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Liberté - Page 443

  • La DDR ne méritait pas cela !

     
    Sur le vif - Samedi 03.10.20 - 10.45h
     
     
    Réunification n'a jamais été le bon mot. C'est une usurpation. Une captation de la vérité historique par la propagande de M. Kohl, des services américains, et du système capitaliste de l'Ouest.
     
    Il n'y a pas eu réunification. Regardez les événements. Il y a eu absorption brutale et gloutonne d'un pays souverain, reconnu comme tel par la "communauté internationale", la Deutsche Demokratische Republik.
     
    Elle était récente ? Ni plus ni moins que sa sœur de l'Ouest, la Bundesrepublik Deutschland, puisque l'une et l'autre furent fondées en 1949, quatre ans après la guerre. Quatre ans où il n'y eut plus d'Allemagne, plus d'Etat allemand, seulement des zones d'occupation tenues par les Alliés.
     
    Elle était dépendante du système de l'Est ? Oui, assurément ! Mais pas plus que la BRD, à l'Ouest, n'était intimement dépendante du conglomérat capitaliste imposé par les Américains, avec comme police armée l'OTAN.
     
    Pour ceux qui prendraient en cours, et n'auraient pas tous les éléments, la DDR, c'est juste les régions allemandes, de Prusse, de Saxe et de Thuringe, qui, en vertu des Accords de Yalta, tombèrent sous occupation soviétique. La partie occidentale étant aux mains des Américains, des Britanniques, et des Français.
     
    Lesquels furent les plus chanceux ? En termes de liberté individuelle, ceux de l'Ouest, c'est sûr. Encore qu'il faille sérieusement ré-examiner le système de coercition idéologique de la BRD : interdiction scélérate du Parti communiste dans le Grundgesetz (Loi fondamentale) de 1949, surveillance continuelle par le contre-espionnage et par les antennes de l'OTAN, chape de plomb capitaliste sur une société qui avait été celle de Bismarck, et des premières lois sociales en Europe.
     
    A l'Est, il y eut la Stasi. De ma vie, je n'ai jamais cherché à en minimiser le rôle. C'était un système infiniment moins libre qu'à l'Ouest, comme d'ailleurs dans tous les pays du Pacte de Varsovie. Le nier serait parfaitement déraisonnable.
     
    Mais désolé, ramener sans cesse les quarante années d'existence (1949-1989) de la DDR à la Stasi, comme si c'était là le seul thème à aborder pour saisir la complexité de la société prussienne, saxonne et thuringienne pendant ces quatre décennies, c'est faire le jeu de quarante années de propagande américaine et capitaliste à l'Ouest, qui ne cessaient (j'en sais quelque chose !) de noircir le tableau, caricaturer, dès qu'il était question de la DDR.
     
    L'Allemagne de l'Est était, c'est vrai, sous le corset des Soviétiques. Tout comme celle de l'Ouest était sous la férule des Américains et du capitalisme. Les pires enragés, dans l'ordre de l'anti-communisme primaire, en Allemagne comme d'ailleurs en Italie, vous savez qui c'était ? Réponse : la démocratie chrétienne ! Vieille, très vieille rogne, remontant au rôle du Zentrum dans les années bismarckiennes, puis lors de la Révolution du 9 novembre 1918, puis des combats de 1919, puis à la République de Weimar.
     
    Tiens, justement : Kohl était un Rhénan, catholique, démocrate-chrétien jusqu'à la moelle. Jamais le grand Willy Brandt n'aurait mené l'Allemagne vers l'unité avec une telle vulgarité capitaliste. L'homme de l'Ostpolitik, l'homme de la génuflexion de Varsovie (décembre 1970) avait pour l'Est un respect, un tropisme intellectuel qui faisaient totalement défaut à Helmut Kohl.
     
     
    Mais la DDR, ce sont aussi quarante années où trois des peuples les plus fondateurs de l'Histoire allemande (les Prussiens, les Saxons, les Thuringiens), s'accommodant du corset parce qu'il le fallait bien, ont néanmoins réussi à nouer un pacte social absolument remarquable, avec un système de formation, des Universités, des chercheurs, des scientifiques, des écrivains, d'immenses dramaturges (le plus grand de tous, Brecht, à la fin de sa vie, mais aussi Heiner Müller et Christa Wolf), un très haut niveau de formation musicale, une vie sportive et associative remarquable. Tout cela, sans avoir le dixième du fric injecté à l'Ouest. Le Plan Marshall, c'était l'achat du silence des Allemands de l'Ouest par les capitaux américains : on vous balance du pognon, et en échange vous vous la coincez sur le système capitaliste. Ne pas considérer cette équation, c'est opter pour la cécité.
     
    J'ai aimé la DDR, je n'en ai jamais fait mystère. Je l'ai aimée, pour des raisons à la fois intimes, et pour celles qui relèvent de l'analyse rationnelle. Souvenirs d'une jeunesse un peu particulière, mais pas seulement. J'ai lu ses auteurs, dont certains sont immenses. J'ai écouté ses concerts. Je ne nie en aucune manière les exactions de la police politique, appelée Stasi. Je dis simplement qu'il y a trente ans, jour pour jour, il n'y a pas eu "réunification". Mais absorption gloutonne, par l'Ogre rhénan Kohl, d'un pays souverain de la planète qui, à tant d'égards, n'avait pas démérité. L'unité allemande méritait mieux. La DDR méritait mieux ! Mieux que cette annexion pure et simple de l'Est par l'Ouest. Mieux que cette illusion de la fin de l'Histoire.
     
