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Liberté - Page 439

  • Conseil d'Etat : la Ligne Maginot

     
    Sur le vif - Mercredi 07.10.20 - 18.50h
     
     
    Le ronron pépère du Conseil d'Etat, en silos, alors qu'un cabinet de guerre anti-crise économique s'impose, me fait penser aux généraux français de la Ligne Maginot, entre le 2 septembre 1939 et le 10 mai 1940 (l'attaque à l'Ouest).
     
    Savez-vous par exemple que le Général Gamelin, généralissime en retard d'une guerre, utilisait encore le bon vieux téléphone de campagne, le même que celui des tranchées de 14-18, alors que les Divisions Panzers allemandes, mobiles et autonomes, communiquaient entre elles, en mouvement, par radio ?
     
    Lire absolument un livre dont je parle souvent, l'un de mes ouvrages de chevet depuis 40 ans : "L’Étrange Défaite", de Marc Bloch, qui nous raconte de façon saisissante l'aspect intellectuel et moral de la déroute française de mai-juin 40. Alors que la Mobilisation générale de 1939 s'était très bien passée, parfaitement coordonnée. Alors que le matériel français (contrairement à la légende instillée après la défaite par Vichy, pour charger Blum et le Front populaire de 36) était aussi moderne que celui des Allemands. Alors, surtout, que les soldats français se sont, là aussi contrairement à la légende noire de Vichy, courageusement battus.
     
    Quand je vois ce Conseil d'Etat inerte et disparate, je songe aux braves généraux français de la Ligne Maginot, pendant la Drôle de Guerre, entre le 2 septembre 39 et le 10 mai 40. Ils sont tétanisés. Ils n'osent pas le mouvement. Ils n'osent rien. Ils s'enterrent, en attendant que l'Histoire, quelque part au-dessus de leurs têtes, fasse son oeuvre.
     
     
    Pascal Décaillet
     
     

  • L'économie, voilà l'urgence no 1 !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 07.10.20

     

    D’ordinaire, on se plaint de la vue trop courte des politiques. On leur reproche de ne pas voir à long terme, ne se soucier que de l’immédiat, n’avoir aucun projet d’ensemble, ne songer qu’à leur réélection. On brandit des contre-figures : de Gaulle, Mendès France, Willy Brandt, Bismarck. Fort bien. Mais le problème, c’est que juste maintenant, début octobre 2020, c’est exactement le contraire qui se produit ! La mode absolue, celle qui régente les consciences, obnubile le candidat comme l’élu, c’est le climat. Presque tous les partis ont piraté les priorités des Verts, s’imaginant qu’en surfant sur la vague, ils récolteraient des voix. Presque tous nous entonnent la chansonnette du climat. Presque tous ont repris, tels des perroquets, la petite musique des Verts, et jusqu’à leur ineffable terminologie : transfert modal, mobilité douce, transition énergétique, etc. S’il est une bataille que les Verts ont provisoirement gagnée, c’est bien celle du langage. Les plus redoutables ministres de la propagande le savent : dicter le choix des mots est une étape capitale dans la conquête des âmes.

     

    Tout cela est bien joli. Bien gentil. Aimablement pétri de nobles intentions. Mais enfin, vous regardez, de temps en temps, autour de vous ? Vous les avez vues, les queues, pour obtenir un cabas de nourriture d’une vingtaine de francs ? Vous les voyez, les entreprises qui suppriment des postes, licencient ? Les visages de certains, dans la rue, dans les trams ? Vous les lisez, au moins un peu, les pages économiques des journaux : indicateurs au rouge, perte générale de confiance, navigation à vue, règne de l’imprévisible, colère contre les ukases sanitaires les plus contradictoires, rage contre l’arbitraire, plongée du pouvoir d’achat des classes moyennes ? Désolé de refroidir ici les ardeurs climatiques tellement à la mode, désolé de décevoir tous ces ardents regards portés vers le très long terme, l’horizon théologique, l’Apocalypse. Désolé, oui, mais j’appelle de toute urgence la classe politique à recentrer ses préoccupations sur le hic et le nunc des Latins, les cris de douleur d’ici et de maintenant. Que la société suisse s’occupe en priorité des siens, les Suisses. Que la société genevoise s’occupe des résidents genevois. Priorité aux nôtres ! Nous devons sauver notre économie, nos PME, nos petits patrons et leurs employés. Nous devons sauver l’emploi. Tout cela, non pour l’horizon 2050, mais pour ici et maintenant ! Noël, c’est dans deux mois et demi !

