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Liberté - Page 249

  • Quelle aubaine, Carla !

     
    Sur le vif - Samedi 02.04.22 - 15.29h
     
     
    Elle a passé la décennie des années 1990 à instruire à charge, toujours contre les mêmes, toujours en exonérant les autres, les guerres en ex-Yougoslavie. Elle s'appelle Carla Del Ponte. Elle était l'idole des médias, des moralistes, des juges à la petite semaine. Toujours noircir le Serbe, fermer les yeux sur les exactions des autres. Toujours dans le camp de l'Occident, celui de l'Otan, vous savez la gentille organisation qui a bombardé la Serbie pendant deux mois, nuit et jour, en 1999.
     
    Mais les Etats-Unis, la CIA, les services secrets de M. Kohl implantés au Kosovo, ceux qui ont tiré les ficelles de ces guerres pendant dix ans, Mme Del Ponte ne les a jamais dénoncés, jamais attaqués. Prétendument neutre, elle a été, de facto, l'agent de l'Occident, l'ennemie acharnée de ceux qui pensaient encore possible la survie d'une Fédération des Slaves du Sud, dans les Balkans. Mme Del Ponte a été la femme d'un camp, d'une vision du monde, d'une puissance économique, financière et militaire, contre une autre, infiniment plus modeste.
     
    Mme Del Ponte, chez les journalistes de Suisse romande, a toujours ses fans. C'est la génération fin de l'Histoire, juste après la chute du Mur, grande fraternité mondiale, capitalisme américain triomphant, Europe et multilatéralisme pour nous préparer une gouvernance mondiale. La génération des journalistes de centre-gauche, ou alors de centre-droite, ou alors de centre-centre, ne lisant jamais un livre d'Histoire, se pâmant devant les moralistes et les indignés, ne jurant que par les figures immaculées du Bien, les Mandela et les Desmond Tutu. Surtout plus de nations, plus de frontières, le migrant sanctifié, le sédentaire méprisé.
     
    Mme Del Ponte fait partie de ces figures que cette génération va constamment tirer de sa retraite pour lui demander d'immédiatement qualifier de "crimes de guerre" le méchant du moment. Tiens, il y en a un. Il s'appelle Vladimir Poutine. Quelle aubaine, Carla ! Alors, le Temps, qui incarne à lui seul la génération décrite plus haut, ne se gêne pas. Il donne la parole à Carla. Elle dit aussitôt "criminel de guerre". Comme dans les guerres balkaniques, elle ne livre aucune analyse sur les antécédents historiques, ce ne sont pas là des choses qu'elle ait coutume de prendre en compte.
     
    Et voilà, le Temps a fait son travail. Il a donné la parole à Carla. Elle a dit "criminel de guerre". On a relu, corrigé les coquilles, signé la morasse, et hop, Roger tu peux envoyer à la rotative !
     
    Un jour, dans dix mille ans, les historiens s'interrogeront sur ce concept de "justice internationale", sous le Très Haut Patronage des Etats-Unis d'Amérique, depuis 1945, et notamment depuis les guerres balkaniques des années 1990. Ils auront des choses à nous dire, que nous n'entendrons pas. Il y aura eu d'autres guerres, d'autres jeux du pouvoir, d'autres manipulations des âmes. Et l'Histoire continuera, dans la noire continuité du tragique.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Pourquoi parlez-vous anglais, Mme von der Leyen ?

     
    Sur le vif - Vendredi 01.04.22 - 18.52h
     
     
    En quel honneur la Présidente de la Commission européenne prononce-t-elle l'intégralité de ses allocutions officielles en anglais ?
     
    Ursula von der Leyen est allemande. Elle parle un allemand d'une grande élégance, avec des tonalités musicales pleines de grâce, comme souvent nous l'offrent les gens de Basse-Saxe, région Hannover. A noter que cette personne cultivée parle aussi le français, impeccablement, très agréable à écouter. Elle a vraiment l'oreille musicienne.
     
    La France, l'Allemagne, sont pays fondateurs de l'Europe communautaire, avec l'Italie, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas, au Traité de Rome de 1957.
     
    Le Royaume-Uni est entré beaucoup plus tard. Et surtout, il en est... sorti ! Il n'est plus membre de l'Union !
     
    Dès lors, en quel honneur la Présidente de l'UE devrait-elle systématiquement s'exprimer dans cette langue extra-continentale, parlée dans un pays non-membre ? Pourquoi, au fond, à part le français, l'allemand, l'italien, Mme von der Leyen ne parlerait-elle pas, de temps en temps, en grec moderne, en polonais ? Voire, comme elle semble vraiment douée pour les langues (je l'écris sans ironie), en finlandais, ou en hongrois ?
     