    La preuve : l'Histoire est là, présente, vivante. De Francfort-sur-l'Oder, patrie de Kleist, où je me suis rendu en 1998, à Weimar (où j'ai dirigé l’Été allemand de 1999, et où j'étais encore il y a quelques mois, pour retrouver des souvenirs de jeunesse), en passant par Dresde, Erfurt, Eisenach, Iéna, Magdebourg, et jusqu'aux confins hanséatiques de la Baltique, la partie orientale de l'Allemagne a, plus que jamais, tant à nous apprendre, nous inspirer, nous vivifier l'âme. Parcs que le destin allemand est là. Il est devant nous. Vivant. Vibrant. De toutes les fibres de son Histoire.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • Emotion de censure

     
    Sur le vif - Jeudi 01.10.20 - 15.28h
     
     
    Tel confrère nous annonce que telle future bataille politique sera "hautement émotionnelle".
     
    J'espère bien qu'elle sera émotionnelle !
     
    La politique n'est pas un jeu de mikado pour bourgeois de salons, à l'heure du thé, ou du sherry.
     
    La politique engage nos vies. Notre amour du pays. Nos projections sur son avenir. Notre volonté, avec nos mains périssables, de façonner son destin. Elle engage le partage des richesses, le lien avec la nature, le patrimoine, la solidarité ou non avec des frères humains, des soeurs humaines.
     
    Si tout cela n'est pas "hautement émotionnel", alors on dépose les plaques. On s'en va, nimbé de superbe solitude, vivre dans un hamac le reste de son âge. Toutes émotions censurées, on oublie les sens. On oublie la vie. On émigre en apesanteur, quelque part vers Jupiter. Comme chez Kubrick.
     
    Au mieux, au passage de la comète, on tombe amoureux du robot.
     
    Chouette, non ?
     
     
    Pascal Décaillet
     
     

  • Nos capacités de combattants

     

    Sur le vif - Jeudi 01.10.20 - 09.43h
     
     
    Le combat pour une Suisse souveraine n'est ni ancien, ni nouveau. Il est le combat de toujours, celui de toute communauté humaine luttant pour sa survie.
     
    Mon lien avec la Suisse n'est ni mystique, ni magique. Il ne relève d'aucun surnaturel. Il m'étonne même, moi qui rejette à bien des égards le mythe de la Raison, et celui des Lumières (car ce sont des mythes, comme les autres), par la puissance de son côté rationnel. Je n'aime pas cela en moi, cette part de la démonstration, mais je dois constater sa présence. Les faits sont là.
     
    La Suisse s'est toujours battue pour sa souveraineté, et jamais ce combat n'a été acquis. Jamais. La Suisse, comme toute nation, est fragile, imparfaite, habitée par de puissants ferments de dispersion. Rien, ni sa prospérité (si récente dans notre Histoire, j'entends encore mon père me raconter le Valais d'avant-guerre), ni sa souveraineté ne sont acquises.
     
    Elles ne le seront jamais. Elles sont le fruit d'un immense combat, sans cesse recommencé. Nous eûmes des moments, dans notre Histoire, où nous n'avons survécu que par la grâce des autres nations, Traités de Westphalie (sur la ruine des Allemagnes), Congrès de Vienne. Notre tout petit pays, en ces temps-là, devait son destin au tapis de casino des négociateurs européens.
     
    Mais nous eûmes aussi, comme en 1848, des moments d'intensité interne, même si, là aussi, c'était sur fond de chamboulement général, dans toute l'Europe.
     
    Et puis, nous eûmes des heures de gloire. Lorsque nous inventâmes l'AVS, en 1947, suite à une immense bataille politique interne dont il vaut la peine de relire les minutes, nous avons donné à l'Europe l'exemple d'une assurance sociale salutaire, solidaire, durable. La Suisse n'est jamais plus forte que lorsqu'elle s'occupe de ses plus faibles.
     
    Le vote de dimanche dernier renforcera, dans notre pays, le camp des souverainistes. Parce qu'une immigration inconsidérée va hélas continuer, dévastant notre Plateau, notre Patrimoine naturel, augmentant les coûts du social, continuant (avec la bénédiction syndicale) à jeter les nôtres, les citoyennes et citoyens suisses les plus fragiles, sur le bord du chemin. Et ça, c'est immonde, c'est un acte contre le pays, contre sa cohésion interne et sociale. Cela porte un nom. Je sais lequel. Vous aussi.
     
    Alors, le combat pour la souveraineté est plus actuel que jamais. Il n'est ni d'aujourd'hui, ni d'hier, ni de demain. Il est le combat de toujours, sans cesse recommencé, jamais gagné, jamais perdu si notre ardeur est là. Il fait appel à notre essence de citoyens. Et, beaucoup plus encore, plus noble, plus vital, à nos capacités de combattants.
     
     
    Pascal Décaillet