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Liberté - Page 805

  • Pour la vérité, enfin, dans les Balkans

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    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 29.11.17

     

    L’Histoire des Balkans est, depuis plus de trente ans, donc déjà bien avant l’éclatement de l’ex-Yougoslavie (1991), l’une de mes passions. Elle est complexe, terriblement. Elle se mêle avec intimité à l’Histoire des langues, des alphabets (cyrillique ou latin), des religions (catholicisme, orthodoxie, Islam). Elle révèle les grandes fractures des derniers millénaires : entre l’Empire romain d’Orient et celui d’Occident, puis entre Empire ottoman et austro-hongrois.

     

    Au milieu des années 80, on sentait bien que le fragile équilibre construit par Tito, libérateur du pays en 1944-45, puis homme fort, ne tarderait pas à s’écrouler. Dès la chute du Mur de Berlin, le 9 novembre 1989, les choses étaient claires : l’Allemagne d’Helmut Kohl allait provoquer la réunification, redevenir une puissance politique, donc jouer dans les Balkans (avec l’Autriche, ancienne puissance tutélaire) un rôle majeur. La suite, on la connaît : indépendances proclamées en Croatie et en Slovénie, immédiatement soutenues par l’Allemagne et l’Autriche (1991), puis par les instances européennes ; guerre sanglante et tragique en Bosnie, dans laquelle intervient l’horreur de Srebrenica, Accords de Dayton en 1995 (qui ne règlent rien devant l’Histoire), puis guerre au Kosovo, avec afflux de réfugiés, en 1999.

     

    Au cours de ces événements, le Général Ratko Mladic, commandant militaire des Serbes de Bosnie, qui vient d’être condamné à perpétuité, à La Haye, par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), a, assurément, commis le pire. Notamment, à Srebrenica. Cela, il ne s’agit en aucun cas de le nier. Mais cela ne doit pas nous interdire une réflexion sur les crimes commis, non seulement côté serbe, mais par l’ensemble des forces en conflit. Avez-vous entendu parler, par exemple, de l’Opération Tempête, commise par les Croates, contre les Serbes de Krajina, au cours de l’été 1995 ? Oh certes, on rappellera que le TPIY a d’abord condamné son chef, le Général croate Ante Gotovina, en 2011 (avant qu’il ne fût… acquitté en appel en 2012). Mais enfin, on ne peut s’empêcher de remarquer que les gens de de La Haye ont montré, tout au long de son existence, davantage de zèle à pourchasser les Serbes que les autres.

     

    Autre exemple : l’Armée de libération du Kosovo, adulée par une partie de la presse romande à la fin des années 1990, et ses exactions, notamment en matière de trafic d’organes. Face à ces gens-là, la « justice internationale » de La Haye a-t-elle montré la même inflexibilité que face aux Serbes ? La réponse, clairement, est non. On nous permettra donc, sans pour autant défendre M. Mladic, d’émettre les plus grands doutes sur l’impartialité des juges et du Ministère public de La Haye, sur leur indépendance par rapport au camp des puissants, à commencer par l’OTAN, les États-Unis. Sans oublier le rôle de l’Allemagne de M. Kohl, qui reste à écrire. On attend énormément, dans ce domaine, des historiens. La balle est dans leur camp. A eux, au fil des années, de rétablir les équilibres, de faire enfin apparaître la vérité.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Manu l'Africain

     

    Sur le vif - Mardi 28.11.17 - 14.12h

     

    Je viens d'écouter le discours d'Emmanuel Macron à Ouagadougou, en prélude de sa tournée africaine. Il dit beaucoup de choses intéressantes, humanistes, autour du continent africain, et de la nécessité du lien avec nos pays.

     

    Oui. Mais la manière dont il l'énonce, la mise en scène autour de son discours, le paternalisme impossible à dissimuler, tout cela laisse percevoir que, quel que soit le Président français, sa couleur politique, son idéologie, et même peut-être sa sincérité, la Françafrique n'est pas morte.

     

    Depuis Charles de Gaulle, l'homme de l'éclatant Discours de Brazzaville (30 janvier 1944), sur le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, jusqu'à Emmanuel Macron, en passant par le très africain François Mitterrand (ministre de l'Outre-Mer en 1951, crois-je me souvenir), la visite d'un responsable français en Afrique continue de parachever à l'infini l'aimable déplacement du colon, venu saluer les foules, et relever les compteurs.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Ceux qui se retroussent les manches

     

    Sur le vif - Lundi 27.11.17 - 12.20h

     

    "Start-up", "innovation"... Je ne suis jamais tombé, une seule seconde, dans cette mystique lustrée de la modernité. Ces mots m'agacent, depuis toujours. Ils relèvent plus de l'incantation que du réel.

     

    Mon père (1920-2007), mon grand-père paternel (décédé en 1941) étaient entrepreneurs. Mon père était, en plus, ingénieur, il a passé sa vie à construire des ponts, des tunnels, des galeries dans la montagne, des maisons. Moi-même, à mon minuscule niveau, je suis, depuis douze ans, entrepreneur. Cela signifie, principalement, que je suis mon propre patron, j'assume le risque économique, j'ai investi dans des locaux, du matériel, comme des dizaines de milliers de responsables de PME, en Suisse. Je prends le risque : tout peut s'écrouler, à tout moment.

     

    Je ne dis pas qu'il ne faut pas innover. Je dis que je n'aime pas la facilité liturgique du mot "innovation". Je ne dis pas qu'il ne faut pas démarrer (je l'ai fait, le 6 juin 2006, au Registre du Commerce), je dis que le mot anglais "start-up" m'emmerde. Ensuite, chacun fait ce qu'il veut, utilise le vocabulaire qu'il veut. N'étant pas pour le langage inclusif, je ne vais évidemment pas plaider pour l'exclusif.

     

    La vérité, je vais vous la dire. Le monde du travail me passionne, depuis l'aube de mes jours. Il y a des gens, tous métiers confondus, qui arrivent dans leur atelier, leur cuisine, leur pâtisserie, leur usine, leur bureau, sur leur chantier, peu importe, et qui se retroussent les manches. Et ils se mettent au boulot. Et ils bossent dur, toute leur vie. Et ils se montrent inventifs, réformateurs, parce qu'ils savent très bien qu'ils faut s'adapter, pour survivre.

     

    Ce sont ces gens-là que j'admire. A commencer par les plus modestes d'entre eux. Ceux qui, malgré l'ingratitude du salaire, ou du revenu, considèrent, au fond d'eux-mêmes, que rien ne vaut un travail bien fait. Des délais respectés. Du professionnalisme dans le geste. Ce sont ces gens-là, depuis le commis de cuisine jusqu'à l'aide-infirmière, qui font avancer une société.

     

    Ceux-là font leur boulot, toute l'année, toute leur vie. Sans nous bassiner avec le mot "innovation". Qu'il me soit permis, ici, de leur rendre hommage.

     

    Pascal Décaillet