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Liberté - Page 1538

  • Ueli le climatique



    Sur le vif – Mardi 29.07.08 – 10.25h

    On connaissait déjà Ali le chimique, voici Ueli le climatique.

    Transfiguré par sa nouvelle passion d’été, la politique suisse de sécurité, l’homme-pastèque de notre luxuriant potager politique se surpasse, jusqu’à pulvériser son record.  Devenu Philippulus le Prophète, le président des Verts suisses annonce aujourd’hui, dans le Matin, que le principal ennemi de notre pays, aujourd’hui, est… la catastrophe climatique ! Le gris-vert, selon notre stratège, en est donc quitte pour abandonner le gris, et orienter toutes ses énergies contre la putative irruption d’une mousson, d’une inondation, ou d’un glissement de terrain.

    Après le climat de guerre, voici donc la guerre au climat. Et mes confrères, mes consoeurs, l’univers médiatique de Suisse romande, le laissent proférer de tels ouragans sans les assortir, tout au moins, d’un commentaire. C’est assez fou, d’ailleurs, cette immunité d’Ueli Leuenberger dans la presse. De lui, et des Verts en général : le parti du bien, de la bonne cause. La version moderne, au fond, de l’hygiénisme, la salubrité, la morale. On attaque volontiers le politique, on épargne le grand-prêtre.

    Il est vrai que Samuel Schmid n’est pas un bon ministre de la Défense, avec ses amitiés de colonel, ses onéreux achats d’armement, ses blindés dont l’utilité reste à démontrer, sa conception frontale de la ligne de bataille. Mais il est tout aussi vrai que ses deux prédécesseurs, Kaspar Villiger et Adolf Ogi, avaient entamé de réels et considérables efforts pour moderniser l’armée suisse. Commission Schoch sous Villiger avec Armée 95, commission Brunner sous Ogi avec Armée 21, réduction drastique des effectifs, redéfinition de la menace après la chute du Mur. Peu de pays, autour de nous, ont à ce point repensé leur système de sécurité, dans le même temps.

    Tout cela, comment Ueli Leuenberger ose-t-il l’ignorer ? Soit par crasse incompétence dans le domaine, et absence totale de culture sur ce qui s’est passé avant lui, soit par mauvaise foi pour servir la seule cause qui le meut vraiment : la conquête d’un siège par les Verts au Conseil fédéral. Lorsqu’il ose avancer qu’on en est resté à la guerre froide et aux années 50, il énonce, tout simplement, quelque chose de faux. Comment se fait-il, à ce moment, que personne, nul intervieweur, nul commentateur, ne le contredise, ne lui brandisse le miroir de sa falsification ? Seraient-ils tous, comme à la fin du si beau film de Rohmer, sous l’emprise du Rayon vert ? Ou alors, on épargnerait cet homme parce qu’il est aimable et attentif aux gens, ce que je reconnais bien volontiers.

    Que l’armée suisse soit au-devant de réformes majeures, c’est certain. Que l’ère de Samuel Schmid, par rapport à ses deux prédécesseurs, ait été celle d’un recul et d’une pétrification des audaces, il faut aussi en convenir. Qu’il faille se poser la question de la conscription obligatoire, redéfinir sans cesse la menace, en finir avec les achats insensés de blindés, tout cela oui. Mais on s’en était rendu compte avant l’irruption de Philippulus le Prophète, et ses tirades d’Apocalypse. Tout cela, tout cet engouffrement dans la brèche, suite à l’affaire Nef, suinte tellement l’opportunisme qu’il fallait une fois le dénoncer. Même si l’homme est aimable. Même s’il cuisine bien. Même s’il sait user, à l’image du renard de la fable, de ces tonalités doucereuses et trompeuses qui endorment les méfiances.

    Pascal Décaillet




  • Christophe Darbellay : un coup d’avance



    Sur le vif – Dimanche 27.07.08 – 19.20h



    Comme je l’ai noté dans mes deux derniers billets, la saga d’été « Roland Nef » n’est rien d’autre qu’une pure affaire politique, une juteuse aubaine, de bien des côtés, pour s’engouffrer dans la succession de Samuel Schmid. C’est cela, et rien d’autre : la vie privée du chef de l’armée suisse n’étant (à part pour les naïfs ou les moralistes) que d’une bien faible importance dans l’histoire. Point n’est besoin d’avoir lu Machiavel, ni l’œuvre complète de Guizot, pour savoir que morale et politique sont deux domaines, disons, pour le moins disjoints.

    J’ai relevé ici, très récemment, l’opportunisme avide du président des Verts, Ueli Leuenberger, dont tout le monde sait qu’il aimerait caser l’un des siens (allons bon, lui-même) au Conseil fédéral avant la fin de la législature. Il m’a paru bon, aussi, de rappeler le résultat pour le moins modeste de ce parti, aux dernières élections fédérales, malgré l’incroyable battage qui avait précédé, nous annonçant, tout l’automne, l’émergence d’une nouvelle Suisse, où l’angoisse du réchauffement viendrait ébouillanter les consciences. Tout cela, au final, pour moins de 10% devant le corps électoral.

    Que Samuel Schmid soit sur le départ, qu’il ne finisse sans doute pas la législature, on peut en convenir. Que les partis songent à sa succession, ma foi, n’a en soi rien de choquant : en politique, mieux vaut avoir quelques longueurs d’avance. À cet égard, un homme, ce dimanche, dans la presse alémanique, s’est singularisé avec talent et, une fois de plus, sens de la manoeuvre: Christophe Darbellay. Il reconnaît que la place que Schmid pourrait, un jour, laisser vacante, appartient à l’UDC (et non à son provisoire Ersatz bourgeois), et tend même la main à ce parti sur des sujets ponctuels : finances, coût de la vie, fiscalité, politique familiale.

