Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Liberté - Page 1561

  • Les éditorialistes et la marche arrière



    Édito Lausanne FM – Mardi 15.04.08 – 07.50h


    « Un grand pas en arrière » : c’est pas cette formule que l’éditorialiste du service public de Suisse romande, ce matin, vient de qualifier la très nette victoire de Silvio Berlusconi en Italie. Victoire reconnue par tous, à commencer par l’ancien maire de Rome, Walter Veltroni : « Le résultat est clair. La droite gouvernera ce pays ». Veltroni, homme de valeur, mais qui portait le très lourd héritage des 20 mois de Romano Prodi aux affaires.

    Bref, l’Italie, à l’issue d’une campagne parfaitement démocratique, a, pour la troisième fois de son Histoire, donné une majorité à Silvio Berlusconi. Et immédiatement, le service public de Suisse romande qualifie cette décision du peuple de « grand pas en arrière ». Au nom de quoi ? De quels éléments précieux, secrets, du dossier l’éditorialiste disposerait-il, qui auraient échappé au peuple italien ? Le peuple italien serait-il stupide ? Ignorant ? Mal informé ? N’aurait-il, comme le peuple français du printemps 2005 (au moment du référendum européen), rien compris aux enjeux du vote ?

    Aux yeux de l’éditorialiste du service public romand, soyons clairs : si l’Italie vote à gauche, pour Veltroni, c’est, comme dans les très riches heures de la Chine populaire, un grand bond en avant. Si elle vote à droite, pour Berlusconi, c’est évidemment un grand pas en arrière. La vie est simple, au fond, binaire comme un feu de gare : à gauche, c’est bien ; à droite, c’est nul. Pour le Traité européen de 2005, c’est bien ; les 55% de contre, c’est nul. Jospin, c’est bien ; Chirac c’est nul. Ségolène, c’est bien ; Sarkozy c’est nul.

    Peut-être pourrait-on aller jusqu’à imaginer d’éduquer le peuple italien ? Il faudrait, comme avant le permis de conduire, prendre des cours. Où on lui apprendrait à bien voter. À voter juste. À voter à gauche. Ne pas confondre l’obligation de la marche avant avec la stupide régression de la marche arrière. Ne pas confondre « Avanti, popolo ! » avec « Vade retro, Satanas ! ».

  • Ce cher Francis



    Édito Lausanne FM – Lundi 14.04.08 – 07.50h



    Ah, quel bonheur de retrouver hier soir, dans l’émission Mise au Point, le visage honnête et souriant de Francis Mathey ! Socialiste et sympathique : rare confluence, inattendue comme le plus pointu des oxymores.

    Début mars 1993 : comment pourrais-je oublier ces heures-là, pour les avoir vécues si intensément, à Berne, comme correspondant parlementaire ? Le Neuchâtelois René Felber vient de démissionner du Conseil fédéral, il s’agit de lui trouver un successeur. Les socialistes ne jurent que par Christiane Brunner.

    L’Assemblée fédérale, le 3 mars, en élit un autre, le Neuchâtelois Francis Mathey, l’un des hommes les plus forts et les plus compétents, à l’époque, du Parlement fédéral. Mais cet homme, sous le poids de son propre parti, de l’aile féministe, de l’aile syndicale, se voit contraint de refuser son élection. Une semaine plus tard, le 10 mars, après un psychodrame sans précédent, le Parlement trouve une issue en élisant Ruth Dreifuss.

    C’était l’époque où une clique de femmes socialistes terrorisait la politique suisse. La manière dont elles ont fait pression pour qu’un élu légitime au poste de conseiller fédéral en vienne finalement à renoncer, n’a strictement rien à envier aux méthodes qui sont tant reprochées, aujourd’hui, à l’UDC, face à Eveline Widmer-Schlumpf. Dans Mise au Point, hier soir, Francis Mathey est revenu sur cette abominable semaine, sans doute la pire de sa vie, où toute la Sainte Chapelle des Camarades faisait pression sur lui. Hier soir, bon bougre jusques au fond de l’âme, il se contentait de laisser perler son amertume, mais le décodage n’était pas si difficile.

    C’était l’époque où les manifestantes, sur la Place fédérale, tellement furieuses de la non élection de leur diva, réclamaient en hurlant le départ d’un élu légitime. Mieux : à force d’une pression hallucinante et sans précédent, la rue a fini par obtenir ce départ. Et à l’époque, les beaux esprits et les beaux éditorialistes, unanimes, saluaient cette victoire de la masse et de l’opinion contre le Parlement.

    Ce sont exactement les mêmes, aujourd’hui, qui n’en peuvent plus de nous faire la leçon sur l’absolue primauté de la légitimité parlementaire par rapport à la rue. Diable ! Y aurait-il, selon que le séisme atteint le saint PS ou l’odieux UDC, deux poids et deux mesures ?


  • Les visionnaires à la canne blanche



    Sur le vif, dimanche 13.04.08 – 22.35h



    Et maintenant, Nidwald ! Au surlendemain de la Schlumpfmania qui a déferlé sur Berne, voici encore un scrutin cantonal, depuis le 12 décembre, qui tourne en faveur de l’UDC. Après Schwyz, Saint-Gall et Thurgovie. Là, ça n’est pas la foule, ça n’est pas l’opinion ; c’est le peuple qui tranche dans les urnes : le démos.

    Le plus fou : à peine ce nouveau succès est-il connu, que deux éminents observateurs, s’exprimant ce dimanche soir dans l’émission Forums, continuent de s’enferrer dans le déni : le peuple est dupé, le peuple vote mal, le peuple vote faux, le peuple n’a rien compris.

    Ces deux scrutateurs oraculaires, delphiens comme un vol d’oiseau, sont le vice-président du PDC suisse, Dominique de Buman, et mon confrère le rédacteur en chef de l’Hebdo, Alain Jeannet.

    Ce dernier, alors qu’on lui parle résultat démocratique sorti des urnes, répond sondages. On lui parle d’un message, sonnant et trébuchant, que vient de délivrer, dans un canton, le souverain, et il répond mouvements d’opinions. Singulière conception de la démocratie !

    Quant à l’ancien syndic de Fribourg, il réussit le tour de force de nous expliquer que cette victoire est une défaite, que le sommet de la vague est atteint, que l’heure du déclin a sonné. Il est des heures, comme cela, où l’on peut sérieusement se demander si la fermentation de la casuistique est encore soluble dans les eaux de la raison.

    Mieux inspiré, Pascal Couchepin, dans la presse alémanique, constate la lame du fond d’une révolution conservatrice. Et si c’était cela qui était en train d’atteindre la Suisse ? Un mouvement tellurique, bien plus important que la question Blocher / Widmer-Schlumpf. Mais cela, nul, pour l’heure, en Suisse romande, ne veut le voir. Du déni au délire, il pourrait bien n'y avoir que la translucide longueur d’une canne blanche.