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Liberté - Page 1504

  • Le pays des ocres

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    Tribune de Genève - Lundi 29.06.09

     

    Pour moi, les vacances, c’est lire, lire et lire encore. Comme je suis loin d’être seul dans ce cas, je vous recommande un petit bijou, le dialogue de deux éclatants octogénaires, le biographe de génie Jean Lacouture (1921) et l’essayiste Raymond Jean (1925), auteur, entre beaucoup d’autres, de « La lectrice », d’un « Nerval » et d’un « Eluard ».

    Ces deux hommes se sont connus au Maroc en 1958, et, régulièrement, se croisent l’été dans le Vaucluse, département de fierté républicaine, de vignes vierges, d’olives et de premières figues, le « pays des ocres », comme ils l’appellent, le Luberon. Non loin, la Durance, le gris moiré des alluvions où l’Alpe se charrie jusqu’à la mer.

    De quoi parlent-ils ? De tout ! Voltaire, Rousseau, la communauté juive de Salonique, Combat, le Monde, Clavel, Jacques Rivière, Gide, Ben Barka. Et si c’était eux, la Durance, avec le charivari des sables et des graviers, les troncs, les branches d’une vie d’homme, juste dans le siècle ?

    Rien, dans ce dialogue de 120 pages, qui suinterait le didactique. Juste la vie, qui s’écoule et nous rafraîchit l’âme. Sublime vieillard que Lacouture, vin de vie boisé, de la plus parfaite tradition bordelaise. Et Raymond Jean, à niveau, pour des répliques à faire frissonner les ambitions de la Mort. A lire, vite.

     

    Pascal Décaillet

     

    *** Raymond Jean, Jean Lacouture : « Dialogue ininterrompu, Maroc 1958 - Luberon 2008. Entretiens au pays des ocres ». L’Aube, mai 2009.

     

  • La chance perdue

     

    Le Matin dimanche - 28.06.09

     

    Pierre Maudet, jeudi après-midi, hésitait encore. Penché sur l’extrême bord du Rubicon, à deux doigts du plongeon, il a préféré renoncer. Dommage. Il y avait là la salutaire espérance d’une fenêtre ouverte, avec l’irruption d’un vent glacé, dans le hublot d’un vieux grenier où suinteraient la lésine, le roussi, le poussiéreux avachissement du poids des ans.

    Surdoué de l’action publique, Pierre Maudet est aussi un homme d’une rare culture sur l’histoire des idées, la genèse et l’évolution des partis politiques depuis la Révolution française : James Fazy, Jules Ferry, Guizot, Mandel ou Mendès France n’ont aucun secret pour lui, il est imprégné de passion républicaine, capable d’en parler pendant des heures. Bref, un arrière-pays, chose hélas de plus en plus rare dans la classe politique. Radical, il sait pourquoi il l’est, d’où vient ce parti, comment le régénérer pour relancer le pays.

    Cette candidature, sans doute, avait bien des risques d’aller se fracasser, au final, contre celle d’un Pelli ou d’un Broulis. Mais diable, elle aurait remué et labouré le champ de nos idées, secoué la torpeur du centre-droit, charcuté nos préjugés, remis en question ce mode électoral, si ahurissant, où nul programme commun, nulle épine dorsale ne relie entre eux les membres du Conseil fédéral, ces passants du hasard, qui restent tant qu’ils veulent et prennent congé, par pure convenance, au beau milieu d’une législature.

    Tout cela n’est pas une question d’âge. Maudet n’a ni raison ni tort d’avoir 31 ans. Il a 31 ans, c’est tout. Et puis, foin du conflit des générations, foin de celui de sexes ! Ce dont la Suisse a besoin, c’est d’hommes et de femmes, de tous âges, ayant une puissante ambition pour le pays. Pierre Maudet, parmi quelques rares autres, en fait partie. Il aurait été, c’est sûr, un candidat d’exception.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • « Je le vis, je rougis… »

     

    Tribune de Genève - Jeudi 25.06.09

     

    Ce soir, ou au plus tard demain matin, nous devrions savoir si Pierre Maudet, 31 ans, jeune prodige de la politique en Suisse romande, se porte ou non candidat au Conseil fédéral. Cette décision, plus que toute autre, lui appartient.

    Etrange, tout de même ce début de campagne où les plus bavards ne sont pas toujours les plus importants, où les ténors se taisent, et où l’acuité du cri des chérubins vient percer nos oreilles. Etrange, oui, cette marmoréenne attitude :  « ceux qui comptent » se drapent de silence, en préparant la seconde si jouissivement nuptiale de l’aveu. C’est Phèdre qui se penche vers Oenone, les mots irrévocables : « Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue… ».

    Pourquoi ce cirque, au fond ? En quoi Mme Brunschwig Graf, MM Broulis, Pelli, Darbellay devraient-ils à tout prix nous faire suer d’impatience, le temps d’un été de mutisme, avant de nous délivrer l’oracle ? François Longchamp, Pierre Maudet, eux, auront au moins tranché, dans un sens ou dans l’autre, avant l’été. Il y a là un respect du public.

    Pour le reste, il est souvent d’usage, fin juin, en se quittant, d’offrir quelques livres. Alors, disons, pour Darbellay, « La grande peur dans la montagne », où l’homme ira mûrir sa décision. Et, pour Pelli, ce petit chef-d’œuvre de fouet, de sadisme et de confiture de la très regrettée Comtesse de Ségur : « Les vacances ».

     

    Pascal Décaillet