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Liberté - Page 683

  • Le crépuscule de la démocratie représentative

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 12.12.18

     

    Un Palais fédéral au petit matin, avec encore les lumières de la nuit, la magie de la Vieille Ville de Berne, la beauté dorée de la pierre, la ruche des antichambres. C’était, ce mercredi 5 décembre, le décor de contes de fées de la double élection au Conseil fédéral, suite aux départs de Doris Leuthard et Johann Schneider-Ammann. Ces liturgies électorales de décembre, dans la magie bernoise, j’en ai couvertes de nombreuses, à l’époque, pour la RSR, dans la totale excitation du direct. Mais c’était de la radio : le miracle venait du mélange des voix, et du savoir-faire narratif à travers un micro. La télévision, elle, nous amène la chaleur d’une mise en scène, l’immédiateté de l’image. En cela, quelle que soit la distance prise par ses journalistes, elle fonctionne comme outil au service du système. Quel système ? Mais le Parlement lui-même, en tant qu’institution ! A travers lui, la démocratie représentative.

     

    Au matin de ce 5 décembre, qu’avons-nous vu ? 25 ans après le psychodrame de la non-élection de Christiane Brunner, 15 ans après la non-réélection de Ruth Metzler, 11 ans après celle de Christoph Blocher, nous eûmes droit à la plus parfaite des félicités. Sur le résultat, je n’ai rien à dire : le Parlement a élu, à mes yeux, avec la PLR saint-galloise Karin Keller-Sutter et la PDC valaisanne Viola Amherd, les meilleures personnes. Mieux : il a élu chacune d’entre elles au premier tour ! Tout cela, avant 10 heures du matin, était liquidé. Du bon boulot, réglé, comme du papier à musique.

     

    Et c’était exactement cela, le signal que le Parlement voulait donner. Ce pouvoir législatif fédéral 2015-2019, qui a tant piétiné sur les dossiers majeurs qui doivent façonner le destin du pays (assurances sociales, LAMAL, Suisse-Europe), quand il n’a pas carrément tronqué la volonté populaire (application de l’initiative du 9 février 2014 sur l’immigration de masse), avait un sérieux besoin, en termes d’images, de se refaire une beauté. L’élection du 5 décembre lui a donné cette occasion. Elle tombait à point nommé, à moins d’un an (20 octobre 2019) des élections fédérales ! Oui, la Sainte Messe matinale de la double élection au Conseil fédéral fut une opération destinée à redorer le blason d’un Parlement qui, sur le fond de son travail, n’a pas particulièrement marqué des points pendant cette législature. Oui, au matin du 5 décembre, pendant deux heures, il a fait du bon boulot : non, cela ne doit pas oblitérer la qualité discutable de son travail, sur le fond, ces dernières années.

     

    Mes propos jettent un froid ? Eh bien, jetons ! Et disons les choses comme elles sont : la bonne vieille démocratie représentative suisse, qui vécut ce 5 décembre sa grande féérie de fin d’automne, efficace mais crépusculaire, n’est peut-être pas l’institution qui représente le plus l’avenir de la Suisse. Il en existe une autre, férocement concurrentielle, surgie des profondeurs telluriques de notre peuple : elle s’appelle la démocratie directe.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Manu chez la manucure

     

    Sur le vif - Mercredi 12.12.18 - 10.13h

     

    Un jour, il y a une vingtaine d'années, un abruti de "communicant" a dû décréter que face à une caméra, il fallait poser ses mains délicatement, sur la table, ne surtout par les bouger, joindre les index, se tenir parfaitement figé, comme un marmot que ses parents, à table, viennent de rappeler à l'ordre.

     

    Et depuis, des dizaines de milliers de dociles politiques, abreuvés au même catéchisme statique, impuissant et ringard, épousent la posture, comme chez la manucure.

     

    La prise de parole, Monsieur le Président, n'est pas une question de sagesse dans la fabrication de l'image. Mais de vérité intérieure, torrentielle, parfois violente, impétueuse. Elle libère le ventre et les mains, laisse courir le geste, accomplit le thorax et l'abdomen, sculpte la voix dans le grave ou dans l'aigu. Elle affirme la sincérité d'un homme. Elle ne fige pas l'immobilité douceâtre d'un pantin.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Macron : la tiède pénombre du confessionnal

     

    Sur le vif - Mardi 11.12.18 - 16.14h

     

    Le problème no 1 de Macron n'est pas qu'il soit gentil ou méchant, hautain ou empathique, ni même qu'il ait compris les Français. Il y a, dans cette exigence d'être "compris" par le monarque, quelque chose d'infantile : on ramène tout au père, dans le bien comme dans le mal. Non, le problème de Macron ne réside pas dans ce qu'il est, même si cela joue un rôle.

     

    Le problème no 1, que j'ai maintes fois souligné ici depuis le printemps 2017, époque de son élection, c'est qu'il est un Président à contresens. Non qu'il faille caresser l'opinion dans le sens du poil, surtout pas ! Mais comprendre l'époque. Saisir les grands enjeux. Avoir la culture politique et historique pour projeter ces éléments de connaissance comme moteurs de l'avenir à construire.

     

    "Seule la tradition est révolutionnaire" : l'une des plus belles phrases de Péguy, qui n'en est pas avare, surtout dans les Cahiers de la Quinzaine. Je l'entends, depuis l'adolescence, comme une absolue nécessité d'aller quérir dans les racines - et non dans une abstraite géométrie - la puissance d'action pour réinventer la vie. Cela, il me semble que Macron ne l'a pas compris.

     

    Il ne rêve que d'Union européenne, alors que, de partout, revient puissamment l'idée de nation. Il construit des rêves orléanistes, jusqu'au délire ultra-libéral, là où tous les peuples d'Europe réclament un retour de l'Etat, de la dimension humaine du travail, de la solidarité sociale, de la redistribution. Il peine à saisir (malgré une très légère concession, dans le discours d'hier) le besoin immense des peuples de contrôler les flux migratoires. A l'Assemblée, il n'a que des députés godillots, portant le nom d'un parti venu de nulle part, juste créé, au printemps 2017, comme écurie de soutien au nouveau Président. Écueil du quinquennat, erreur majeure !

     

    Hier, on nous annonçait le Discours d'un Roi. Nous eûmes droit, tout au plus, au chuchotement de l'enfant pris en faute, dans la tiède pénombre du confessionnal.

     

    Pascal Décaillet