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Liberté - Page 1538

  • UMP suisse : l’heure de vérité



    Edito Lausanne FM – Mercredi 04.06.08 – 07.50h


    Je le disais hier : ce qui arrive à l’UDC suisse est une chance historique, une opportunité comme il n’en existe pas si souvent, de recomposer, au niveau national, et sous une même bannière, les sensibilités de droite en Suisse. En politique comme dans la vie, c’est dans les moments de crise que tout peut se gagner ou se perdre. C’est là, aussi, que se jaugent les caractères : il y faut de la lucidité dans la bataille, de la vision d’ensemble, un mépris des conformismes et des habitudes, le sens de l’offensive.

    Ces qualités-là, un Christophe Darbellay, dans d’autres circonstances sur lesquelles on connaît mon point de vue, a su les montrer. Ne serait-il pas temps d’en faire preuve à nouveau ? Franchement, sur quel objet majeur de politique nationale la démocratie chrétienne, l’univers radical-libéral ou l’aile non-xénophobe de l’UDC  diffèrent-ils fondamentalement ? Leur vision de l’individu dans la société est la même, leur rapport à l’économie, aux finances, à la fiscalité, aussi. Entre le socialisme et les ultras de l’isolement du pays, il y a là une grande voie à ouvrir, une grande voix à faire entendre. Mais il faut faire vite.

    Vite, oui. Parce que, dans une bataille, la roue de la fortune peut tourner à tout moment. Chez les démocrates-chrétiens comme chez les radicaux, le poids des conformismes et des clans est encore tel, dans certains cantons, qu’il pourrait freiner, pour des décennies encore, toute vision nationale ambitieuse de recomposition. C’est justement pour cela qu’il faut un électrochoc. Je conçois qu’à l’avant-veille d’une décision majeure pour son avenir cantonal, Christophe Darbellay ait des raisons d’être encore un peu hésitant. Mais quoi, qu’est-ce, au fond, qu’un homme politique, et lui le premier ? Une intelligence ? – On espère qu’il ne soit pas sot. Une habileté ? – On espère qu’il ne soit pas pataud. Une vision ? – On aimerait bien qu’il ne soit pas aveugle.

    Non, non, et non : un homme ou une femme politique qui veut compter et marquer son temps, c’est avant tout un caractère. Il se révèle dans le mouvement, dans la manœuvre, dans la solitude face à la masse. Cela s’appelle, tout simplement, l’heure de vérité.




  • Samuel Schmid, le héros des lenteurs



    Ou : une chance historique de recomposer la droite en Suisse.


    Édito Lausanne FM – Mardi 03.06.08 – 07.50h


    Vedette d’un jour, Samuel Schmid, hier, a beaucoup fait parler de lui, après avoir traversé, il faut le dire, de longs déserts de discrétion et d’hésitations. Le moins qu’on puisse dire, c’est que le Bernois, dans toute la crise qui remue son parti, n’aura brillé ni par la fulgurance ni par la ductilité de décision. Il lui aura fallu attendre l’extrême pourriture des événements pour envisager de créer un nouveau parti. Il faut, à l’égard de ce sympathique conseiller fédéral, beaucoup de bienveillance pour trouver là de l’héroïsme.

    Lorsque j’étais à Berne, il y a plus de quinze ans, poser l’antagonisme entre section bernoise et zurichoise était déjà un sport national des journalistes parlementaires. Nous allions chez Ogi, dans son chalet de Kandersteg, et il nous disait que Blocher était un phénomène passager, que le vieux parti de Minger, celui de la sagesse paysanne bernoise, finirait par triompher. On a vu le résultat.

    Depuis, le fossé n’a fait que s’aggraver. Les agrariens n’ont fait que perdre du champ, les méchants blocheriens n’ont cessé, scrutin après scrutin, de gagner du terrain. Il faut dire, une fois pour toutes, que la proie électorale de Blocher n’a jamais été la gauche, mais la droite plus modérée que la sienne. Quinze ans de victoires de l’UDC, dans les cantons catholiques de Suisse centrale et orientale, contre le PDC. Quinze ans de victoires, dans le propre fief du grand vieux parti, contre les radicaux : l’UDC est, depuis le 21 octobre 2007, la première force du canton de Vaud.

