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Liberté - Page 1505

  • Filles de l’or

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    Tribune de Genève - Lundi 22.06.09

     

    Mon premier passage sur l’Acropole date de 1966. Long voyage, familial, qui nous avait conduits jusqu’à Beyrouth et Damas. Coup de foudre pour la Grèce. Cinq ans plus tard, début d’une longue initiation à cette langue. Vertige. Et, depuis ce week-end, émotion : c’est un architecte suisse qui a conçu le tout nouveau Musée de l’Acropole, Bernard Tschumi.

    La trace de la Grèce ne se ramène de loin pas au seul culte de la raison. Il y a autant de récits, de folie, de fulgurances d’irrationnel, dans cette littérature-là. Et les « filles des nombres d’or » de Valéry, de quelle mathématique d’ombre surgissent-elles ? Clarté d’une équation, ou nuit d’encre de l’énigme ?

    Alors, retournons tous sur l’Acropole. Ou plutôt, dans le ventre de la Grèce d’aujourd’hui. Avec ses sources et ses pollutions, la colère de sa jeunesse, la rigueur de ses montagnes. Et, s’il faut retenir un poète, je vous supplie d’ouvrir Georges Séféris (1900-1971), eh oui un Grec moderne : lisez les « Six nuits sur l’Acropole », son seul roman. Epoustouflant.

    A ceux d’entre vous qui ont la chance d’aller en Grèce, cet été, je dirai bien sûr d’aller voir l’œuvre de Tschumi. Et puis, de vous laisser vivre. Avec ou sans Pindare. Avec juste le vent. Et ces syllabes de myrrhe ou d’encens, juste colportées, ce grec moderne à vos oreilles, à la fois même et autre, comme une permanence. Face à la mortelle déraison du silence.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • T’es Latin, coco ?

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    Série "Dis Papa, c'est encore loin, le 16 septembre?" - Dimanche 21.06.09 - 09.15h

    Ils n’ont plus que ce mot-là : « Latin ». Ils ne disent pas « Romand », mais « Latin ». Ils pourraient ajouter « noiraud », « sémillant », « conduisant vite, à l’instinct », « adepte du tango », « amant jaloux ». Tout cela, condensé en un mot : « Latin ».

    Voilà donc, l’espace d’une vacance, la Suisse coupée en deux : les Teutons et les Latins. On voudrait la belgiciser (avec l’éclatant succès qu’on sait), on ne s’y prendrait pas autrement. Le procès qu’on vient d’intenter au Singinois Schwaller, procès en non-latinité, n’est pas loin de rappeler les très riches heures de l’Inquisition contre les sorcières, voire certaines quêtes de « certificat » des années noires.

    À lire la presse orangée dominicale, ce matin, c’est le délire. Ils montent tous au créneau, le poignard ethnique entre les dents. Oh, que les deux meilleurs candidats se trouvent être des Latins, je n’en disconviens pas, ayant déjà esquissé le vivifiant intérêt d’une finale de chefs, en septembre, la finale de rêve entre Fulvio Pelli et Christophe Darbellay. Mais enfin, ça n’est en aucun cas parce qu’ils sont Latins. J’évite, en principe, de pratiquer la prise de sang avant de délivrer une appréciation sur la valeur d’un politique.

    Dès lors, lorsque tous les cadres d’un groupe de presse romand en viennent à plaider à l’unisson, et avec quelle fureur, pour qu’un fils de la Louve, et nul autre, ethniquement attesté, remplace aux affaires l’Imperator d’Octodure, on viendrait presque à se demander si le rachat récent de leur groupe par les Zurichois n’aurait pas provoqué en eux comme un surmoi d’urticaire. Mais cette question, nous ne la poserons pas. Nous la laisserons juste flotter, au fil de l’eau. Comme portée par une voile latine. Dans la douceur de sa dérive.

    Pascal Décaillet

  • Le PDC a ses chances… Mais à quel prix ?

    Analyse, suite aux Assemblées de délégués du PDC et de l'UDC, samedi 20.06.09, 17h

    Il devait souffler, aujourd’hui à Delémont, comme un parfum de dame en noir. Le souvenir de Ruth Metzler. Ce mercredi de décembre 2003, le siège perdu : une alliance froide entre radicaux et UDC, la Realpolitik. Dès lors, le PDC n’avait plus qu’à mourir, mourir pour renaître, renaître pour reconquérir. Devant le congrès de son parti, tout à l’heure dans la capitale jurassienne, Christophe Darbellay a confirmé avec une dionysiaque ivresse sa rage de Reconquista. Au même moment, devant l’Assemblée des délégués de l’UDC, Toni Brunner accusait le Valaisan de vouloir pulvériser la concordance suisse.

    Brunner se trompe. C’est une autre concordance que va tenter (par un travail estival qui promet d’être acharné) de mettre en place le président du PDC. Un nouvel axe, où l’épée du monde serait le Centre, avec des tentatives de séduction sur les Verts, quelques socialistes, quelques libéraux-radicaux, et pourquoi pas quelques UDC. Bref, un patchwork. Pour parachever ce montage, il s’agira de grappiller les suffrages à l’unité près, jusqu’à la nuit du 15 au 16 septembre, incluse. Et arrosée.

    Car les libéraux-radicaux, titulaires du siège vacant, ne feront pas le moindre cadeau à leurs chers ennemis du Sonderbund. La majorité numérique, ils l’ont. Les hommes et les femmes de valeur, aussi. La légitimation de l’Histoire, le rôle de leur famille politique dans le façonnement de la Suisse moderne, encore plus. Dès lors, la seule carte de Darbellay sera d’afficher un programme gouvernemental de rupture, ce qui a déjà été esquissé, aujourd’hui à Delémont, avec une proposition de refonte en profondeur du système de santé. Et, à la volée, cette petite gentillesse pour Pascal Couchepin, en guise de droit d’inventaire : « Ces dernières années, la politique de santé a été une politique de rafistolage ». Ou quand Brutus nous raconte la vie de César…

    Comment Christophe Darbellay va-t-il se débrouiller pour que sa tentative de recomposition ne soit pas perçue, une nouvelle fois après le 13 décembre 2007, comme une trahison de la droite suisse ? À cette question majeure, en ce samedi 20 juin 2009, je n’ai pas de réponse. Car le grand défi des anciens adversaires du Sonderbund et du Kulturkampf, c’est justement de dépasser les fractures de l’Histoire et de se rassembler. Un grand parti de centre-droit, en Suisse, entre la gauche et l’UDC. La haine qui oppose MM Pelli et Darbellay, la cruauté de la compétition estivale qui s’annonce, tout cela pourrait bien, après l’élection, laisser des traces. Et ralentir, voire geler un processus de rapprochement que le sens de l’Histoire devrait pourtant dicter à ces deux grandes familles politiques qui ont tant fait pour inventer la Suisse moderne.

    Pascal Décaillet