuera ! Et les ultimes Bourbons, entre deux fatigues patriciennes, continueront de roter leur arrogance. Pour cinq ans. Ou pour l’éternité, nous verrons.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Tropisme du Levant

    49834744.jpg 

    Sur le vif - Mercredi 25.04.18 - 16.42h

     

    Je n'utilise jamais le mot "l'Occident". Ce dernier présuppose une agrégation d'identité, de valeurs, de culture, entre nos pays d'Europe et le monde anglo-saxon, principalement les États-Unis d'Amérique. Et cette communauté serait plus importante que ce qui nous relie à l'Orient. Je n'en crois rien.

     

    L'Orient, ça commence avec les Balkans. Puis surtout la Grèce, dont j'ai commencé à étudier la langue en 1971. Puis la Bulgarie, la Turquie, le Proche et le Moyen-Orient. On peut aller ainsi jusqu'à l'Iran, voire jusqu'à l'Indus, comme Alexandre.

     

    Je suis allé maintes fois en Grèce, et pas seulement sur les sites touristiques. J'arrive à comprendre ce que raconte le journal Ta Nea, j'ai la chance de lire Homère dans le texte.

     

    Je suis allé souvent dans les Balkans, au Proche-Orient, en Afrique du Nord. Je m'y sens bien. Comme en Italie. On y respire l'Histoire, les strates de civilisation, les guerres et les traités, les arts, la richesse plurielle des religions.

     

    Le ville que je préfère, plus encore que Rome, c'est Jérusalem, la Vieille Ville surtout, du côté de la Porte de Damas. Chrétiens, Juifs, Musulmans, millénaires d'Histoire, couvents arméniens, inscriptions syriaques, géorgiennes, coptes : l'immensité du monde, à livre ouvert.

     

    Dans ces conditions, sans avoir rien contre le Nouveau Monde, je ne vois pas pourquoi je m'afficherais particulièrement d'une appartenance à "l'Occident", alors que tout (à part ma fascination pour l'Allemagne) me porte, ou plutôt me transporte, vers l'Orient compliqué.

     

    Dire "l'Occident", c'est accepter comme fait accompli la vision de coupure du monde en deux que certains, notamment du côté américain, veulent nous imposer. On se souvient de l'ahurissant "conflit de civilisations" de l'entourage de George Bush Junior, pour nous faire avaler en 2003 la pilule de la catastrophique expédition militaire en Irak.

     

    A mes amis de Grèce, de Turquie, du Proche-Orient, de l'Iran, et tous les autres, j'adresse mon fraternel salut.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Une Genève à un million d'habitants, non merci !

    584e9dc3b1c6e.jpg 

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 25.04.18

     

    Une campagne sans thèmes de fond ? Mensonge ! Si certains confrères, et surtout certaines consœurs, n’ont voulu voir la joute électorale 2018 que sous le prisme de certaines « affaires », c’est leur problème. Rien ne les obligeait à nous apprêter servilement des fabulettes que les états-majors politiques voulaient absolument propager, pour affaiblir un candidat, ou surtout une candidate, adverse. Une histoire que l’on raconte, qui implique-t-elle en priorité, si ce n’est le narrateur ? Et le plus fou, c’est que les mêmes sont venus soupirer que la campagne avait été ennuyeuse, alors qu’ils en avaient, les premiers, occulté les grands thèmes, pour nous balancer de la démolition personnalisée à la petite semaine.

     

    Les grands thèmes ? S’il en est un, à part évidemment les primes d’assurance maladie, le logement, la fiscalité et la mobilité, c’est bien le modèle de croissance économique de notre canton. A part le remarquable candidat indépendant Willy Cretegny, viticulteur à très forte conscience environnementale, doté d’un bon sens humaniste que d’autres pourraient lui envier, qui a franchement mis sur la table ces enjeux-là ? Ces yeux de Chimène, sans cesse braqués par les élus sortants sur le Graal 2030, ces scénarios de croissance qui nous promettent une Genève à un million d’habitants, sans la moindre réflexion sur la régulation des flux migratoires, qui (à part Willy Cretegny) a osé mettre en cause l’étendue chimérique de ce champ d’illusions ?

     

    C’est dommage. Parce que, dans la population, et même dans les candidats au Grand Conseil (pour peu qu’on prît la peine de leur donner la parole), on a senti poindre une sourde inquiétude face au grand mirage libéral de la croissance sans entraves. Il ne s’agit pas ici de prôner la décroissance, je suis moi-même un petit entrepreneur, je sais à quel point tout est fragile. Mais les scénarios démesurés d’extension de l’aéroport, le bétonnage de nos campagnes, l’acceptation comme un fait accompli d’un flux transfrontalier qui confine au délire, tout cela travaille les citoyennes et citoyens de ce canton. A cette croissance sans contrôle, d’innombrables personnes, et pas seulement à gauche, veulent opposer un modèle de développement humain, raisonnable, doux et maîtrisé. Parce que les gens de Versoix, du Grand Saconnex de Meyrin ou Vernier (pour ne prendre que quelques exemples) ne bavent pas de jouissance à l’idée d’un décollage ou atterrissage toutes les 90 secondes.

     

    Colère montante, oui. Parce que les Genevois aiment leur canton. Ils aiment son paysage, la belle concentration urbaine autour de la Rade, et en arrière-plan, le poumon demeuré d’une campagne. Avec ses terres agricoles, ses vignes, ses villages, comme autant de lieux de respiration. Quant aux Lyonnais qui se proposent d’aller faire la noce, pour un week-end, à Berlin ou Barcelone, on les priera poliment de le faire au départ de Lyon, et non de Genève. Pour notre part, demeurons ce que nous sommes : ouverts au monde, mais ancrés dans l’amour de notre terroir. Nous en avons la responsabilité.

     

    Pascal Décaillet