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La « Lettre à tous les Français » de Charles Beer

 

23 pages, un corps de caractère suffisamment gros pour ne pas faire fuir le putatif électeur du troisième âge, ni le faux aveugle. Quelques intertitres clairs, aussi. Voici, épicé par une forte dose d’épicène, version tous ménages, le credo de Charles Beer en quête de réélection. Il a bien voulu, hier soir, m’en offrir un exemplaire, je l’ai lu avec intérêt.

« Lettre à tous les Français », c’était François Mitterrand, 1988, d’un septennat l’autre, la campagne où il n’en finit plus de jouir du patient assassinat de son propre Premier ministre, Jacques Chirac. « Vous avez parfaitement raison, Monsieur le Premier ministre », lui lance-il dans un débat de légende. « J’ai choisi de vous écrire », c’est le texte de Charles Beer, judoka ailé, politique avisé, l’homme accompli, à cela près que, contrairement à Mitterrand, il est lui, un authentique socialiste. Nul n’est parfait.

D’abord, hommage. Très bien d’avoir choisi l’écriture, ces quinze ou vingt minutes d’attention que le candidat à réélection réclame de son (é) lecteur. Le texte est clair, le public visé est le plus large possible, les parts du chemin personnel (référence à des grands-parents artistes, page 19, histoire de préparer les esprits à son futur grand Département Formation et Culture) et du projet collectif, bien balancées. Thèse, antithèse, synthèse, on gomme un peu le moi pour laisser poindre l’être syndical, altruiste, coopératif, parce que la vie est belle, et l’air, dépollué par les cousins Verts, si pur.

Sans ambition de plume, juste de clarté, le candidat Beer, bon élève socialiste (n’a-t-il pas, lui aussi, hier soir, au risque de perdre des tonnes de voix, rendu hommage à l’œuvre policière de Laurent Moutinot, ce qui apparaît comme la forme ultime, disons esthétisée, du suicide électoral) n’oublie ni Jaurès (Dépêche de Toulouse, page 8), ni Blum (Congrès de 1919, page 13), ni Mitterrand (la Lettre à tous les Français, justement, page 21). Il fait tout juste, Beer. Un peu scolaire (à lui, on le pardonnera), un rien prévisible. Transparent. Mais juste.

Pour le reste, une condamnation du gain spéculé (page 5) au profit de l’économie réelle qui relève, par les temps qui courent, d’une extraordinaire prise de risque intellectuelle, 97,69% des gens la partageant. Un éloge (page 9) des Réseaux d’enseignement prioritaires qui passionnera les foules, un rappel (page 13) de la nécessité de « la notion de genre dans la formation initiale des enseignantes et enseignants », qui sonne un peu comme une apologie de la parthénogénèse, devant une rangée, attentive, d’escargots.

Mais qu’importent ces broutilles, et je me hais moi-même, dans toute la noire imperfection de mon être, de les relever. L’homme a osé. Il a écrit. Le Goncourt ? Peut-être pas. Mais une intention louable. Un marchepied vers la réélection. En attendant d’autres cieux, juste dans la verticalité de l’être. Sous le soleil, exactement.

 

Pascal Décaillet

 

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