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Liberté - Page 802

  • Italie : la faute présidentielle

     

    Sur le vif - Lundi 28.05.18 - 07.06h

     

    En Italie, le veto du Président de la République à la présence aux Finances de Paolo Savona, jugé germanophobe et hostile à l'euro, montre à quel point ce pays est inféodé à l'Allemagne sur les questions financières et monétaires.

     

    Ce veto donne le signal qu'il existe, aux yeux du Président, des considérations extérieures au respect de la volonté populaire italienne, clairement exprimée lors des dernières élections. Singulière conception de la souveraineté nationale, surtout chez celui qui devrait en être le garant.

     

    Ce veto va contribuer à faire monter encore le réflexe "anti-système", aujourd'hui majoritaire dans le pays.

     

    La gentille Italie de l'après-guerre, élève modèle de la construction européenne, berceau du Traité de Rome de 1957, c'est fini. Revoilà l'Italie, dans la fierté réinventée de son affirmation nationale. Une Italie souveraine, c'est cela le message du peuple, aux dernières législatives.

     

    Monsieur le Président, vous venez de commettre une erreur majeure. Peut-être même une faute politique.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Mort d'un génie

     

    Sur le vif - Dimanche 27.05.18 - 09.35h

     

    Pierre Bellemare, une très grande voix de la radio. Il avait la tessiture. Il avait le rythme. Il avait les silences. Il avait les ruptures de tempo, pour briser la monotonie. Il parlait droit devant lui, penché en avant, plongé dans le cœur vivant du micro. Il parlait, on l'écoutait. Il parlait, on le comprenait. Il parlait, il nous atteignait. Par sa voix, par le seul miracle des syllabes, il racontait, évoquait, restituait. C'est cela, un homme de radio. C'était cela, Pierre Bellemare.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Jean Romain, humaniste et républicain

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    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 23.05.18

     

    La Présidence du Grand Conseil, ça n’est pas toujours un cadeau. Le rôle d’un député c’est de parler, prendre position, croiser le fer. Et là, justement, celui que ses pairs ont, pour un an, élu au perchoir, doit se la coincer. Sur le fond des débats, il ne peut dire ce qu’il pense. Tout au plus a-t-il le droit d’arbitrer, mesurer le temps de parole, faire la police. Et aussi, hors de l’enceinte, tenir son rôle en inaugurant des tonnes de chrysanthèmes. Quelque chose, au fond, de très honorant, et en même temps d’incroyablement frustrant. Comme un grand joueur de foot à qui on dirait : « Pour un an, tu seras arbitre ». J’ai regardé attentivement, depuis des années, le visage de chaque Président de notre Parlement cantonal, au moment où il siège au perchoir : toujours, quel que soit l’homme ou le parti, ce singulier mélange de dignité et de tristesse. On a quand même l’impression que l’éminent personnage, du haut de sa chaire arbitrale, se dit qu’il pourrait être ailleurs, dans sa vigne ou sur sa piste de pétanque, sur ses pâturages ou les rives du lac. Dire que la fonction rend jovial serait exagéré.

     

    Et c’est là qu’intervient Jean Romain. Elu ce mardi 15 mai, brillamment (81 voix), pour déclarer, pendant un an, « Il vous reste dix secondes, votre temps est écoulé, vous n’avez pas la parole, nous sommes en procédure de vote, pas d’opposition, adopté », etc. Chez cet homme de verbe et d’intelligence, un an pour arborer sa sagesse tout en mangeant son chapeau, écouter pérorer des bretteurs moins saillants, soupirer en son for, avaler sa barbe, vitupérer l’époque, proclamer la pause, saluer les personnalités de la tribune, un an ! Son boulot, il le fera bien. Puisse-t-il, en plus de la perfection horlogère qu’implique la conduite des débats, y laisser poindre, juste pour l’étincelle, quelques fragments de lumière dans la nuit arctique de la loi en gestation. Quelques pointes d’humanisme. Quelques comètes d’humour. Juste pour nous rappeler qu’il est Jean Romain, professeur de philosophie à la retraite, essayiste, écrivain, amoureux des lettres et de la pensée, et non Jules Tartempion, simple passant.

     

    Pour le reste, Genève peut se féliciter d’avoir, pour un an, un humaniste et un républicain au perchoir de son Parlement. Humaniste, par sa culture, son goût de la chose écrite, son attachement à la Grèce ancienne, sa passion pour les mots. Républicain, car Jean Romain est viscéralement un radical. Il aime l’Etat, n’en rejette pas l’idée comme archaïque, il a le sens de l’institution, il n’a rien à voir avec les têtes brûlées ultra-libérales qui ont fait tant de mal (ça va mieux maintenant) autour de l’an 2000. Un rien d’atavisme, que vous me pardonnerez, me conduira, comme pour Guy Mettan, à saluer son origine valaisanne, le sens de l’image et de la formule, la chaleur de la sève au cœur de chaque artère. Bref, à mon ami Jean Romain, qui porte haut la mémoire et l’exigence, je souhaite une excellente année présidentielle.

     

    Pascal Décaillet