Liberté - Page 52
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Comme Henri de Navarre, franchissant le Pont Neuf
Sur le vif - Samedi 07.09.24 - 17.45hJe vais vous dire pourquoi, à mes yeux, Michel Barnier est l'homme de la situation.Il ne l'est pas à cause des ses idées. Il est européiste, à l'heure où montent en France le retour au sentiment national, et une méfiance viscérale face la machine bruxelloise. Il est droite molle humaniste et gentille, à la Bayrou, alors que triomphe une droite nette, intransigeante. Il est un peu ennuyeux, tiens Bayrou de nouveau, là où il faut être tonique, galvanisant, fonceur.Et pourtant, cet homme a ma confiance. Si j'étais citoyen français, je la lui accorderais. Je lui donnerais sa chance.Pourquoi ? Non en fonction de ce qu'il PENSE, mais en vertu de ce qu'il EST. Qu'on l'aime ou non, qu'on partage ou non ses options, Michel Barnier, 73 ans, un demi-siècle d'une carrière politique remarquable et variée, est un homme sage. Un homme de devoir et de rigueur. Un très grand serviteur de l'Etat. Un patriote. Un homme qui aime la France. Dans l'inimaginable chienlit actuelle, que Macron a largement contribué à créer, il fallait l'électrochoc d'un homme de pondération, de mesure et d'expérience. L'anti-Mélenchon. L'anti-Bardella. Un bon vieux MRP, austère, un peu ennuyeux, pétri de gaullisme social, d'ancrage régional, de connaissance intime des terrains et des réseaux, l'anti-bling-bling.Voilà de longues années, peut-être depuis Villepin, qu'il n'y a plus de Premier ministre en France. Tout au plus des chefs de cabinet du Président de la République. Des exécutants. Des passants. Je n'ai aucune idée de ce qu'Edouard Philippe a fait, encore moins Jean Castex, ni Elisabeth Borne. Gabriel Attal, oui, j'ai apprécié ce jouvenceau plein de fougue et d'intelligence, on le retrouvera un jour.Et puis voilà que débarque, de cette Savoie qui n'est française que depuis 1860, un homme ayant 26 ans de plus que le Président, 38 de plus qu'Attal ! Mathusalem passant le Pont-Neuf, tel Henri de Navarre, que tout le monde avait oublié, et qui fit ce que personne n'avait fait : il réconcilia les Français.L'enjeu de Barnier, si on veut bien le laisser survivre aux motions de censure, c'est exactement celui-là. Non pas imposer une politique de droite, surtout pas libérale. Non pas imposer davantage d'Europe. Mais s'immerger dans la complexité protéiforme d'un Parlement passionnant (le rôle de ce dernier est d'avoir son existence propre, non d'être une Chambre d'enregistrement). Ecouter. S'adapter au terrain. Trouver des compromis.Tout cela est très suisse. Ennuyeux. Austère. Peu spectaculaire. Tout cela exige un homme sage, pétri d'expérience, soucieux du bien public. Je pense que Michel Barnier a ces qualités-là. S'il échoue, il retournera en Savoie. S'il réussit, même sur un ou deux points seulement, s'il calme le jeu, apaise la folie actuelle qui rappelle les Guerres de Religion, s'il entre dans Paris pour unir, et non disperser, alors il œuvrera pour la France. Puisse-t-il réussir !Pascal Décaillet -
"Chaque citoyen est nécessaire" : enfin, ces quatre mots !
Sur le vif - Samedi 07.09.24 - 10.17h"Chaque citoyen est nécessaire" : il aura fallu tant de décennies, en France, pour entendre enfin un Premier ministre prononcer ces quatre mots simples, essentiels. Enfin, en France, est affirmé le respect, non des grands, non des princes, non des puissants, non des Guise et des Condé, mais de cette unité indivisible qui fonde la République : chaque citoyenne, chaque citoyen. Montesquieu, enfin, peut se réveiller. Et avec lui, les plus grandes âmes de la Révolution, qu'elles fussent pour le régime d'Assemblées ou, comme votre serviteur, pour la totalité citoyenne au pouvoir suprême."Chaque citoyen est nécessaire". Et ces insupportables chaînes privées françaises, TOUTES TENDANCES CONFONDUES, qui ne parlent que de Macron, ou des chefaillons de partis, ou des aspirants au pouvoir, et JAMAIS DES CITOYENS ! C'est cela, le drame de la France, cette obsession pour les personnes, les corps intermédiaires, les "élus", tout ce cirque lamentable, cette faune recommencée."Chaque citoyen est nécessaire". Il existe, en plein centre de l'Europe, un petit pays où ce principe est capital. Il s'appelle la Suisse. Dans ce pays, le personnage principal, ça n'est ni l'élu exécutif, ni l'élu législatif, ni le juge, ni le chef de parti. Non, c'est la citoyenne, le citoyen ! Et c'est le grand collège électoral des citoyens, qu'on appelle (pour faire court) "le peuple", qui constitue l'ultime pouvoir d'arbitrage."Chaque citoyen est nécessaire". Il aura fallu un vétéran de 73 ans, Savoyard, ami de Jean-Claude Killy, gaulliste ouvert et social, fier de sa mère "chrétienne de gauche", pour que fussent enfin prononcés ces quatre mots. Ils sont la clef du renouveau.Pascal Décaillet -
Le bras armé des USA
Commentaire publié dans GHI - Mercredi 04.09.24
Le plus insupportable, avec l’OTAN, c’est cette image d’organisation gentille, convenable, au service du Bien. Alors dans ces conditions, face à ce parapluie de la liberté, nous Suisses, pourquoi diable ferions-nous la fine bouche ? Tant de gens, dans notre pays, colportent cette image, sans se rendre compte qu’elle est un pur produit, depuis 1949, de la propagande américaine en Europe. Un cliché de la Guerre froide : à l’Ouest la liberté, à l’Est le monde grisâtre de la dictature. Dans son fameux discours de Berlin, en 1963, Kennedy n’avait-il pas parlé du « monde libre » ?
Que la réalité soit infiniment plus complexe, cela n’effleure pas une seule seconde nos belles âmes atlantistes, toujours à vibrer sous les couleurs de l’Oncle Sam. Les mêmes ne disaient rien contre la guerre du Vietnam. Les mêmes se sont tus, contrairement à votre serviteur, en avril 2003, lors de l’agression américaine sur l’Irak. Pour eux, les monde se divise en deux : les Etats-Unis, c’est le Bien, tout le reste, c’est le Mal.
Pour ma part, et cela remonte à mon rapport très ancien à la DDR (qui, à tant d’égards, valait tellement mieux que sa réputation), j’ai toujours refusé cette vision manichéenne du monde. Je n’ai rien contre les Etats-Unis, mais leur impérialisme, leur constante belligérance, doivent être condamnés. Or, l’OTAN, ça n’est pas une organisation gentille, ni amie. C’est le bras armé de la politique américaine en Europe.
Pascal Décaillet