     

    Petit entrepreneur, accroché à mon boulot, qui est certes passionnant, je rencontre tous les jours des petits patrons. Je reçois sans cesse leurs représentants dans mes émissions. Leurs inquiétudes, croyez-moi, sont gigantesques. Lorsque le régime du chômage technique aura passé, que va-t-il se passer à Genève ? Qui va survivre ? Voilà, en absolue priorité, les questions que doivent se poser nos politiques. Et ils doivent trouver d’urgentes réponses ! Quitte à mettre au frigo la si brûlante chansonnette du réchauffement.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

  • Les sujets "de société" ? Pas chez moi !

     
    Sur le vif - Mercredi 07.10.20 - 09.57h
     
     
    La décadence d'un journal commence lorsque les sujets dits "de société" (obsession depuis Mai 68) l'emportent sur l'analyse politique, la culture, la perspective historique, la critique du pouvoir : tous les pouvoirs, quels qu'ils soient.
     
    La décadence d'un journal, ou d'un média, c'est préférer nous parler, à n'en plus finir, d'une histoire de t-shirt, dans une école, sous prétexte que cette histoire serait révélatrice d'un "phénomène de société", alors que l'économie, autour de soi, est en train de s'effondrer. On voudrait se placer du côté du pouvoir, brandir "l'affaire du t-shirt" comme un paravent, pour distraire la foule, la détourner les enjeux économiques et sociaux de fond, ceux qui sont structurellement lourds, on ne s'y prendrait pas autrement.
     
    La mode "société", depuis Mai 68, n'est ni neutre, ni le fruit du hasard. Sous prétexte d'ouvrir des horizons nouveaux, transversaux, sous prétexte de réinventer l'humain sur les questions liées au genre, au sexe, elle détourne son regard de l'Histoire en marche. Elle méprise les plus faibles, les plus précaires, en faveur de qui une constante réflexion économique et sociale est fondamentale. Elle méprise l'institutionnel. Elle méprise la démocratie elle-même, avec toutes les voies d'expression du démos : travail législatif, démocratie directe. Elle méprise les vrais contre-pouvoirs culturels, ceux qui prennent des risques. Le risque, par exemple, de se faire laminer par les meutes, sur les réseaux sociaux.
     
    La mode "société" n'a strictement rien entrepris, depuis trente ans, contre les ravages du système ultra-libéral, destructeur d'Etat et de lien social. Au contraire, elle a profité des années de vaches grasses pour nous fourguer des milliers de sujets futiles, sur papier glacé, dans des magazines aux mains de richissimes financiers ne songeant qu'à capter le marché publicitaire. Pendant ces trente ans, les sociétards ont profité du système. Ils n'ont jamais exposé la moindre critique du modèle ultra-libéral.
     
    Je lutte, pour ma part, pour exposer au public des sujets d'intérêt général, soit la politique dans le sens le plus noble, les affaires de la "Polis", la Cité, au sens où entend Aristote dans son traité si fondamental sur ce thème. Je lutte pour un univers où chaque citoyenne, chaque citoyen, prenne position sur les sujets qui concernent le destin commun. Et qu'on s'engueule, ça fait du bien, ça fait partie du jeu, de la catharsis (pour reprendre un autre mot d'Aristote, La Poétique, Livre 6, définition de la tragédie).
     
    Dans ce sens, qui a toujours été le mien, je m'exprime sur la politique. Sur l'Histoire. Sur la culture. Sur la littérature. Sur la musique. Les sujets "de société", notamment ceux liés aux questions de genre, ne m'intéressent pas.
     
    Je ne dis pas qu'ils ne sont pas intéressants. Je dis qu'ils ne m'intéressent pas. Vous les trouverez ailleurs, à profusion. Mais pas chez moi.
     
     
    Pascal Décaillet