    Parler anglais, à ce niveau politique, c'est faire signe d'obédience. Au monde anglo-saxon. Aux Etats-Unis d'Amérique. Au monde des affaires, des transactions financières. Et, par les temps qui courent, à l'Otan. Dont le siège, comme par hasard, se trouve lui aussi à Bruxelles. Pas si loin de celui de l'Union européenne ! Contiguïté plus éloquente que toutes les démonstrations.
     
    L'Europe mérite mieux. L'idée européenne. Mieux que ce signal d'asservissement. L'Union européenne est un ensemble continental. Elle s'est bâtie, comme une Cathédrale, sur la clef de voûte franco-allemande. On aimerait entendre sa Présidente, qui parle si bien ces deux langues, s'exprimer avec les mots de Verlaine, ou ceux de Hölderlin. Et, si elle devait choisir ceux de Pétrarque ou de Pasolini, qui sont parmi les plus beaux de l'univers sonore, personne, mais alors vraiment personne, ne lui en voudrait.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Notre démocratie directe éclate de santé !

     

    Commentaire publié dans GHI - 30.03.22

     

    Nos compatriotes sont-ils bien conscients de la chance que nous avons en Suisse ? La démocratie directe ! Le référendum, mais surtout l’initiative populaire. Par ces deux mécanismes, le corps des citoyennes et citoyens, qu’on appelle « le peuple », existe comme institution à part entière de notre pays. Au même titre que le gouvernement. Au même titre que le parlement. Au même titre que le pouvoir judiciaire. Non seulement il existe, mais le vrai, le seul patron, c’est lui. Le parlement vote une loi ? Des citoyens la contestent ? Ils récoltent des signatures pour un référendum, un beau dimanche le peuple vote. Si le référendum passe, la loi passe à la trappe.

     

    Mille fois mieux : l’initiative ! Mieux, pourquoi ? Parce qu’elle ne se définit pas, elle, par rapport à un travail parlementaire. Je dirais même qu’elle laisse dormir tout le petit monde de la Coupole fédérale. Elle le contourne. Elle le court-circuite. Une idée vient du peuple. Un comité se forme. Il doit réunir cent mille signatures, ce qui est loin d’être facile. Et, à l’issue d’un vaste débat national, un dimanche, le peuple tranche. Si l’initiative passe, c’est la Constitution fédérale qui est amendée. Le parlement doit trouver des lois d’application. Il doit le faire dans l’esprit de l’article constitutionnel voté par le peuple et les cantons (la fameuse double majorité). D’en bas, l’Histoire suisse aura ainsi été écrite. Unique au monde !

     

    Les hommes et les femmes qui lancent des initiatives, tous bords politiques confondus, doivent être salués. C’est un travail extraordinairement difficile. Il faut du courage, de la persévérance. Il faut affronter l’adversité. Subir les quolibets des corps intermédiaires, le mépris des parlementaires, les leçons de juridisme des profs de droit, qui se permettent de décréter quel texte est recevable, lequel ne l’est pas. Ces gens-là, du haut de leur superbe, adorent venir s’interposer dans un processus démocratique où le peuple défie le peuple. Oui, les quelques partisans du premier jour donnent rendez-vous, un beau dimanche, à l’ensemble du corps électoral suisse. Plusieurs millions de citoyennes et citoyens, dûment informés par des mois de campagne et de débats. C’est quand même mieux que 246 parlementaires !

     

    Le droit d’initiative, au niveau fédéral, existe depuis 1891, l’année même où le pouvoir absolu des radicaux (sept conseillers fédéraux sur sept depuis 1848 !) a été tempéré par l’arrivée du premier catholique-conservateur (ancêtre du PDC), le Lucernois Joseph Zemp. En 130 ans, seules 24 initiatives, sur 225 soumises en votation, ont été acceptées. Un peu plus d’un dixième. C’est la preuve de l’extrême difficulté de l’exercice. Sans compter la nécessité d’obtenir la double majorité, peuple et cantons. Oui, ceux qui se battent pour un texte méritent notre admiration. On vote oui, on vote non. Mais le peuple, comme institution vivante de notre système politique, crée l’événement. Et ce rôle est incomparable. Je vous invite à chérir notre démocratie directe. Et même à la renforcer, dans l’avenir.

     

    Pascal Décaillet