    Le moins qu’on puisse dire, c’est que le signal du président du PDC est important. D’abord, quand Fulvio Pelli dort, ou simule l’hibernation, Darbellay, lui, existe. Surtout, en ouvrant le jeu (enfin !) sur sa droite, le Valaisan confirme, à ceux qui auraient pu l’oublier, l’essence fondamentalement bourgeoise de son parti. Sociale, certes, familiale, nourrie de mille sources, dont Léon XIII et le corporatisme, mais profondément enracinée, depuis au moins la fin de la Première Guerre mondiale, dans la grande famille de droite. Vouloir l’ignorer, c’est bafouer l’Histoire, et s’aveugler face au réel.

    Ce signal d’aujourd’hui était nécessaire. Parce que Christophe Darbellay avait, pour de pures raisons tactiques, ourdi le coup du 12 décembre avec deux compères de gauche, MM Levrat et Ueli Leuenberger, certains grands naïfs nous avaient annoncé l’émergence d’un nouvel axe du monde, un Centre illuminé par le Rayon vert. Bien entendu, il n’en est rien : les Verts, dans les grands moments, votent TOUJOURS avec la gauche. Et la démocratie chrétienne n’est pas un parti de gauche.

    Cette main tendue du président du PDC confirme sa volonté (entamée dans un important virage, il y a plusieurs semaines ; à vrai dire au lendemain de son échec valaisan) de se battre désormais pour la cause de la droite unie en Suisse. Tisser des liens entre les différentes sensibilités bourgeoises de ce pays, au demeurant largement majoritaires (face à une gauche bien faible) devant les électeurs.

    Eh oui, la Suisse est un pays plutôt conservateur, attaché à la famille, à la liberté du commerce et à celle des idées, se méfiant des grandes idéologies collectives, comprenant que, pour distribuer les richesses, il faut d’abord beaucoup travailler pour les produire. Ces valeurs-là sont radicales, libérales, démocrates-chrétiennes, et sans doute aussi UDC. Charge aux trois premiers de rappeler au quatrième que l’étranger n’est pas un ennemi, que l’immigration a beaucoup apporté à notre pays, que rien ne sert de fermer les frontières. C’est cette dialectique-là, exactement, que Darbellay veut initier avec le parti arrivé en tête des dernières élections. Leur parler, plutôt que les diaboliser.

    On me dira que l’UDC ne voudra rien entendre d’un homme qui, le 12 décembre, a trahi la droite suisse. Je rétorquerai qu’elle aurait tort. En politique, rien ne sert de s’enferrer dans des rancunes trop tenaces. Il faut, en toutes choses, considérer la finalité suprême. Donner au camp bourgeois, nettement majoritaire dans le pays, encore plus lors du dernier test électoral (21 octobre 2007), davantage de cohérence et de solidité, me semble constituer l’un de ces objectifs à long terme devant lesquels les petits tiraillements personnels devraient pouvoir, raisonnablement, s’effacer.

    Pascal Décaillet

  • Ueli Leuenberger : combien de divisions ?


    Sur le vif – Vendredi 25.07.08 – 19.20h

    Dans l’affaire Nef, il n’est plus possible de se brancher sur une onde publique sans entendre, à tout moment, le président des Verts suisses, Ueli Leuenberger. L’impatience de ce dernier à voir Samuel Schmid tourner les talons au plus vite, jusqu’à ce perfide et mielleux « conseil de repos pour prendre une décision sur son avenir» qu’il vient de murmurer, il y a une heure, devient franchement insupportable. 

    Qui d’entre nous a, jusqu’à l’éclatement de l’affaire Nef, entendu une seule fois Ueli Leuenberger s’intéresser peu ou prou aux questions de politique de sécurité ? Aujourd’hui, touché par un miraculeux Chemin de Damas, voilà notre homme-pastèque (vert dehors, très rouge dedans) comme illuminé par la réforme du système militaire suisse. Il faut, martèle-t-il sans la moindre contradiction, en finir avec la guerre froide (comme si rien n’avait été entrepris dans les années Villiger, puis Ogi), il faut repenser le système, il faut ceci, cela : foudroyante, sa nouvelle passion ! Le parfum du laurier, la quête des étoiles, l’auraient-ils soudain assailli ?

    Foudroyante, et transparente comme l’eau qui jaillit du glacier : beaucoup plus que l’avenir de notre système de sécurité, c’est l’opportunité de placer un Vert au Conseil fédéral qui intéresse Ueli Leuenberger. À la faveur, par exemple, d’une élection partielle, en pleine législature. Une gourmandise, au demeurant, un peu excessive quand on n’a (malgré mille promesses de records historiques, et mille miroitements de mode, pendant la campagne) même pas passé la barre des 10% aux dernières élections fédérales.

    A la vérité, Ueli Leuenberger appartient (tout comme son inénarrable collègue, le Zougois Josef Lang, également omniprésent sur les antennes) à une mouvance qui aspire, in fine, à la suppression de l’armée suisse. Ce qui est leur droit le plus strict. Mais alors, ne soyons pas dupes de ce petit jeu de masques et d’opportunismes, où la seule couleur qui vaille, au-delà du vert, du rouge et des pastèques, demeure, depuis la nuit des temps, la soif du pouvoir.