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Liberté - Page 1537

  • Nidegger, l’homme qui monte



    Édito Lausanne FM – Mardi 10.06.08 – 07.50h


    Ceux qui traitent et connaissent la politique genevoise flairent son émergence depuis pas mal de temps, mais là, d’un coup, c’est la Suisse romande entière qui le découvre : Yves Nidegger, 51 ans, avocat, père de cinq enfants, conseiller national depuis quelques mois, est l’homme qui monte au sein de l’UDC.

    Un homme bien à droite sur le fond, de la ligne blocherienne et s’en réclamant, tenant un discours fort proche de celui des quelques mousquetaires de la garde noire du tribun zurichois. Mais avec une forme, un rapport au verbe, une célérité de neurones, une qualité de répartie réellement à des milliers de lieues marines de ces tonalités prétoriennes pour les uns, ou franchement crotteuses pour d’autres, auxquelles le premier parti de Suisse nous a habitués.

    Yves Nidegger est un homme parfaitement courtois, s’exprimant dans un français d’une rare qualité, avec clarté et précision, ne s’énervant jamais lorsque ses adversaires de gauche le couvrent d’insultes, restant fixé sur l’argument, qu’il aiguise au plus près, laissant l’autre, le socialiste vert de rage, ou le Vert rouge de colère, fulminer tout seul. Déconcertant : n’a-t-il pas été, avant-hier, le premier à faire perdre son latin à tel gourou de grand-messe satirique dominicale ? C’était leur Waterloo : ils attendaient un Fattebert, ce fut Nidegger.

    Yves Nidegger est un homme de culture et d’humour, deux qualités qui n’apparaissent pas en toute première lecture chez ses adversaires de gauche en robe de bure, ayant déserté le terrain de la politique pour investir celui de la morale. Un homme qui reconnaît les défaites sans langue de bois, il l’a fait le dimanche 1er juin. Un homme, enfin, qui connaît ses dossiers par cœur.

    Alors, les gens disent : « Parce qu’il a toutes ses qualités, Nidegger est dangereux ». Mais d’un socialiste qui aurait – hypothèse osée, j’en conviens – toutes les qualités rhétoriques et intellectuelles de la persuasion, on ne dit pas : « Il est dangereux ». Il est tellement plus aisé de faire frémir sur le fascisme putatif de l’homme que de l’affronter, sur la tonalité du logos, argument par argument, sans le diaboliser à chaque minute, dans un débat. Il faudra pourtant bien s’y faire et s’y frotter: Yves Nidegger est là pour un moment. La civilité de sa forme, alliée à ses compétences, pourraient bien en faire, au moins au plan de la Suisse romande, une figure incontournable de son parti, dans les années qui viennent.

  • La Soupe à l'huile

    Chronique publiée dans la Tribune de Genève de ce lundi 09.06.08

     

    Il devait être la tête de Turc, il s’est révélé grand vainqueur : ce fut un réel plaisir, hier, d’entendre Yves Nidegger déjouer, les unes après les autres, les ficelles et chausse-trappes du gourou militant Flutsch et de ses acolytes. De quoi en perdre son latin : pour un archéologue, un cauchemar.

    Dur, pour la puissance invitante, gorgée de missionnaires certitudes sur l’équation « UDC = peste brune », lorsque les réponses de l’invité surpassent nettement, en humour et en finesse, le degré zéro des questions et provocations. Dur, d’avoir face à soi un UDC convenable : il est tellement plus aisé de s’offrir Fattebert.

    La civilité de la forme est, nous l’avons déjà souligné, le grand atout de Nidegger. Hier, l’étoile montante (et sans la moindre rivalité interne, d’ailleurs) de l’UDC genevoise n’eut qu’à tendre à la Soupe le miroir de ses préjugés. Le miroir fut tendu, la Soupe se renversa.

    Quand je pense à Flutsch, je me dis souvent que le problème du missionnaire, c’est sa position. Dominante, en l’occurrence, horizontale comme le niveau de ses attaques. Tellement confortable, la chaire offerte, dimanche après dimanche, pour s’en aller prêcher. Héros de l’antifascisme, humoriste salarié, en pantoufles. Et nul, en Suisse romande, qui n’ose l’attaquer. On n’attaque pas un missionnaire. On prépare juste une Soupe d’huile bouillante. Et on l’y installe, délicieusement.

     

    Pascal Décaillet

  • PPDA, comme frigo, Mac ou Vespa



    Édito Lausanne FM – Lundi 09.06.08 – 07.50h


    Le départ de PPDA, après tant de décennies sur nos écrans, appelle une ou deux réflexions.

    D’abord, s’il fut tant regardé, c’est simplement parce qu’il fut bon. Une présence, un regard, un style simple et clair, un homme qui va vers des millions d’autres. Avant le copinage, avant le réseau de protection, avant le potentat des salles de rédaction, il y eut, à la base, un talent.

    Au point que PPDA était devenu comme une chose. Plante de salon, objet d’imitation, marionnette d’humoristes, le prototype du présentateur, presque un nom commun. Comme frigo, ou Mac, ou Vespa.

    Le regarder lui, plutôt, alors que la chaîne concurrente propose exactement le même type de journal : un homme, ou une femme, qui vous regarde dans les yeux, et lance des sujets. Pourquoi lui, quelle chimie, quelle préférence ?

    Les dernières années, sans doute, furent de trop. J’ai dénoncé, sur ces ondes, dans la « Madone des gradins », l’inutilité totale de son rôle lorsque Ségolène Royal, n’aspirant plus qu’à toucher les écrouelles, s’adressait directement aux Français, le journaliste PPDA n’étant plus là que pour passer les plats, donner la parole à Cédric, de Reims, ou Fatima, de Toulon. Dans le dernier grand entretien avec Sarkozy, aussi, on avait l’impression que PPDA dormait, n’était pas là, ne s’intéressait pas au plateau.

    Reste un journaliste qui m’aura toujours impressionné par sa facilité. Reste, surtout, à s’interroger sur ce rôle de présentateur des grands journaux télévisés. Quelle part de vie, de surprise, d’autorité sur les sujets ? Combien de temps, encore, pourra durer cette notion de grand-messe, à une époque où chacun d’entre nous, de plus en plus, reçoit les infos, et même les images, en flux continu, toute la journée, sur son portable, et un jour sur sa montre ? Cet homme, ou cette femme-tronc, qui nous dispense à heure fixe le bréviaire de ce qu’il faudrait retenir, n’appartiennent-ils pas déjà au passé ?

    Des journalistes, à coup sûr, il en faut, plus que jamais. Des médiateurs. Avec leur personnalité, leur parcours, leur culture. Mais le temps des récitants est peut-être révolu. Je ne suis pas sûr qu’il faille absolument s’en plaindre.