Liberté - Page 442
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Mme Fontanet et ses paravents
Sur le vif - Mercredi 27.01.21 - 14.17hDésolé si je suis très seul à le dire et si je jette un froid, mais je ne suis absolument pas convaincu par la passion que semble investir Mme Fontanet dans les questions liées au genre, à l'anti-discrimination et à l'égalité.Thèmes à la mode, éminemment rassembleurs. Nul n'osera s'y opposer, de peur d'avoir face à lui la meute communautariste des collectifs et des associations, dûment subventionnés par le contribuable pour rugir, s'indigner, anéantir toute opinion contraire à leur dogme, dresser le bûcher des hérétiques.J'en veux à Mme Fontanet de tant insister sur ces sujets. Je ne suis pas dupe de son petit jeu : en brandissant des questions sur lesquelles le Parlement sera d'accord (en vertu des contraintes et intimidations énumérées plus haut), on s'achète à bas prix un label de rassembleuse, celle qui sait dégager des majorités, oh la grande dame, que même la gauche applaudira.Eh bien moi, je n'aime pas ce procédé. La ficelle est lisible, pour qui sait lire, c'est une forme de populisme, que personne n'osera condamner, puisqu'il va dans le sens de la doxa ambiante.J'y vois surtout un immense paravent. Habile, la ministre nous jette un rideau de fumée avec un sujet de société où elle sait qu'elle sera gagnante. Et ce procédé de trompe-l’œil lui permet de cacher quoi ? Réponse : l'essentiel de sa mission ! L'état terrible des Finances genevoises, dont elle a, jusqu'à nouvel ordre, la responsabilité. Les déficits se cumulent, la dette se creuse à n'en plus finir, Mme Fontanet elle-même s'y est convertie, nous allons laisser à nos enfants une ardoise hallucinante. Nous allons à la catastrophe.Dans ces conditions, en termes d'image, mieux vaut avancer des sujets de société où l'on pourra apparaître comme une réformatrice devant l'Histoire. Déjà, la notice biographique est prête. Déjà, le choeur des louanges est programmé. Le salut des contribuables, des classes moyennes, de ceux qui se lèvent le matin pour bosser, ce sera pour une autre vie.Pascal DécailletLien permanent Catégories : Sur le vif -
Le populisme n'est pas une parenthèse !
Commentaire publié dans GHI - Mercredi 27.01.21
Il fallait les voir, le clan Clinton, le clan Obama, se pavaner sur le parvis du Capitole ! Après quatre ans de règne de Trump, le grand retour de l’Ancien Régime. Et cette petite phrase, terrible, dévastatrice, sur leurs lèvres et sur celles de la quasi-totalité de nos braves médias européens : « La parenthèse est refermée, désormais tout va rentrer dans l’ordre ».
Quel ordre ? Le leur, bien sûr ! L’ordre du Parti Démocrate. L’ordre de l’avant-Trump, et celui de l’après-Trump, immédiatement restauré, et proclamé comme tel, à la seconde même de la prestation de serment de Joe Biden. Prenez les textes, reprenez les émissions : tous nous entonnent le même refrain, celui de la saine Restauration, avec un grand R, le retour de trois petits rois, en 1814/1815, après un quart de siècle de Révolution française, de Consulat et d’Empire. Allez dans la rue, faites un micro-trottoir : tous connaissent Napoléon, personne ne sait qui est Louis XVIII.
Le peuple américain a élu Joe Biden, c’est en ordre. Mais il n’a pas voté pour voir le retour des grandes familles Démocrates devant le Capitole. Il n’a pas voté pour ce petit goût, très désagréable, de déjà-vu. On a l’impression qu’on a changé de Série, mais que l’éternel générique de Dallas, avec son monde impitoyable, et son casting sans cesse recommencé, nous est à nouveau imposé. Et puis, 75 millions d’électeurs ont voté pour Trump, près d’un Américain sur deux. Les Etats-Unis sont coupés en deux, Joe Biden le sait, il doit en tenir compte, toute insolence du nouveau pouvoir, face à ces gens-là, serait une immense erreur.
Cet arrière-goût de Restauration, nous avons aussi pu l’éprouver en Suisse, suite à l’éviction, le 12 décembre 2007, de Christoph Blocher. Ils étaient tous d’accord, ceux qui l’avaient dégommé, pour nous persuader que c’était pour notre bien : ils avaient abattu le tyran, comme Brutus et Cassius, les assassins de César dans la pièce de Shakespeare, ils l’avaient fait pour le bien suprême, pour la démocratie. Ils restauraient le monde d’avant la parenthèse. Et nous, peuple suisse, devions leur être éternellement reconnaissants de leur acte salutaire.
Dans les deux cas, Trump, Blocher, il y a juste un petit problème. Au-delà des hommes, les idées demeurent. Le courant conservateur, y compris dans ses composantes « populistes », est là, il se porte à merveille, il est en phase ascendante. Protectionnisme, soutien aux agriculteurs, lutte contre la mondialisation, retour aux frontières, contrôle drastique des flux migratoires, défense des classes moyennes, étouffées par la fiscalité, méfiance face à la démocratie représentative, besoin irrépressible de démocratie directe, tout cela existe, avec une force inouïe, au sein des peuples. Les grandes familles, qui semblent considérer le pouvoir comme leur propriété privée, leur fief, auront beau se lover sur les marches du Capitole. En face, il y a les autres. Ils n’ont certainement pas dit leur dernier mot.
Pascal Décaillet
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Les survivants du Déluge
Sur le vif - Mardi 26.01.21 - 23.43hDans la Saxe de Haendel et la Thuringe de Bach, s'est produit, dans les premières décennies du dix-huitième siècle, comme un éblouissement de la conscience humaine. Une lumière supérieure à celle de la foudre, plus douce et plus intense.Ce miracle ne s'est pas forgé par la science, bien que nous fussions dans les prémisses de l'Aufklärung, mais par des notes de musique, posées sur des paroles.Cette parole, c'est, chez Bach, celle de la traduction de la Bible par Luther, deux siècles plus tôt (1522).De ces provinces paisibles et paysannes, avec leurs villages nichés aux creux des vallons, à l'orée de l'immense forêt, le Thüringer Wald, juste signalés par le surgissement d'un temple, a surgi cette jonction d'une parole, d'un rythme et d'une tonalité, qui ont traversé les siècles.Il faut savoir une chose. Les Allemagnes du jeune Bach, du jeune Haendel, tous deux natifs de 1685, reviennent littéralement du néant. Une génération plus tôt, en 1648, à la fin de la Guerre de Trente Ans, c'était la ruine totale. Comparable à ce que sera celle de 1945.Bach, Haendel, et, juste avant eux, le grand Buxtehude à Lübeck, ont pour mission de réinventer un monde. Ils sont, comme Noé et ses fils débarquant sur le Mont Ararat, les survivants du Déluge.Ils reviennent de l'Apocalypse. Ils doivent tout reprendre à zéro. Pour l'un, c'est la sublimation des Psaumes. Pour l'autre, la narration du monde en opéras et en oratorios.Et avec eux, le destin allemand qui redémarre. Par les syllabes et par les notes. Par la langue, et par la musique. Par la voix, par le souffle et par le corps. Par le verbe, par l'esprit et par le chant.Pascal DécailletLien permanent Catégories : Sur le vif