    Un nouveau parti ? Peu probable, et surtout peu viable. Mais il y a une autre solution, rendue soudain providentielle par la crise interne de l’UDC. Inclure cette aile modérée, libérale dans l’économie mais refusant le fond xénophobe des ultras, dans un grand rassemblement de la droite républicaine suisse. On connaît mes positions, depuis des années, sur les liens à créer entre le monde libéral-radical, issu de la conception tocquevilienne de la Révolution française, et la vieille démocratie chrétienne, le tellurisme de la Vieille Suisse catholique, si chaude et si présente dans le terroir de notre pays. Ces liens à créer, pourquoi ne pas les étendre à Samuel Schmid et ses amis ?

    Ce jour-là, avec un grand parti fédérant sous une même bannière les composantes historiques de la droite suisse, il sera possible de marginaliser les extrêmes. Mais il faut faire vite : sans une initiative rapide des directions radicale et démocrate-chrétienne, c’est un tout autre mouvement de balancier qui peut aussi s’imposer : le retour en force de l’aile zurichoise devenue d’ailleurs nationale, expurgée des gêneurs agrariens. Nous sommes dans ce moment politique rare et appréciable où tout est possible. Il faut maintenant des initiatives.

  • Quand dansent les gentils



    Édito Lausanne FM – 02.06.08 – 07.50h


    Et revoilà la danse de pluie ! À lire et écouter nombre d’éditos, ce matin, suite à la défaite de l’UDC hier, on a vraiment l’impression que ce parti serait au tapis, ne représenterait plus le moindre danger pour la douce concordance de ses concurrents, aurait amorcé une irrésistible phase de déclin. Alors, de tous les côtés, on chante, on danse, on se trémousse sous cette pluie de bonheur, on multiplie les actions de grâce en faveur de Sainte Eveline. Dieu que le monde est beau, expurgé de ses démons, ah les braves gens !

    La réalité est un peu plus complexe. L’UDC a perdu, hier, sur les naturalisations, elle a perdu à son propre jeu, puisque le peuple lui-même admet que sa souveraineté peut parfois être déléguée. Dès lors, la décision est imparable, et l’arroseur, arrosé. Mais il était capital que ce débat ait lieu : le suffrage universel a un autre crédit, pour asseoir la légitimité d’une décision, que les quelques juges du Tribunal fédéral, en 2003.

    L’UDC, hier, a perdu une bataille en votations. Comme les socialistes, les radicaux-libéraux, régulièrement, perdent des batailles, cela fait partie de notre jeu démocratique. Bien sûr, elle en sort un peu affaiblie, ce que n’arrangent pas ses déchirements internes. Bien sûr, elle va devoir tirer les leçons : sans doute la verra-t-on davantage, dans le reste de la législature, sur les questions fiscales ou financières, plus proches du thème de la liberté individuelle et de la redéfinition de l’Etat. Sur ces questions-là, où ne manqueront pas d’être actifs d’autres partis bourgeois, on pourra mesurer des lames de fond beaucoup plus importantes et concernantes que les objets de ce week-end.

    Si l’UDC persiste avec des initiatives aussi stupides que celle sur les minarets (vous en voyez beaucoup, de minarets, vous, en Suisse ?), alors là, oui, une décrue est sérieusement à envisager. Si elle se recentre sur les grandes questions touchant à l’individu face à l’Etat lorsque ce dernier devient machine, la promotion du risque individuel face à certaines tranquillités de carrière, la liberté de choix pour l’Ecole, la fin des cartels et du monopole dans l’audiovisuel, des thèmes libéraux au fond, alors l’UDC n’a pas fini de faire parler d’elle.

    Quant à ceux qui veulent l’enterrer trop vite, je leur souhaite bonne chance et bon chemin. Danser sous la pluie est sans doute aussi jouissif que sensuel. Mais ça ne tient pas encore lieu d’acte politique sérieux et durable.